La Charente à Saint-Savinien, des travaux d’envergure
À Saint-Savinien, d'importants aménagements ont été entrepris dans les années 1860 pour modifier le cours du fleuve, afin de favoriser la navigation. Ces travaux, complétés 100 ans plus tard, ont entraîné la complète transformation d’une partie de la commune du Mung sur la rive gauche de la Charente.
Carnet du patrimoine
8 juin 2020
# Charente-Maritime, Saint-Savinien
# Opération d'inventaire : La vallée de la Charente
# patrimoine maritime et fluvial
# Epoque contemporaine
Une déviation du fleuve
De tout temps, des hauts fonds existant dans le méandre du fleuve rendaient difficile la traversée de Saint-Savinien pour les bateaux, qui devaient attendre la marée haute pour passer. De ce fait, Saint-Savinien était un port de rupture de charge, entre la navigation maritime et fluviale. Dans les années 1850, « à l’aval de Saintes, le passage de Saint-Savinien présente seul des difficultés aux gabares et aux bateaux à vapeur qui trouvent partout ailleurs, même à marée basse, la profondeur d’eau qui leur est nécessaire ». De plus, à cet endroit, des courants très rapides, voire « violents à marée haute à certaines époques de l’année », nécessitent le recours à des bœufs pour le halage. Pour remédier à ces difficultés, un premier projet de dérivation est étudié en 1854, mais abandonné en raison de son coût. Il est cependant repris dix ans plus tard par l’ingénieur Guillaumain et autorisé par l’administration. Cet aménagement prend place parmi les nombreux travaux entrepris, à partir de 1837, en vue d’améliorer la navigabilité de la Charente en aval de Cognac.
Ce projet prévoit de creuser un canal de navigation pour éviter l’extrémité du méandre que forme la Charente à Saint-Savinien, raccourcissant le trajet de 300 mètres environ. Une écluse à sas est également prévue afin de rattraper le niveau d’eau entre les deux sections, et un pont tournant doit être construit pour la route départementale qui relie Saint-Savinien à Marennes. L'adjudication des travaux a lieu en mars 1866 en faveur de l'entrepreneur Charles Trote. Le chantier de ce canal, d’environ un kilomètre de long et d’une trentaine de mètres de large, se situe sur la commune du Mung, dont la limite orientale est formée par le fleuve. Une pénurie de main-d’œuvre, occasionnée par l'attractivité des chantiers de la Compagnie des chemins de fer des Charentes, cause des retards aux travaux, et le canal n’est ouvert à la navigation qu’en août 1875.
Si les gabares à fond plat et peu chargées suivent encore l’ancien itinéraire, les bateaux de mer, estimés au nombre de 600 pour l’année 1893, sont en mesure grâce au canal et à l’écluse de remonter jusqu’à Port-d’Envaux. En revanche, un autre seuil les empêche de traverser Taillebourg pour aller au-delà.
L’écluse et le pont tournant
L’écluse, en pierre de taille et de 85 mètres de longueur, est fermée à ses extrémités par des portes métalliques. Son sas peut accueillir des bateaux de 38 mètres de long, longueur maximale des bateaux à vapeur qui font alors la navette entre Rochefort et Saintes. La manœuvre est réalisée par des éclusiers, logés auprès de l’ouvrage par l’administration. De nos jours, elles sont commandées à distance. Le pont tournant métallique, placé en tête de l'écluse et construit par la maison bordelaise Daney en 1867, a disparu au moment des travaux de réaménagement.
Le pont de Saint-Savinien
À Saint-Savinien, un besoin de communications plus aisées que le service de bacs se fait sentir dans les années 1860, notamment lorsque est prévue la création de la gare de chemin de fer sur la ligne Rochefort-Cognac. Les archives départementales de la Charente-Maritime conservent le dessin d’un projet de tunnel sous la Charente, envisagé alors par un commissaire de police, pour ne pas gêner la navigation. Une fois les grands bateaux déviés sur le canal, la construction d’un pont fixe sur le fleuve dans le bourg de Saint-Saninien est possible. Les travaux sont réalisés sur les plans de l'ingénieur des Ponts et Chaussées, Victor Ernest Polony, et le tablier métallique est fabriqué par l'entreprise parisienne Armand Moisant. Le pont est inauguré en septembre 1879. Détruit en août 1944 par l'armée allemande, il est remis en état en 1946. En 1979, année de son centenaire, l'ouvrage est démoli pour être remplacé par le pont en béton aujourd'hui présent.
De nouveaux travaux dans les années 1960
Afin de remédier aux crues à répétition et au manque d’eau douce dans les marais de Rochefort et de Brouage, un nouveau projet d’aménagement de la Charente et d’irrigation est étudié dès 1925. C’est un décret du Conseil d'État qui autorise, en 1961, l'élargissement de l'ancien canal de navigation, la construction de deux barrages, ainsi que l'aménagement du canal d’irrigation de l'UNIMA (Union des marais de Charente-Maritime). L'ensemble des travaux est terminé en 1968.
Les deux barrages
Les barrages doivent favoriser l'écoulement de la Charente en période de crue et arrêter la salinité apportée par les marées. Leurs vannes sont donc fermées à la marée montante, pour empêcher la remontée des eaux salées, puis ouvertes à la marée descendante, pour relâcher l'eau douce stockée en amont. À cette fin, le canal de navigation est élargi pour atteindre une soixantaine de mètres, ses côtés étant en pente douce.
L'un des barrages, mobile, est construit dans la partie médiane du canal, accolé à l’ancienne écluse. Ses trois vannes de 13 mètres de largeur sont manœuvrées automatiquement par un système de câbles, indépendamment les unes des autres. L’ancien pont tournant est remplacé par un pont en béton au-dessus des vannes, doté d'une travée mobile au-dessus de l'écluse.
L'autre barrage, fixe, est édifié en aval du méandre naturel du fleuve, avant la confluence avec le canal, afin de maintenir le niveau d'eau dans la traversée du bourg de Saint-Savinien. Il mesure 45 mètres de long et est accolé à un canal de décharge d'une trentaine de mètres de long en béton armé, au milieu duquel, une porte à clapet régule la hauteur de l'eau en amont.
Un canal parallèle à la Charente
La prise du canal d’irrigation, où l’eau est dérivée dans le ruisseau de Moussard, se trouve en amont du premier barrage. Grâce à deux stations de relevage, elle est ensuite acheminée sur près d’une trentaine de kilomètres, en rive gauche du fleuve, jusqu’à Saint-Hippolyte. Elle alimente, via le canal de la Bridoire, les marais de Marennes et, via un siphon sous la Charente, la station de refoulement du Pont-Rouge à Rochefort sur la rive droite. Le canal fournit aussi l'usine de traitement Lucien-Grand, installée à Saint-Hippolyte, qui livre l’eau potable à l'ensemble du littoral de la Charente-Maritime.
Saint-Savinien aujourd’hui
Depuis 1957, la Charente ayant été rayée des voies navigables en amont de Tonnay-Charente, le fleuve et le canal de navigation sont seulement fréquentés par des petits bateaux de plaisance. Des pontons leur sont d’ailleurs dédiés dans le port de Saint-Savinien, face aux anciens quais construits au 19e siècle pour le chargement et déchargement des marchandises. Tout près, l’espace délimité par le fleuve et le canal, appelé l’île de la Grenouillette, est désormais occupé par un lac artificiel et une base de loisirs.