Le Brantômois : coeur historique du val de Dronne
Entre le Périgord vert et la moyenne vallée de l’Isle, traversé du nord-est au sud-ouest par le cours sinueux de la Dronne et du sud au nord par la route de Périgueux à Angoulême, le canton de Brantôme bénéficie d’une situation favorable mise en valeur dès le Moyen Age. L’abbaye de Brantôme et le château voisin de Bourdeilles constituent aujourd’hui un pôle touristique reconnu au titre des sites majeurs en Aquitaine par le conseil régional. Autour de ce centre, onze communes offrent un patrimoine rural varié où paysages et architectures se combinent et composent un espace chargé d’histoire.
Carnet du patrimoine
Publié le 05 mai 2015
# Dordogne, Brantôme-en-Périgord, Agognac, Biras, Bourdeilles, Bussac, Lisle, Saint-Front-d'Alemps
# Opération d'inventaire : Val de Dronne
# Abbaye, château, église, maison, halle
# Du Moyen Age au 21e siècle
Les villages du Val de Dronne
Face au bourg de Valeuil, sur la rive droite de la Dronne, le château des Andrivaux, édifié dans la seconde moitié du 19e siècle, offre une façade agrémentée d’une échauguette décorative sur ses angles. De tels éléments architecturaux participent à la « castellisation » des grandes demeures bourgeoises du 19e siècle. Cette récupération des formes anciennes, et notamment médiévales, est révélatrice du désir de se réapproprier un symbole social.
Le château de Ramefort est campé sur un plateau rocheux dominant de près de 30 mètres la vallée de la Dronne. Les seigneurs des lieux sont cités une première fois au 12e siècle dans le cartulaire de l’abbaye de Ligueux. Composé d’une tour maîtresse romane de plan carré, le château est complété après la guerre de Cent Ans par un corps de logis percé de croisées, une grosse tour d’angle ainsi qu’une tour d’escalier octogonale. L’implantation de ce château isolé sur un plateau privilégie la défense.
Le château de Ramefort était complété par une métairie construite au 19e siècle selon un plan régulier en U. Les bâtiments agricoles, granges, étables et remises, se développent ainsi de part de d’autre de la cour, fermée à l’ouest par le logis. Ce type de plan, rare dans le secteur, est conforme au modèle des fermes raisonnées, théorisé dès le XVIe siècle avec le traité de Charles Estienne et Jean Liébault, L'agriculture et maison rustique… (1564).
L’église paroissiale de Valeuil, dédiée à saint Pantaléon, a été construite au 12e siècle. De cette période, subsistent la nef romane, l’avant-chœur couvert d’une coupole sur pendentifs supportant le clocher carré et l’abside voûtée en cul-de-four. Rythmée d’une arcature aveugle, cette dernière conserve également des vestiges de peinture murale figurative. La nef fut voûtée d’ogives au cours du 14e siècle, comme en témoignent les départs des nervures gothiques encore visibles, puis dotée d’une voûte en berceau plein cintre à une date postérieure. Pourvue d’un bahut défensif durant la guerre de Cent Ans, l’église fut par la suite agrandie par la construction d’un bas-côté à deux travées au nord, dont le traitement des voûtes en étoile, à liernes et tiercerons, accuse le 16e siècle.
En amont de Valeuil, le moulin d’Amenot, surmonté d’une habitation moderne, a conservé son plan initial, typique des édifices implantés sur la Dronne, avec une étrave tournée vers le barrage. Une roue verticale équipe son flanc oriental.
Situé à 25 kilomètres au nord-nord-ouest de Périgueux et à 9 kilomètres de Brantôme, Bourdeilles était le siège de l’une des quatre baronnies du Périgord et le chef-lieu d’une châtellenie dont dépendaient 14 paroisses. Surplombant la Dronne de plus de 10 mètres, le castrum s’est vraisemblablement développé au début du 11e siècle et contrôlait un des itinéraires allant de Périgueux à Angoulême. Des ouvertures à flanc de falaise manifestent la présence d’habitats troglodytiques anciens. Le village, qui présente encore quelques maisons datables du 16e siècle, s’est développé à l’extérieur des défenses castrales. Le pont à avant-becs, reconstruit au 18e siècle sur des bases médiévales, relie le village au faubourg Notre-Dame au nord.
Le castrum, qui épouse la forme de l’éperon rocheux, a vu se succéder trois châteaux : le château disparu de la baronnie qui comportait une tour-maîtresse érigée sur une motte, le château comtal et le château Renaissance. L’accès à cet éperon est rendu possible au sud-est par un châtelet à deux tours du 16e siècle. La seigneurie de Bourdeilles était en effet partagée en deux dès le 11e siècle et a généré la construction de deux résidences : celle des barons de Bourdeilles au nord, remplacée par le château Renaissance, et celle d’une branche de la famille des Bourdeille, qui passa à Géraud de Maulmont en 1283.
Edifié à l’initiative de Géraud de Maulmont à la fin du 13e siècle, le château-fort dit également château comtal, se compose d’un logis flanqué au sud-est d’une tour maîtresse et précédé d’une avant-cour dont l’enceinte est percée de niches à archères et coussièges sur trois de ses côtés. De plan rectangulaire, le logis est constitué au rez-de-chaussée d’une salle basse voûtée en plein-cintre, à l’étage d’une grande salle, l’aula, séparée d’une chambre, la camera, par un refend aujourd’hui disparu. De plan octogonal, la tour-maîtresse dite également donjon, est constituée de quatre niveaux voûtés sur croisée d’ogives.
Erigé entre 1588 et 1598 sur l’emplacement de l’ancien château baronnial, face au château médiéval, le château Renaissance est attribué à Jacquette de Montbron, veuve du sénéchal André de Bourdeille et belle-sœur du mémorialiste Brantôme. Composé d’un corps de logis rectangulaire à deux étages de pierre de taille, le château présente des travées régulières de croisées. La moitié nord de l’élévation orientale est adossée à un pavillon abritant un vestibule et l’escalier, qui se caractérise par l’utilisation d’un vocabulaire ornemental italianisant : trois ordres de pilastres avec chapiteaux et frises soulignent cette partie de l’édifice. Au premier étage, le salon d’apparat dit « salon doré » constitue la pièce maîtresse du château : la peinture du plafond et des boiseries est attribuée à Ambroise Le Noble, au service des Bourdeille vers 1644 et connu pour avoir exercé à Fontainebleau.
Châteaux et manoirs parsèment la vallée de la Dronne, à l’image du château d’Etourneau présentant des vestiges du 13e au 17e siècle. Ce château arbore une façade à pic ouverte par une galerie bordée de mâchicoulis. Au sud-est, une tour imposante a été transformée en colombier.
Visible depuis les courtines du château, le moulin de Bourdeilles, avec son pignon en étrave, est typique des édifices de bout de chaussée. Reconstruit au 18e siècle à l’emplacement du moulin banal, ses deux roues verticales produisaient farines et huile de noix. Au début du 20e siècle, le moulin est transformé en minoterie. En 1936, une meule traditionnelle et les deux appareils à cylindres entraînés par une turbine fabriquaient 2400 kg de farine par jour.
Les origines du village de Lisle se confondent sans doute avec celles du château fort, mentionné à partir du 11e siècle. Au siècle suivant, les seigneurs de Lisle, notamment les Saint-Astier qui ont contribué à la fondation de l’abbaye de Chancelade, ont cédé des terrains situés entre l’église et le château destinés à la construction de logements pour les religieux de l’abbaye. C’est ainsi qu’à partir du 13e siècle la paroisse est placée sous la tutelle des abbés de Chancelade.
Une charte royale de Philippe le Bel de 1309 instaure un marché hebdomadaire, qui existait bien avant cette date, et une foire annuelle de quatre jours. La ville gagne ainsi en autonomie et se dote au 14e siècle d’une enceinte qui sera détruite lors des guerres de Religion. Seuls quelques vestiges de murs sont encore visibles dans la cave du Château-Haut. Le passé commercial et artisanal de la ville a laissé lui aussi des traces, à l’image des nombreuses habitations du centre-bourg abritant des petits commerces, de la halle et du Champ de Foire situé à proximité des deux places centrales.
Erigée au 12e siècle, l’église paroissiale Saint-Martin se compose d’une nef à deux travées, d’un avant-chœur et d’une abside. La nef, qui était originellement recouverte de coupoles, est coiffée à la fin du 16e siècle par des voûtes en étoile et l’abside est surhaussée pour accueillir une chambre de défense. Les chapelles latérales, élevées à la fin du 15e siècle à l’initiative des seigneurs locaux, adoptent un répertoire architectural propre au gothique tardif. Reposant sur une coupole sur pendentifs, l’avant-chœur est percé de fenêtres étroites décorées d’une arcature à dents de scie et de têtes de clous accusant la période romane.
Le Château-Haut, mentionné comme « Castelli de Layla » en 1129, appartenait aux Saint-Astier. Dévasté pendant les guerres de Religion, il est reconstruit à la fin du 16e siècle sur les bases d’une salle basse romane. Un escalier monumental, à deux révolutions de trois volées reposant sur des colonnes doriques cannelées, s’intègre dans le hall d’entrée du corps de logis occidental. A noter les vestiges de l’ancien chemin de ronde.
Au sud de Lisle, le moulin de Jansou était au 16e siècle une possession de l’abbaye de Chancelade. Au 20e siècle, le moulin diversifie sa production (farine et huile de noix) avec l’installation d’une carderie puis d’une scierie. La faiblesse de la chute d’eau a été compensée par la construction d’un barrage très développé, un des plus longs visibles sur la Dronne.
Au sud-ouest de Bussac, à l’intersection de la D 109 et de la D 2, un fournil témoigne d’une ancienne activité autour de la chapelle Notre-Dame de Perduceix disparue. De plan carré, il est flanqué au sud d’une tour semi-circulaire abritant le four à pain. Ce fournil équipait l’une des quatre prévôtés dépendant de l’abbaye de Brantôme.
L’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Bussac est édifiée au cours du 12e siècle et fortifiée pendant la guerre de Cent Ans. Complété au 16e siècle par l’ajout de chapelles dont ne subsistent que les départs de nervures sur le côté nord, l’édifice religieux est composé d’une nef unique à deux travées couverte d’une charpente apparente et d’un chœur à chevet plat voûté d’une coupole sur pendentifs. Etabli entre la nef et le chœur, un escalier en vis permet d’accéder à la chambre de défense du clocher.
Cité dans un pouillé du 13e siècle, Biras était un archiprêtré composé de 24 paroisses. Le château de la Côte érigé aux 15e et 16e siècles abrite aujourd’hui un hôtel-restaurant de luxe. Jean-Marie du Lau de la Côte, archevêque d’Arles, y naît en 1738. L’édifice présentait un plan quadrangulaire fermé cantonné de tours rondes dans les premières années du 19e siècle. Le château actuel à deux corps de logis en équerre résulte des restaurations entreprises par l’architecte Dubet entre 1868 et 1870.
Au lieu-dit Jamaud, en contrebas de la D 106, s’élève une des rares fermes portant une dédicace : « A ESTEE FAICTE LADICTE MAISON LE 14 DE MARS 1617 ET L. CONSTANTI LA FAICTE FERE ». L’ensemble est constitué d’un logis et d’une grange étable en vis-à-vis. Le logis se compose d’un rez-de-chaussée aveugle réservé au stockage et d’un étage destiné à l’habitation. Un évier jouxte la porte d’entrée à laquelle on accède par un escalier extérieur. Une baie à croisillon éclaire la pièce principale. Un four à pain s’adossait contre le pignon nord du logis. Cette ferme est représentative d’un modèle ancien fréquent en val de Dronne.
Le château fort de la Borie-Fricart, attesté en 1582, a été édifié vraisemblablement au 15e siècle. A proximité, un moulin à vent disparu et figuré ruiné sur les cartes du 18e siècle (Belleyme et Cassini) dépendait du domaine. Le château présente un corps de logis rectangulaire édifié en moellon de calcaire enduit et en pierre de taille. L’angle nord-ouest du logis est garni d’une tour circulaire à mâchicoulis et canonnières. Au nord, un porche fortifié prolonge une courtine qui présente des corbeaux de mâchicoulis dépourvus de leur parapet.
Le territoire communal actuel se compose de deux anciennes paroisses fusionnées en 1829. L’ancienne paroisse de Puy-de-Fourches, qui faisait jusqu’alors partie de l’ancien canton de Biras, est le chef-lieu communal. L’église Saint-Symphorien est située à Sencenac. Erigé au 12e siècle, l’édifice dépendait de l’abbaye de Chancelade en 1216, puis passa aux mains des évêques de Périgueux au 16e siècle. Une charpente en bois apparente couvre la totalité de l’édifice. La nef unique ouvre sur une abside semi-circulaire présentant deux petites colonnes romanes tronquées et noyées dans le mur oriental. A l’est, le chevet de l’église jouxte l’ancien presbytère.
Le territoire communal d’Agonac est le plus important du canton de Brantôme. Le village se développe au pied de l’ancien château vraisemblablement édifié au 10e siècle sur une falaise rocheuse. L’ancien castrum est environné d’une enceinte qui comportait quatre portes, dont la porte Salseyron, la seule conservée, ouvrant sur l’ancienne place de la halle. Du château originel sont conservés une tour maîtresse à contreforts et les vestiges d’une aula, ou grande salle, des 12e et 13e siècles. Etablie autour d’un promontoire rocheux dominant la vallée de la Beauronne, la ville médiévale s’est organisée de manière concentrique. Les petites rues du bourg fortifié sont aisément décelables, les façades alignées épousant la forme de l’enceinte circulaire. Au-delà du bourg castral, les faubourgs se sont développés dès la fin du Moyen Age.
Isolée de la ville close, en contrebas de la butte sur laquelle le château est campé, l’église paroissiale Saint-Martin est érigée au cours du 12e siècle sur des bases peut-être plus anciennes. En 1892, l’état de délabrement de l’édifice pousse l’architecte Dannery à envisager la démolition de la nef, la conservation des parties orientales et la construction d’une nouvelle église dans le bourg, projet qui ne vit jamais le jour. Restauré depuis, l’édifice de plan allongé présente une nef à trois travées voûtée en berceau plein cintre s’ouvrant sur un avant-chœur voûté d’une coupole sur pendentifs et supportant le clocher carré.
A la Jugie, une maison de maître du début du 20e siècle montre l’influence des modèles architecturaux d’essence bourgeoise sur la construction rurale. Elle s’exprime à travers la verticalité de l’élévation en l’absence de contraintes foncières, la multiplication des ouvertures et des avant-toits, l’usage décoratif de la brique.
Une villa gallo-romaine du 3e siècle est située au lieu-dit la Pomarède. Non loin de ce site, est signalée la présence d’un manoir à Méneyplé. Construit au 15e siècle, il présente à l’étage des portes en arc brisé surmontées d’un linteau en accolade, ainsi que les vestiges d’une tour dont l’accès était rendu possible par un vieil escalier en bois encore conservé.
Commune la plus à l’est du canton de Brantôme, Saint-Front-d’Alemps est séparée de Ligueux par la Beauronne. Dominant la Beauronne, les ruines du château fort de Rochemorin laissent encore deviner deux tours circulaires du 15e siècle : la première est coiffée de six branches d’ogives, la seconde et couronnée de quelques corbeaux de mâchicoulis. Incendié en 1791, le château est depuis lors à l’état de ruines.
Au sud du bourg, au bord de la D 3, Grassaval offre un exemple typique d’architecture rurale locale. La ferme, en grande partie édifiée à la fin du 18e siècle, se compose d’un logis jouxté de toits à porcs et de deux granges-étables alignées. Un logement d’ouvrier agricole, élevé contre le pignon de l’étable, complète l’ensemble.