Enceintes, bâtiments et équipements sont la composante la plus visible du patrimoine sportif : arènes, stades, hippodromes, circuits automobiles, vélodromes, boulodromes, piscines, patinoires etc... Certaines de ces réalisations peuvent même revêtir une importance architecturale majeure comme le stade Gerland de Lyon réalisé par l’architecte Tony Garnier (1920), le stade de Firminy-Vert dessiné en 1954 par Le Corbusier ou la piscine Molitor dans le style « Art déco » à Paris, en 1929 [1]. D’autres peuvent également susciter un attachement émotionnel particulier pour une collectivité, souvent locale. C’est le cas du stade Chaban-Delmas à Bordeaux.

Le projet du stade municipal de Bordeaux, devenu stade Chaban-Delmas en 2001, a ainsi été lancé en prévision de la réception de matches internationaux lors de la coupe du monde de football 1938 et retenu une seconde fois pour celle de 1998. Il a connu des rénovations en 1986, 1998 et 2008.

⇒Voir le carnet du patrimoine : 

Le Stade Matmut Atlantique : un successeur au 21^e siècle pour le stade Chaban-Delmas

En dépit de ces qualités architecturales évidentes, la question de la construction d'un nouveau stade pour le club local des Girondins de Bordeaux se fait jour lors de la candidature de la France à l'organisation de l’Euro 2016 [championnat d’Europe de football]. La vétusté et la difficulté de mettre aux normes le stade Chaban-Delmas, ne permettant pas à Bordeaux de s'associer à ce projet, la municipalité décide, en 2011, de construire un nouveau stade multifonctionnel dans le quartier du Lac au nord de la ville. Le stade, de 42 000 places, imaginé par les architectes suisses Jacques Herzog et Pierre de Meuron (déjà auteurs du stade olympique de Pékin et de l’Allianz Arena de Munich) se singularise par la présence de plus de 1 000 poteaux blancs s'inspirant à la fois des forêts de pins des Landes et des temples grecs. Une coursive découverte ceinture l'aire de jeu et permet aux spectateurs de faire le tour du stade sans obstacle et sans perdre de vue le terrain. Sa construction s’étale de 2012 à 2015. Le 3 septembre 2015, le stade prend le nom de Matmut Atlantique, selon le concept du naming (ou nommage).

⇒Voir la vidéo :  "Pierre de Meuron présente ce nouvel équipent à la presse". (19 20 Edition Aquitaine - 18.05.2015 - 01:31) sur le site de l'INA.

Le Bouscat, stade Sainte-Germaine

Longtemps resté « l’autre » stade de l’agglomération bordelaise, il est historiquement le siège du Stade bordelais, club omnisports fondé en 1889 permettant la pratique du rugby à XV et du football depuis 1894. Il connait ses heures de gloire avant la Première Guerre mondiale. Le Stade bordelais remporte en effet sept titres de champion de France de rugby au début du 20^e siècle. Durant ces heures glorieuses, des affluences de 10 000 personnes ne sont pas rares. Il accueille aujourd’hui l’équipe féminine de rugby du Stade bordelais.

Bègles, « Musard », stade Delphin-Loche puis André-Moga

Le stade Delphin-Loche (ou "Musard"), porte le nom du fondateur du Club Athlétique Béglais. Construit au début des années 1920 sur un champ dit de Musard, le stade garde encore officieusement et dans l’usage local le nom de stade Musard. Dès 1919, on édifie une première tribune de bois à l’emplacement de la tribune d’honneur actuelle. Officiellement baptisé André-Moga en l'honneur d'un ancien joueur et président du club, il dispose de deux tribunes (Océan et Garonne). Depuis 2006 et la fusion du CAB (devenu CABBG pour Bordeaux Gironde) et du Stade bordelais pour former l’Union Bordeaux Bègles (UBB), les joueurs évoluent au stade Chaban-Delmas. Le stade André-Moga héberge désormais le centre d’entraînement et de formation de l’UBB.

Talence, Thouars, stade Pierre-Paul Bernard

Inauguré en 1976, le stade Pierre-Paul Bernard de Talence est aussi appelé stade de Thouars du nom du quartier sud de la ville dans lequel il est implanté. Il est célèbre mondialement, depuis qu’il accueille des événements sportifs de haut niveau comme le Décastar. Ce meeting international d’athlétisme d’épreuves combinées (décathlon et heptathlon) voit s’affronter les meilleurs athlètes mondiaux de la discipline. Il rassemble chaque année plusieurs milliers de spectateurs. Retenu comme comme centre de préparation olympique dans la perspective des JO 2024, il accueillera les athlètes belges. Ce stade est désormais inscrit au patrimoine mondial de l’athlétisme.

Si tous les stades de Nouvelle-Aquitaine ne peuvent prétendre à une protection au titre des monuments historiques, nombreux sont ceux qui en cette terre d’ovalie rayonnent et résonnent d’une histoire locale et relèvent bien d’une appropriation patrimoniale. Car ici, plus qu’ailleurs « le rugby est aussi une culture au sens anthropologique du terme, c’est-à-dire un système symbolique porteur de références communes » [2]. À leur manière, les clubs régionaux sont aussi des « monuments » [3].

Petit tour de quelques « temples », « forteresses » et stades néo-aquitains

Agen, stade Armandie

Fondé en 1908, le Sporting Union Agen voit son nouveau stade, baptisé du nom de son fondateur Alfred Armandie mort au combat lors de la Première Guerre mondiale. Il est inauguré le 9 octobre 1921 à l’occasion de la rencontre face au Bordeaux Étudiants Club Rugby. Pour fêter le premier titre de champion de France du SUA, les premiers véritables vestiaires sont construits en 1930. En 1972 et 1990 sont construites les tribunes Ferrasse et Basquet (dirigeants locaux puis nationaux du rugby français). Découvrir le stade Armandie en 3D [2022].

Bayonne, stade Jean Dauger

L’historique Parc des Sports de Saint-Léon est baptisé le 3 juin 2001 du nom de Jean Dauger en l’honneur de l’ancien joueur de l’Aviron, international tout aussi bien à XIII qu’à XV, et décédé en 1999. Une statue le représentant est érigée devant le stade. Espace multifonctionnel, le stade était jusqu’en 1999 ceinturé par une piste cycliste qui avait accueilli à 8 reprises le Tour de France entre 1938 et 1968. Il accueille les matches de l’Aviron bayonnais.

Biarritz, stade Aguilera

Le parc des sports Aguilera tire son nom de Don José Aguilera y Chapin, ancien propriétaire du terrain. Mais au sortir de la Première Guerre mondiale, durant laquelle le Biarritz Olympique perd 160 de ses membres, la municipalité décide de baptiser le stade des rugbymen du nom de l’un de ces héros : Léon Larribau. Tout au long du 20^e siècle, la plaine des sports s’est étoffée de divers équipements : tennis, pelote basque. En 1962, La municipalité entreprend la construction d’une deuxième tribune en dur, dite tribune Coubertin. Au tournant des années 2000, avec l’ère professionnelle et le lustre retrouvé du Biarritz Olympique, de nouveaux travaux sont entrepris portant la capacité de l’enceinte à plus de 14 000 spectateurs.

Brive, stade Amédée-Domenech anciennement Stadium

Le premier Stadium est construit par la Société Anonyme du Stadium de Brive. Cette société acquiert 21 900 m² de terrains et construit le stade. Le Stadium de Brive est inauguré le 25 septembre 1921, à l'occasion d'une rencontre opposant le CA Brive au Stade français. L’enceinte connaît une première réfection en 1930. En 1932, des projecteurs sont installés. En 1957, à l’occasion de la remontée du CAB en Première Division, l’enceinte devenue vétuste, inconfortable et même dangereuse, est démolie puis reconstruite. Cette période de travaux dure trois ans, durant laquelle le club pensionnaire du Stadium joue ses matches au Stade Gaëtan Devaud, mis à sa disposition par la SNCF.

Le Stadium a bénéficié de plusieurs modernisations et agrandissements depuis 1970.

En 2004, il est rebaptisé stade Amédée Domenech en l'honneur d’un ancien joueur international de Brive.  Aujourd’hui, d'une capacité de 15 000 places, ce stade offre trois tribunes. Il reste le plus grand stade du Limousin jusqu'à la rénovation complète et attendue du stade de Beaublanc, à Limoges.

La Rochelle, stade Marcel-Deflandre

L’enceinte du Stade rochelais est inaugurée le 19 septembre 1926 puis devient rapidement connu comme le « Parc des Sports de Port-Neuf », situé dans le quartier du même nom. Le 23 mars 1947, le stade est baptisé en hommage à Marcel Deflandre, l’homme de la réunification des 3 clubs (l’entente Union-Stade et La Rochelle-Étudiants XIII) sous le nom de Stade rochelais. Entre 2010 et 2017, parallèlement au retour du club dans l’élite, le stade connait rénovations et agrandissements pour porter sa capacité à 16 000 spectateurs.

Mont-de-Marsan, stade municipal de Barbe d'Or puis stade Guy-et-André-Boniface

À la suite de la finale du championnat de France gagnée contre l’Union sportive de Dax en juin 1963, la municipalité montoise décide d'édifier un nouveau stade de rugby à Mont-de-Marsan. Construit à partir de juillet 1963, dans le quartier de Barbe d’Or, selon les plans de l’architecte Michel Depruneaux, il est inauguré le 12 septembre 1965 sous le nom de Barbe d'Or et rebaptisé Guy-Boniface en 2000, puis André-et Guy-Boniface en 2020. Le stade connait une rénovation en 2017, avec la construction d’une nouvelle tribune couverte de 3100 places et de 10 loges. Une tribune a récemment été inaugurée en février 2024.

Pau, stade du Hameau, anciennement stade olympique du Hameau ou stade colonel de Fornel.

La construction débute le 15 août 1948, à l'initiative du Colonel de Fornel. L’enceinte abrite alors l’Ecole nationale d’entraînement physique et militaire. La première rénovation du Stade du Hameau est opérée en 1988, afin d'accueillir la Section paloise et le Pau FC. Le club de rugby de la ville, la Section paloise, quitte ainsi son mythique stade de la Croix du Prince pour le stade du Hameau en août 1990. Le Stade du Hameau est ensuite entièrement transformé en 2017, Un nouveau projet conduit par le cabinet d'architectes palois Camborde permet de rénover entièrement l'infrastructure tout en augmentant sa capacité (18 000 places). Le choix visuel d'une charte graphique épurée et bicolore favorise une impression d’esthétisme et d'avant-gardisme. 

Longtemps, la pratique sportive en général et les stades en particulier, n’ont suscité que peu d’intérêt auprès des chercheurs de toutes disciplines. À la différence de nombreux travaux traitant d’autres lieux majeurs ayant marqué l’histoire de nos sociétés [l’hôpital, l’école, la prison, l’usine...], le stade, avec ses acteurs et ses spectateurs, n’a que peu inspiré les universitaires et chercheurs venant d’horizons disciplinaires pourtant variés (histoire, sociologie, anthropologie) [4]. Les enceintes sportives (stades, piscines, frontons…) affectent pourtant le paysage de nos villes et de nos villages. Pour quelles raisons "l’église du village, le pressoir, le vieux moulin de la commune", dont on recommande à juste titre, l’étude, voire le classement, auraient-ils plus de dignité patrimoniale que le stade urbain auquel les habitants sont attachés ?

Signe de cet intérêt relatif ou tardif, le vocabulaire pour désigner de manière générique l’architecture se révèle très pauvre. On doit se contenter des termes espaces, bâtiments, établissements ou équipements sportifs, avec toute l’insatisfaction qu’engendrent ses intitulés ambivalents comme le souligne François Vigneau dans son ouvrage Les espaces du sport.

Autre indicateur, la base de données Mérimée (plateforme du patrimoine POP), qui recense le patrimoine national dans sa plus grande diversité (architecture religieuse, domestique, agricole, scolaire, militaire, industrielle...), identifie plus de six cents édifices relatifs au domaine du sport et de l'exercice corporel : soit moins de 0,4 % des édifices recensés. Dans la région voisine d’Occitanie, note pour sa part Roland Chabbert "le sujet [du patrimoine du sport] n'a pourtant jamais été traité de façon sérieuse par l'Inventaire général... et l'on ne dispose pour le moment que de quelques enquêtes ponctuelles". N'hésitant pas à intituler un article récent "Doit-on étudier l'architecture des stades"[5]. L'interrogation vaut-elle pour la Nouvelle-Aquitaine ? Il ne fait guère de doutes que l'affirmative s'impose. Mais on peut cependant avancer des circonstances atténuantes au constat : une apparition relativement récente à l'échelle de l'histoire de l'architecture, la construction à la hâte et sans grands moyens d'installations bricolées autour de simples terrains de jeu, un agglomérat de tribunes au fil des années tributaires des résultats de l'équipe locale et des moyens de la municipalité. Autant de raisons pour expliquer que les chercheurs ne se soient qu'épisodiquement intéressés aux stades et autres parcs des sports. La prise en compte progressive des aspects sociologiques voire ethnologiques dans l'étude de la pratique sportive et des lieux qui la favorisent pourraient susciter de performantes recherches.

Christophe Rambert, documentaliste au service du patrimoine et de l'Inventaire de Nouvelle-Aquitaine.