Les sites défensifs de l'estuaire de la Gironde
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Publiée le 11 janvier 2023
# Gironde, Charente-Maritime
# Opération d'inventaire : Estuaire de la Gironde
# Patrimoine maritime et fluvial
# Du Moyen-Age au 20e siècle
Formidable voie d’échanges, la Gironde offrait aussi un accès direct dans les terres, soumis aux incursions militaires. Cet axe stratégique dont la défense était prioritaire en temps de guerre était aussi convoité en temps de paix pour les revenus qu’assuraient les taxes sur le trafic fluvial.
Le promontoire de Blaye a été fortifié depuis l’Antiquité. Au Moyen Age, la forteresse seigneuriale située au sommet de l’éperon rocheux exerçait son contrôle sur la route de Saintes et sur l’estuaire. Elle assurait également la protection de la ville haute et de ses faubourgs, situés au pied des murailles en contrebas.
Dès le 11e siècle, plusieurs villages fortifiés de type castrum sont attestés en aval sur la rive droite de la Gironde, sur les promontoires rocheux de Mortagne, Talmont, Didonne et Royan. Dans le même temps, la forteresse de Lamarque, établie par le Duc d’Aquitaine en bordure des marais de l’autre rive, était destinée à contrôler la circulation sur la principale voie terrestre en Médoc.
Le donjon et le logis actuels datent de la seconde moitié du 14e siècle, édifiés durant la Guerre de Cent ans. A cette époque, la forteresse de Blaye, précédemment tenue par des seigneurs locaux, était passée sous le contrôle direct des Plantagenets, rois d’Angleterre et ducs d’Aquitaine. Pour reprendre la main sur le territoire de Guyenne, la couronne de France voulait récupérer cette place stratégique. Des troupes françaises composées de milliers d’hommes ont assiégé la ville par voies terrestre et fluviale en mai 1451 et sont parvenues à la reddition des anglais en donnant l’assaut à l’issue de 13 jours de combats. Cette reconquête a inauguré toute une série de victoires françaises en Guyenne, couronnées par le succès de la bataille de Castillon en 1453 qui a mis un terme à la guerre.
Sous le règne de Louis XIV, l’idée s’est imposé de créer un système défensif pour verrouiller l’estuaire à hauteur de Blaye. La vieille ville fortifiée a donc été transformée en une véritable citadelle militaire, aboutissant à l’expropriation des habitants. Les premières campagnes de travaux menées à partir du milieu du 17e siècle ont été suivies d’un chantier de modernisation très ambitieux de 1685 à 1689, sous la direction de Vauban, commissaire en chef des fortifications du royaume et de l’ingénieur royal François Ferry. C’est à cette époque qu’ont été créés les principaux ouvrages défensifs qui structurent l’enceinte du site que nous connaissons aujourd’hui. Ces nouvelles constructions se composent de deux bastions monumentaux, des saillies de muraille en forme de flèches, deux demi-bastions et trois demi-lunes, ainsi que l’on nomme ces avancées défensives en forme de triangle. Elles englobent et recouvrent des éléments plus anciens, comme le boulevard de l’ancien château, incorporé dans l’un des bastions. L’ancienne ville haute a été entièrement occupée par la citadelle.
Mais pour former un véritable verrou sur la Gironde, il fallait établir des fortifications de part et d’autre du fleuve, ici large de plus de 3000 m. C’est pourquoi Vauban a fait bâtir le fort Médoc sur la rive gauche et le fort Pâté, sur l’île dite de Saint-Simon, au centre de l’estuaire, entre Blaye et le fort Médoc. Ce dernier a la forme d’un trapèze avec des bastions aux angles et une demi-lune côté terre, le tout ceinturé de douves. Quant au fort insulaire, il s’agit d’une tour crénelée de forme ovoïde, basse et massive, d’où son nom de « pâté ». On accède par un pont levis à une porte surmontée d’une bretèche, pour pénétrer dans un long couloir de tir périphérique. Au sommet de la tour, la plateforme est équipée d’un petit corps de garde dont l’architecture très soignée s’harmonise avec les ouvrages de Blaye et de fort Médoc.
L’ornementation des deux principales portes de Blaye et de la porte du fort Médoc illustre l’ambition de ces constructions royales. Elles répondent aux critères du classicisme adopté sous Louis XIV, en réutilisant les codes de l’architecture antique remis au goût du jour, avec pilastres, tympans, frontons sculptés et parement de pierres soigneusement taillées en bossage.
Au milieu du 18e siècle, c’est l’embouchure de l’estuaire qui a été équipé d’un système défensif, avec des batteries de canons installées sur chacune des rives, l’une sur la Pointe de Grave au Verdon et l’autre sur la pointe du Chay à Royan. Un autre fort a également été créé en 1807 sur la pointe de Suzac à Meschers. Peu efficaces et rapidement menacées par l’érosion, toutes ces constructions ont été reconstruites et modernisées à plusieurs reprises. En 1814, la tour-modèle voulue par Napoléon au Verdon a été incendiée par les anglais.
Le nouveau fort du Verdon a été bâti entre 1877 et 1881. De forme polygonale, il est entouré d’un fossé gardé par 2 caponnières et franchi par un pont-levis. Il est équipé de plusieurs bastions et 7 plateformes d’artillerie. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il a été récupéré par les Allemands qui l’ont rattaché stratégiquement à l’ensemble militaire des Arros, constitué de 20 bunkers construits sur la plage Soulac-sur-Mer. Cet important dispositif était l’un des éléments du Mur de l’Atlantique, qui intégrait aussi d’autres anciens forts comme celui de Suzac.
Malgré la libération de Bordeaux en avril 1944, les soldats allemands ont réussi à maintenir leurs positions sur l’entrée de la Gironde jusqu’au printemps 1945. En janvier, puis en avril 1945, l’aviation alliée a pilonné différents points stratégiques de cette zone encore occupée. Ces bombardements intensifs ont achevé la destruction d’une grande partie de la ville de Royan, au prix de nombreuses vies. Les forts de Suzac et de la pointe du Chay ont également été presque entièrement anéantis. Coordonnés avec des attaques terrestres, ces assauts ont finalement eu raison des forces allemandes qui se sont rendues, scellant la fin de la « poche de Royan » le 18 avril et de la « poche du Médoc » le 20 avril.
Longtemps après la fin du conflit, ce territoire porte encore les stigmates de la guerre. Les épaves de navires sabordés qui émergent encore à marée basse et les nombreux bunkers disséminés dans les dunes sont autant de témoignages de ces violents combats.
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