Les "inspirés des bords des routes", qui sont-ils ?
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Publiée le 11 mars 2023
# Nouvelle-Aquitaine
# Opération d'inventaire : Jardin sculpté de Gabriel Albert
# Art et création, sculpture
# Du 19e au 21e siècle
Voix off : Il existe en Nouvelle-Aquitaine et ailleurs des créateurs autodidactes qui ont transformé leur jardin ou leur maison pour en faire une œuvre d'art. On les appelle parfois "habitants paysagistes" ou "inspirés du bord des routes"
Bruno Montpied : « Les inspirés du bord des routes c'est un terme qui existe depuis les années à peu près 70 grâce au livre de Jacques Verroux et de Jacques Lacarriere sur ces créateurs qui sont pas forcément des artistes mais qui sont plutôt des des artisans, maçons, paysans et qui dans leur jardin mettaient des œuvres. Alors on a des exemples très connus comme le facteur Cheval avec son palais idéal ou Picassiettes à Chartres qui avait fait dans son lotissement en bordure de cimetière tout un tout un décor en mosaïque, sur les murs de sa maison et même à l'intérieur de sa maison. Il y a également les rochers de Rothéneuf qui étaient des récifs sculptés par un abbé qui avait également sculpté le bois à l'intérieur de son ermitage qui se trouvait un peu plus loin. Bon, voilà ça c'est les trois premiers créateurs importants.
En Nouvelle-Aquitaine on a François Michaud qui est un sculpteur qui avait décoré de statues les clôtures de sa maison et puis qui avait quelques autres statues dans le hameau, un peu un peu disséminées. Lui alors il taillait le granit. On a Antoine Paucard qui a sculpté également des statues en pierre. Lui c'était à Saint-Salvadour en Corrèze. L'originalité de Paucard ce sont les inscriptions dont il dotait ses statues qu'il avait installées dans un petit musée intime privé, qu'il laissait visiter malgré tout. Plus proche de nous on a eu Lucien Favreau à Lavaur, sur la commune d'Yviers en Charente. Alors lui son décor était mi-naïf, mi-brut. Il y avait des choses qui parfois étaient assez surprenantes ça sortait un petit peu des sujets tels qu'on les on les retrouve dans l'art naïf. Il y avait Gabriel Albert surtout à Nantillé, à côté de Saint-Jean-d'Angély, qui avait mis 420 statues mais de style assez naïf. Il y a la maison de la gaîté également à Chérac qui avait été créée par Ismaël et Guy Villégier, un père et son fils qui tenaient un cabaret.Et sur ce cabaret dans les années 30 ils l'ont entièrement décoré de mosaïques représentant des grappes de raisin des jeux de cartes montrant ce qu'on faisait dans l'intérieur du cabaret qui s'appelait La Maison de la gaieté. Gaieté au sens de libation. »
Voix off : Sans formation artistique ces créateurs façonnent un univers issu de leur imaginaire. Il s'inspirent souvent de leur vie quotidienne et représentent leurs proches des anonymes ou encore des célébrités qu'ils connaissent par l'école ou les médias de leur époque.
Stéphanie Birembaut : « Et souvent on retrouve chez eux des images républicaines très fortes. Parce que c'est vrai que c'est la République toute neuve qui leur a permis de devenir artistes, qui a libéralisé les pratiques. Et puis on retrouve aussi toutes les grandes figures du roman national qu'on a fait passer aux enfants via l'école de la République au 19e siècle. Et on voit que ce sont vraiment les enfants de leur siècle et de cette troisième République, avec l'école avec ses schémas qui sont suffisamment présents pour les inspirer et en même temps suffisamment loin d'eux pour que ça leur laisse toute liberté de les traduire »
Bruno Montpied : « L'inspiré du bord des routes est toujours effectivement comme le terme l'indique entre la route et l'habitat dans un espèce d'espace tampon où il expose en quelque sorte vis-à-vis du regard extérieur ses créations.
La sidération qu'on ressent quand on découvre un site ! On en a entendu parler. On nous a donné la localisation. On cherche, on ne trouve pas ! On tâtonne... Et tout d'un coup on tombe dessus ! Et ça fait un choc ! On a vraiment l'impression que le paysage vient de se déchirer et qu'il y a une ouverture dans un monde parallèle. »
Stéphanie Birembaut : « C'est exactement ça ! C'est vraiment l'impression que ça fait. C'est une autre dimension. Mais c'est quand même des sites qui sont très connus. Je ne compte pas le nombre de visiteurs qui nous disaient "mais nous on connaît ou on a connu un site". Beaucoup ont été dégradés ou sont disparus mais c'est des choses qui frappent l'imagination et la mémoire des gens. »