Barbe, château néoclassique des bords de l'estuaire : l'architecte dévoilé !
La rédaction d’un mémoire de master d’Histoire amène souvent à explorer des archives inédites. Dans le cadre de l’étude du château de Barbe à Villeneuve, qui débute pour notre part avec l’achat de la propriété en 1774 par Guy Ménoire de Beaujau, la majeure partie des sources exploitables se concentre dans le fonds de Barbe déposé aux archives de Bordeaux Métropole (1). Bien qu’important, il n’est cependant pas suffisant. Afin d’élargir les horizons de recherches et de croiser les sources, il a fallu consulter les archives départementales de la Gironde et dépouiller des minutes de notaires, véritables mines d’informations.
Carnet du patrimoine
Publié le 07 décembre 2020
# Gironde, Villeneuve
# Opération d'inventaire : Communes riveraines de l'estuaire de la Gironde
# Château
# 18e
Guy Ménoire de Beaujau, anobli le 2 mai 1769, soit cinq ans avant l’achat de la maison noble de Barbe le 19 juillet 1774, est avant tout un grand négociant et parlementaire bordelais. Il dispose d’affaires à Saint-Domingue, aidé dans leur administration par un notaire spécialiste du grand commerce, maître Guy fils. Issu d’une dynastie notariale, ce dernier est aussi le gestionnaire du quotidien et des affaires courantes en métropole. C’est en explorant les minutes de maître Guy que nous avons pu découvrir une information de grande importance : l’architecte en charge de la reconstruction du château de Barbe.
En effet, l’aspect architectural du château, tel que nous le connaissons aujourd’hui, correspond à un ambitieux chantier de reconstruction entrepris à la fin du 18e siècle. Selon l’inventaire de la propriété réalisé le 22 juillet 1774, trois jours après l’acquisition du château, le bâtiment principal semble vétuste et comprend davantage de pièces que lors de l’inventaire fait en 1824, à la mort de Marguerite Beaujau veuve de Guy Ménoire.
Si le commanditaire de cette reconstruction ne faisait pas de doute, la question était d’en déterminer l’architecte. De ce point de vue, l’enquête d’inventaire du patrimoine réalisée dans le cadre de l’opération sur l’estuaire n’avait pas permis de l’identifier, mais simplement de remettre en cause la tradition selon laquelle Victor Louis, l’architecte du Grand-Théâtre et de « l’îlot Louis » à Bordeaux, en serait l’auteur. Le château de Barbe, bien qu’acheté par l’un des négociants bordelais parmi les plus fortunés de la fin de l’Ancien Régime, n’est pas un domaine de grande envergure. Seul le style néoclassique, caractéristique de l’époque et la concordance de lieu et de temps permettaient cette supposition. Sans plus d’éléments probants, nous avons supposé qu’en 1780 la reconstruction de Barbe devait être engagée, ce qu’une exploration des minutes du notaire Guy a confirmé. Le 14 août 1780 est en effet enregistrée une sommation au bureau du notaire, faite à l’encontre d’un certain M. Prévôt, serrurier (2). Guy Ménoire n’est pas satisfait de l’artisan : il attend depuis plusieurs semaines les rampes d’escaliers et exige de lui qu’il les lui fasse parvenir au plus vite, sans quoi il demanderait remboursement des sommes versées. L’architecte Guillemain est alors mentionné en tant que superviseur du chantier. Par ailleurs attesté sous la graphie Guilhemain, il est un architecte bordelais méconnu, auteur du petit pavillon du château Peixotto à Talence (3).
Guy Ménoire, en faisant appel à lui, s’ancre davantage dans la noblesse, au-delà de son titre. Il fait correspondre le style architectural de sa propriété à la mode des élites de son temps, dans une époque où l’image influe sur le sentiment d’appartenance à un ordre que l’on revendique. Ici réside l’enjeu d’une telle entreprise de reconstruction : gommer les origines roturières desquelles on souhaite s’extraire ou que l’on vient de quitter.
- Anna Boyrie, étudiante en master d'histoire à l’université Bordeaux-Montaigne ; mémoire en cours sous la direction du professeur Michel Figeac.
Notes
(1) Archives Bordeaux Métropole, Fonds Barbe, 210 S (1500-1977).
(2) Archives départementales de la Gironde, 3 E 35895. Ce document insinue des antécédents qui n’ont pu être clairement établis. L’exploitation des archives concernées est difficile, voire impossible en raison de la dégradation avancée de certains papiers.
(3) MAFFRE Philippe, BÉRIAC Jean-Pierre. Le Bordelais néoclassique : itinéraires en Aquitaine. Editions IACA, 1983, p. 42-43.
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