Les ports de Rochefort
La présence d’un arsenal à Rochefort, entre fleuve et océan, engendre de nombreux échanges commerciaux : l’arrière-pays fournit des vivres et des matières premières, la Marine ravitaille les colonies et en rapporte également des marchandises. Ce commerce se fonde sur des aménagements portuaires adéquats.
Carnet du patrimoine
Publié le 26 juillet 2017
# Charente-Maritime, Rochefort
# Opération d'inventaire : La vallée de la Charente
# Port
# Temps modernes et époque contemporaine
Dès les premières années de l’installation de l’arsenal (1666), un chenal, placé en son centre, est dédié aux opérations des négociants qui possèdent des magasins sur sa rive gauche, tandis que, au nord, un autre chenal dessert le magasin aux vivres. Ce n’est qu’à partir de la fin du 18e siècle que sont aménagés, successivement, plusieurs ports de commerce à l’extérieur de l’arsenal.
Du chenal de la Cloche...
À la fin du 17e siècle et au 18e siècle, les marchandises sont chargées et déchargées sur la rive gauche du chenal dit du Parc ou de la Cloche, aménagé au milieu du port militaire. Au-dessus de ce chenal, un pont en pierre, conservé de nos jours, remplace, en 1741, un ancien pont en bois. Des lettres patentes du Roi de 1775 et 1776 autorisent les négociants de Rochefort à commercer avec les colonies, mais les dépossèdent de leurs magasins et entrepôts édifiés sur les bords du chenal de la Cloche.
… au port de la Cabane-Carrée
En compensation de la perte de leurs bâtiments, les négociants se voient concéder un terrain près de la Vieille Forme. Ils choisissent alors de s'installer dans un lieu moins exigu, à l'extérieur de la ville, à la Cabane-Carrée, où se font déjà des réparations et des constructions de bateaux depuis 1719. Ils s’y font édifier de vastes magasins. Le port de la Cabane-Carrée fera l’objet d’importants aménagements à partir des années 1820 : gril de carénage, cale de construction, appontements, quai maçonné incliné…
Le port marchand
À l'intérieur de la ville et au nord du port militaire, un chenal, aménagé pour le déchargement des denrées destinées à être stockées ou transformées dans le magasin aux vivres de la marine, est dit port marchand. Il fait l'objet de diverses transformations au cours du 18e siècle. Les petits navires y accostent, tandis que les plus gros se rendent au port de la Cabane-Carrée.
Un trafic intense...
Au tout début du 19e siècle, on évalue à environ 200 le nombre de gabares, de 100 à 300 tonneaux, qui circulent sur le fleuve, en une année, à Rochefort. L'augmentation du trafic et l'accroissement de la taille des bateaux conduisent à décider, dans les années 1850, l'aménagement de deux bassins : le n° 1 est creusé à l'emplacement de l'ancien chenal du port marchand, il communique par un canal avec le n° 2 créé à l'extérieur de la ville. Ce nouvel aménagement portuaire est mis en service en 1869. L'ancienne forme de radoub, qui est exploitée par la Ville de Rochefort, complète l'équipement de ces bassins.
… qui ralentit et se modifie
Dans les années 1860-1880, le trafic maritime subit une baisse régulière et rapide. Celle-ci s'explique par la concurrence du chemin de fer (en 1857 pour la ligne reliant Rochefort à Aigrefeuille - dont la gare de la Cie d’Orléans se situe près du bassin n° 2 - et en 1867, pour la ligne de La Rochelle à Saintes) et l'augmentation du tonnage des bateaux, qui entraîne la diminution de leur nombre, pour un transport plus important de marchandises. .
Le trafic fait alors l'objet d'une importante mutation. Le nombre de bateaux entrés dans le port diminue de plus de la moitié entre 1867, avec 1 117 bateaux (presque tous à voiles - à l'exception de 22), et 1878, avec 486 bateaux (dont près du quart à vapeur ). Dans la même période, le tonnage des importations est multiplié par trois, tandis que celui des exportations diminue de près de vingt fois (passant de 63 519 à 3 217 tonnes à la seule destination de ports étrangers).
Ainsi, dans les années 1880, le port de Rochefort devient presque exclusivement un port d'importation, la majeure partie du trafic s'y faisant sous pavillons étrangers (anglais pour le charbon, norvégien, allemand et suédois pour les bois de construction). Les exportations de faible importance concernent le moellon et la pierre de taille, le vin, etc. Parallèlement, des petits bateaux de cabotage transportent des denrées et des matériaux de construction dans les ports voisins.
Dans le même temps, le mouvement dans le port se modifie. Alors que les navires à voile, de 400 à 500 tonnes, restaient en moyenne un mois dans le port (deux à trois semaines pour décharger et une semaine pour prendre du lest), les nouveaux navires à vapeur de 3 000 tonnes et plus, mieux équipés, ne mettent plus que huit jours pour leur déchargement.
Un troisième bassin à flot
À plusieurs reprises est examiné un projet de création d'un canal reliant le bassin n° 2 au Vergeroux, offrant aux navires de commerce un trajet plus court et leur évitant de traverser le port militaire. Jugé trop coûteux, ce projet est finalement abandonné.
En 1890, un troisième bassin à flot, beaucoup plus vaste que les deux précédents (6 ha de superficie et 8 m de profondeur), est mis en service. Ce bassin est réalisé en même temps que la Charente fait l'objet de travaux d'approfondissement pour permettre à des navires de 8 mètres de tirant d'eau d'accéder au port à toute marée ; arrivés dans la rade, ils remontent à la marée, aidés par des remorqueurs, et, en deux heures, peuvent être amarrés et prêts à être déchargés. La navigation est ainsi améliorée, mais il reste toujours le problème de la traversée du port militaire, parfois gênée par les mouvements des navires de guerre et interdite la nuit.
Les bassins n° 1 et n° 2 envasés, ...
À partir des années 1920, le bassin n° 3 reçoit surtout des importations de bois du Nord, puis des bois tropicaux. Les deux premiers bassins, sujets à l'envasement, sont de moins en moins utilisés et abandonnés en 1945 ; ils se comblent alors complètement au fil du temps. À partir de 1969, le monopole de l'importation des bois tropicaux par le port de la Pallice à La Rochelle porte gravement atteinte au trafic du port de Rochefort.
… puis transformés en port de plaisance
Dans les années 1970-1980, d'importants travaux sont entrepris pour que Rochefort retrouve son caractère maritime : les bassins n° 1 et n° 2 sont recreusés et transformés en port de plaisance. Dans le même temps, dans l'arsenal, le chenal de la Cloche et le bassin d'échouage - qui y avait été aménagé vers 1880 - sont remblayés au profit de la construction de bâtiments pour la SOCEA, actuellement Stelia Aerospace.
De nos jours, le port de la Cabane-Carrée est devenu un simple quai. Les bassins n° 1 et 2 accueillent le port de plaisance, la fonction commerciale de Rochefort étant réservée au bassin n° 3. Le port de commerce est associé à celui de Tonnay-Charente, pour un trafic principalement dédié à l'importation de bois du Nord et d'engrais, ainsi qu’à l'exportation de céréales.
Auteur : Pascale Moisdon, juillet 2017.