Belle époque et années folles à Bidart
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Publiée le 6 juillet 2023
# Pyrénées Atlantiques, Bidart
# Opération d'inventaire : Bidart
# Villa, château, demeure
# Du 19e au 20e siècle
Avec le développement de la villégiature balnéaire à la fin du 19e siècle, des commanditaires fortunés se sont fait bâtir de luxueuses villas à Bidart, où ils donnaient des réceptions mêlant artistes et gens de la haute société européenne.
A contrario, le solitaire et misanthrope Baron Albert de l’Espée vivait retiré dans son château, sur la colline d’Ilbarritz. Ce richissime excentrique, passionné de musique et féru de Wagner, avait commandé au grand facteur d’orgue Cavaillé-Coll la réalisation d’un instrument monumental, digne d’une cathédrale. Il occupait la salle principale du château, tout entier pensé et conçu pour lui servir d’écrin. Finalement trop à l’étroit dans cet édifice, il a été revendu par le Baron et installé, avec un nouveau buffet, dans la basilique du Sacré Cœur de Montmartre où il se trouve encore. C’est le plus grand orgue réalisé entièrement par Cavaillé Coll sans reprise de jeux anciens. Ce dernier y a appliqué son innovation de la console en forme d’amphithéâtre, copiée dans le monde entier.
En dehors de son orgue, le baron jouissait principalement de la compagnie de sa maîtresse, la chanteuse lyrique Biana Duhamel, pour qui il avait fait construire une villa jouxtant son domaine. Sur son immense propriété, il a fait réaliser des aménagements considérables pour canaliser et rediriger l’eau des deux sources, des deux ruisseaux et de l’étang existant. Il a également fait transformer l’ancien moulin à marée en une petite usine hydroélectrique pour alimenter son château en électricité. Il a fait construire dans le parc une dizaine de dépendances, notamment un chenil et un pavillon chinois pour ses chiens de chasse, auxquels il accordait une grande importance. Les deux cuisines occupaient des bâtiments indépendants, pour éviter les odeurs de nourriture. Elles étaient reliées au château par une galerie souterraine équipée d’un wagonnet sur rail. L’ensemble comportait également une conciergerie, un établissement des bains, un pavillon des bains, un pont dit « romain » et un petit château de style médiéval. Le tout était relié par des galeries couvertes qui composaient un parcours de santé ponctué de multiples étapes.
Sur la colline d’en face, la reine Nathalie de Serbie organisait de somptueuses fêtes dans la villa Sacchino, une sorte de Petit Trianon qui témoignait de son goût pour l’architecture Louis XV, très en vogue à la Belle Epoque. La souveraine en exil offrait aussi à la population locale de grandes journées festives dans le parc de la villa. Mise en vente, la villa est devenue un restaurant de luxe en 1925, le Pavillon Royal, agrandi d’une deuxième aile pour accueillir un dancing et un casino. Des gradins ont été aménagés devant le lac artificiel où étaient organisés des ballets et autres spectacles de danse, tandis que la terrasse face à l’océan accueillait le dancing extérieur, animé par des orchestres de jazz. Des galas fastueux et des défilés de mode y étaient aussi organisés. Mais l’établissement déficitaire a été racheté en 1936 par Pierre-Georges Latécoère, riche et célèbre avionneur Toulousain, qui a fait réaménager les intérieurs avec grand luxe.
En 1910 la princesse roumaine Zoé Zefkari s’est fait construire sur la falaise de Parlementia l’emblématique villa Emak Bakia, qui signifie « laissez-moi en paix ». La construction de style néo-roumain réunit des influences byzantines, ottomanes et de tradition roumaine ainsi que des éléments de la Renaissance italienne. Les décors intérieurs de style art nouveau sont très soignés, comme la très belle cheminée en céramique du grand salon, cette poignée de porte émaillée et les superbes vitraux. A partir des années 20, la villa a été louée pour des séjours plus ou moins longs à une clientèle fortunée, comme le célèbre artiste surréaliste Man Ray, qui y a réalisé en août 1926 le fascinant ciné-poème Emak Bakia avec l’actrice Kiki de Montparnasse.
En 1910, l’avocat américain Roy Mac Williams a acheté sur la falaise de Parlementia une maison qu’il a agrandie et transformée en véritable villa de style néo-basque, baptisée Mendi Gaïna. Devenu vice-consul des Etats-Unis en 1918, il a agrandi cette construction d’une deuxième maison, reliée à la première par deux galeries, encadrant un patio avec fontaine. Une conciergerie et de multiples dépendances sont venues s’ajouter autour du jardin, notamment un atelier de peinture, un fronton de pelote et un terrain de tennis. Mac Williams organisait avec son épouse de fastueuses réceptions, parmi les plus courues de toute la côte basque, notamment la célébration annuelle de l’Independance Day avec feu d’artifice tiré depuis le jardin. En septembre 1931, Charlie Chaplin y est même venu pour assister à un match amical caritatif, entre deux champions de tennis français, Henri Cochet et Martin Plâa.
Cette très belle villa a malheureusement été détruite pour construire un immeuble. Seule la conciergerie, qui était située à l’angle de la propriété, a été conservée et peut encore être admirée dans le quartier Parlementia.
Parmi les artistes qui ont choisi Bidart comme lieu de villégiature, la peintre Clémentine-Hélène Dufau s’est fait bâti la villa Péléenia, qu’elle a rapidement revendu suite à un revers de fortune. L’actrice Andrée Spinelly, également amoureuse du Pays Basque où elle participait à la vie mondaine, a quant à elle commandité la construction de la grande villa Eche Spi, dans laquelle elle a régulièrement séjourné jusqu’à sa mort en 1966. Elle est d’ailleurs enterrée au cimetière de Bidart.
Autre lieu de galas mondains, l’hôtel casino La Roseraie, ouvert en 1928, était renommé sur toute la côte basque avec ses 150 chambres, son mobilier art déco, sa salle à manger panoramique, son casino, et, sur le toit terrasse de son immense garage automobile, son fronton de pelote basque, sa piscine et son cours de tennis.