La Roche-Posay : de la source à la buvette thermale
Connues et utilisées pour leurs bienfaits depuis des siècles, les eaux de source de La Roche-Posay sont étudiées dès le 17e siècle. Leur réputation thérapeutique permet la création et l'essor d'une station thermale, reconnue d'utilité publique en 1897. L'ancien établissement thermal et le kiosque sont les témoins précieux de l'histoire du thermalisme de la commune.
Carnet du patrimoine
Publié le 17 janvier 2017
# Vienne, La Roche-Posay
# Opération d'inventaire : Grand Châtellerault
# Station thermale
# Temps modernes et époque contemporaine
[...] Venez reprendre vie à la Roche-Posay
Village comme un nid sur la roche posé,
Pays de doux repos où, pittoresque et creuse,
Serpente la Gartempe et murmure la Creuse ;
Terre de souvenirs, d'abris calmes et frais
Où la nature enfin, dans sa bonté féconde
Fit jaillir l'eau qui doit régénérer le monde,
Venez voir la joie au pays des heureux. [...]
Extrait d'un poème anonyme, présenté à la suite de l'article « Les Eaux minérales de la Roche-Posay-les-Bains » par le Dr Malteste, paru dans Le Poitou médical du 1er septembre 1904. gallica.bnf.fr
Des sources connues pour leurs bienfaits dès le 16e siècle...
Des témoignages écrits du 16e siècle révèlent que La Roche-Posay est déjà connue pour ses eaux bienfaisantes. Ainsi, Denis Genéroux, notaire à Parthenay, raconte, en août 1573, qu'après s'être lavé à La Roche-Posay, sa migraine et sa gale ont disparu. La même année, Michel le Riche, avocat à Saint-Maixent, vante les mérites de ces sources proches de Poitiers. Toujours en 1573, Nicolas Bonfons, libraire-imprimeur à Paris, rapporte dans son journal comment les qualités thérapeutiques des eaux ont été détectées par un chirurgien.
… et certainement bien avant
Quant à l'utilisation des eaux et de leurs bienfaits avant le 16e siècle, elle n'est confirmée à ce jour par aucun document ou vestige. Le père Camille de la Croix, éminent archéologue du 19e siècle, affirmait toutefois que les sources étaient utilisées dès l'époque romaine. Un récit du 14e siècle mentionne le passage de Du Guesclin à La Roche-Posay, venu s'y reposer lors de ses campagnes ; d'après la tradition orale, celui-ci y aurait découvert une source qui guérit les plaies et maladies de peau de ses soldats.
Des eaux étudiées dès 1615 et qui attirent de plus en plus de malades
En 1615, la renommée de La Roche-Posay est telle que Pierre Milon, premier médecin d’Henri IV et de Louis XIII, s’y déplace pour étudier et analyser les eaux. Il observe trois fontaines semblables, aux eaux composées de soufre, de fer et de nitre, mais en quantité différente. Il parle alors d’une « grande et ancienne fontaine », d’une « assez grande fontaine » et d’une fontaine « petite et froide ». En 1670, M. Duclos, médecin et membre de l’Académie des Sciences, décèle suite à de nouvelles analyses, la présence de sel uni à un peu de terre grise dans ces eaux.
Vers 1736, M. Martin, médecin à Châtellerault, réétudie les eaux. Il détecte lui aussi du nitre et du soufre dans trois bassins, dont deux contiennent aussi du fer, cela en quantité différente. Un quatrième bassin sert de dégorgeoir aux trois autres.
Suite à ces analyses successives, les sources attirent un nombre croissant de malades, ce qui entraîne l’aménagement de leurs abords. Ainsi, le « lavoir des fontaines » aurait été divisé en quatre bassins, dont trois pour les sources et un quatrième pour le puisage de l’eau des bains publics de la commune. Cette construction maçonnée pour une utilisation thermale des sources naturelles pourrait dater du début du 17e siècle.
Des bienfaits confirmés au 19e siècle
Au début du 19e siècle, une étude des eaux thermales est menée par le docteur Joslé, ancien médecin des Armées et médecin de l’hôpital et des prisons de Poitiers. Celui-ci remet notamment en cause les précédentes analyses et établit de nouvelles conclusions sur les eaux de La Roche-Posay. Il parle alors d’une source d’eau unique qui s’échappe en deux petits jets pour arriver dans un bassin, lui-même divisé en quatre petits bassins par un mur en forme de croix. Selon ses tests, les eaux sont composées des éléments suivants : sulfate calcaire, carbonate calcaire, magnésie calcaire, soufre, gaz hydrogène et muriate de soude. Contrairement aux analyses précédentes, elles ne comportent ni fer, ni acide. Le docteur Joslé conclut son étude sur les nombreux bienfaits de ces eaux, les moyens de les utiliser et les améliorations à apporter pour développer leur renommée. Il publie ses résultats en 1805 dans Essai Analytique sur les Eaux minérales, sulfureuse froides de La Roche-Posay. Cet écrit est validé en 1806 par l’Inspecteur des Eaux qui le fait connaître à Napoléon 1er. En 1810, l’Empereur nommera le docteur Joslé, médecin des Eaux.
Napoléon 1er aurait, vers 1807, fait construire pour ses soldats un petit hôpital militaire auprès des sources. Cependant, aucun des documents d'archives étudiés à ce jour ne mentionne un bâtiment pouvant accueillir des malades à proximité des fontaines. À l'époque, le bassin en croix constitue l’unique lieu d’usage des eaux en direct. Les baigneurs se soignent dans des hôtels ou pensions privés où l’eau thermale est apportée via des tonneaux en bois. Ces derniers sont remplis grâce à une pompe présente dans le bassin, en mauvais état et non protégé. Des corps étrangers viennent ainsi troubler les eaux et les écoulements se mélangent à la source lors des fortes pluies. Vers 1810, le bassin est réparé et le lieu réaménagé : une clôture octogonale composée d’un mur d’enceinte en pierre surmonté d’une balustrade en bois est construite - la clôture possède une porte accessible par un escalier en pierre de taille ; les fossés d’enceinte et d’écoulement sont creusés. Plus tard, la balustrade en bois sera remplacée par un système de grille en fer plus élégant. Ce système permet de restreindre l’accès du bassin au personnel soignant, tout en permettant une distribution de l’eau aux buveurs à travers les grilles et ceci, grâce à de longues louches en bois.
Le pavillon des sources
Dès lors, le lieu des fontaines, nommé également pavillon des sources, est en plein essor et le nombre de buveurs ne cesse d'augmenter. Soucieuse de leur bien-être, la municipalité fait construire, avant 1816, un salon auprès des fontaines pour les jours de pluie ou de grande chaleur. Ce salon n’est autre que le petit bâtiment rectangulaire en pierre calcaire, encore présent aujourd’hui sur le terrain de l’ancien établissement thermal.
L’hospice thermal militaire
À partir de 1817, une réflexion est menée afin de mieux accueillir les malades. Il sera alors décidé de construire à proximité du pavillon des sources, un établissement de bains destiné à recevoir des militaires : l’hospice thermal militaire de La Roche-Posay. Le premier projet de 1820, jugé trop modeste, sera revu en 1822 pour un établissement plus ambitieux qui sera terminé en 1825. Le bâtiment a la particularité d’être compris dans une enceinte qui permet de séparer les malades des buveurs venant au pavillon des sources et au salon.
L’hospice thermal militaire n’est pas un succès, et l’État le vend en 1840 à la commune. Dans les années 1860, une société propose d’affermer l’hospice, le pavillon des sources, le salon et le jardin, afin de créer un établissement thermal de bains d’eaux minérales avec parcs et promenades pour les curistes.
La buvette thermale
En 1903, une nouvelle société achète le terrain et les bâtiments. Son objectif est d’apporter à la station ce qui lui manque cruellement : un établissement thermal de qualité. Ce nouvel établissement thermal avec son parc, construit à partir et sur l’emplacement de l’hospice thermal, est inauguré en 1905.
Le pavillon des sources n’échappe pas à cette vague de modernité et est entièrement réaménagé en 1908. Sur son emplacement est construit un kiosque en bois abritant une grande fontaine accompagnée d'une vasque et surmontée d'un vase. Sous le kiosque, à la place du bassin, trois pompes alimentent les trois robinets de la fontaine, un pour chaque eau thermale : Saint-Savin, Saint-Cyprien et Dugesclin. Ces trois eaux thermales, autrefois identifiées par un numéro, sont ainsi nommées après leur présentation à l’exposition universelle de 1889. Le kiosque et sa fontaine sont plus couramment appelés la buvette, un véritable lieu de vie où les curistes venaient boire l’eau thermale avec leur gobelet. Plus tard, on appliquera à la buvette un règlement : l’eau sera vendue au verre, à la bouteille ou en fonction d’un abonnement. L’établissement thermal fermera vers 1935, mais la buvette restera en service jusqu’à la fin du 20e siècle.
Depuis sa construction, le kiosque a subi différentes modifications, notamment sa fontaine, qui ne distribue plus d’eau thermale aujourd'hui. Ayant perdu sa fonction de buvette, le kiosque apparaît anodin aux yeux du promeneur. Témoin de la naissance du thermalisme à La Roche-Posay, il est pourtant un élément essentiel de l'histoire et du patrimoine de la commune. À quelques mètres, l’ancien établissement thermal est actuellement en cours de restauration et de réhabilitation. Espérons que ce second souffle profite également au kiosque.
Auteur : Céline Fouré, janvier 2017.
Sources
Documents d'archives
- Archives nationales : F-21-1907. Hospice thermal, plan et coupe.
- Archives départementales de la Vienne :
- 5 M 12. Santé publique et salubrité (thermalisme, assistance médicale).
- 2 0 251.8. Biens communaux bâtis, établissement thermal.
- 5 M 310. Eaux minérales de La Roche-Posay.
- 5 M 304. 1914-1920 : eaux thermales, affaires diverses.
- 5 Fi 2561. Première moitié du 20e siècle : l'établissement thermal.
- 5 Fi 933. Première moitié du 20e siècle : le jardin de l'établissement thermal.
- 5 M 12. Santé publique et salubrité (thermalisme, assistance médicale).
- 2 0 251.8. Biens communaux bâtis, établissement thermal.
- 5 M 310. Eaux minérales de La Roche-Posay.
- 5 M 304. 1914-1920 : eaux thermales, affaires diverses.
- 5 Fi 2561. Première moitié du 20e siècle : l'établissement thermal.
- 5 Fi 933. Première moitié du 20e siècle : le jardin de l'établissement thermal.
Bibliographie
- JALTEL Michel, La Roche-Posay, station thermale européenne de la peau, Saint-Jean-de- Braye : s.n., 1991, 128 p.
- FROUIN (R.) Chanoine, Quelques glanes d’histoires rassemblés, La Roche-Posay, 1909-1956, 208 p.
- DUBOUT Jean-Paul, JUCHAUDT Pierre, SIMMAT Gérard, Le Pays des Vals de Gartempe, s.l : Alan Sutton, s.d., 111 p., (Mémoire en Images).