Grottes troglodytiques

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Des grottes chargées d'histoire et de légendes

L'histoire des grottes de Meschers commence au Crétacé, il y a entre 140 et 65 millions d'années. A cette époque, toute la région est sous la mer. Au fond, le calcaire, en se formant par sédimentation, emprisonne les restes d'animaux et de végétaux, aujourd'hui visibles dans les falaises à l'état de fossiles. A la fin du Crétacé, alors que les Pyrénées se soulèvent, sous la poussée de la plaque ibérique, le plateau calcaire saintongeais aussi se relève, formant, toujours sous l'océan, un front de falaises. Vers 5000 avant Jésus-Christ, à la faveur d'un réchauffement climatique, le niveau de la mer, qui s'était retirée à la faveur d'une glaciation, remonte, l'estuaire de la Gironde se forme, et ses vagues viennent lécher, comme aujourd'hui, le front de falaises saintongeais.

Quelques millénaires plus tard, les grottes reviennent dans l'histoire sous forme de récits plus ou moins légendaires : refuge pendant les guerres de Religions, puis pour les protestants persécutés à partir du règne de Louis XIV (c'est dans une grotte qu'ils auraient établi leur temple clandestin, dès 1576 puis au 18e siècle) ; repère supposé pour les mythiques naufrageurs et autres pilleurs d'épaves (dont l'un, appelé Cadet, aurait laissé son nom à une des conches de Meschers), ou encore pour les contrebandiers du sel, après la généralisation de la gabelle sous François 1er...

Au début du 18e siècle, sur une de ses cartes de la région, l'ingénieur Claude Masse mentionne le "rocher de Meché où il y a des carrieres habitées". C'est l'une des premières mentions avérées des "trous" creusés naturellement et agrandis artificiellement, qui servent à la fois de carrières de pierre et d'habitations précaires et vraisemblablement transitoires. Sous l'Empire, le 7 avril 1814, les falaises et les grottes sont le théâtre d'un sabordage, celui du navire de guerre français "le Régulus", volontairement précipité au fond de l'eau pour échapper à l'ennemi anglais. Les grottes devant lesquelles ces faits se sont déroulés, ont depuis conservé le nom du bateau.

Les troglodytes du 19e siècle

Au 19e siècle, les grottes de Meschers, qui ne servaient jusqu'ici que d'habitat temporaire et de refuge, deviennent des lieux d'habitation plus pérennes. Inexistantes sur le plan cadastral de 1831, ces habitations sont pourtant mentionnées de temps à autres dans des actes notariés qui font état de la vente ou de la location de ces "trous". Leur valeur est faible, de même que celle des terrains situés au-dessus et sur lesquels il est inutile de vouloir cultiver quoi que ce soit, en raison du vent et de la salinité de l'air. En 1826 par exemple, François Texier époux Moreau, boucher, vend à sa soeur, Marie, sans profession, "une maison ou trou sous terre, pratiqué sous les rochers qui bordent la Gironde, communément appelé les Trous", touchant "du midi au trou ou maison de la fille Bon, du nord à celui d'André Bordelais". Marie Texier défraiera la chronique en 1832-1833, étant soupçonnée d'avoir abandonné un enfant trouvé mort-né dans une grotte.

En 1858, Jean Lavigne, journalier, est autorisé par la municipalité à creuser un trou destiné à servir de logement à sa famille, dans la falaise située au niveau du port, considérant que le risque d'éboulement est faible puisqu'il y aura un rocher de 5 mètres d'épaisseur entre ce trou et la surface. Lavigne est encore mentionné en 1891 dans son logement de deux pièces simplement meublées, par un article consacré aux grottes de Meschers, paru dans la revue La Nature. Cet article décrit dans le détail l'habitat et le mode de vie d'une autre troglodyte, Eloïse Gestain, veuve Girène, dite "la Femme Neuve" car récemment installée à Meschers. Quelques années plus tard, en 1894, la petite communauté est rejointe par Marie Guichard dite "la Guicharde", une ouvrière agricole née en 1842 à Arces, et dont la famille habite sur le haut.

L'existence de ces troglodytes est moins misérable qu'il n'y paraît : dans un environnement qu'ils ont choisi pour sa température constante, sa vue imprenable et son caractère isolé, ils mènent une vie simple, autant que celle de la majorité de la population française rurale d'alors. Ils vivent surtout des produits de leur pêche (au pied de la falaise) et des fruits de leurs potagers (à flanc de falaise ou sur le haut du plateau), en les consommant et, parfois même, en les vendant.

Toujours plus de curieux et de visiteurs

Dans la seconde moitié du 19e siècle, le tourisme commence à se développer autour de Royan. A Meschers, il s'agit d'excursions journalières qui permettent au visiteur de passage d'aller apprécier les plages, les conches et, très vite, les falaises et leurs grottes. Le charme de ces dernières est vanté dès 1862, dans un guide touristique, par Eugène Pelletan, écrivain, journaliste et homme politique originaire de Saint-Palais-sur-Mer. L'accès à ces grottes par les promeneurs ne va pas sans poser des problèmes de sécurité et pour leurs propriétaires. C'est la raison pour laquelle, en 1862, M. Puiraveaux, propriétaire de grottes, est autorisé à en interdire l'accès au public.

Dans les dernières années du 19e siècle et au début du 20e, le va-et-vient des visiteurs, tous issus de la bonne société royannaise, bordelaise, parisienne, etc, s'accroît. Certains commencent même à acheter des grottes pour les aménager, par exemple Constant Simard, chef de bureau au ministère des Cultes, à Paris, en 1898. Des sentiers sont balisés le long des falaises, permettant aux curieux de venir observer les grottes et leurs troglodytes, souvent jugés miséreux. Des Michelais proposent leurs services comme guides, à l'image de "la Femme Neuve", désignée guide officielle par la municipalité. D'autres, habitants des lieux, comprennent vite le profit qu'ils peuvent tirer de la situation, en faisant visiter leurs grottes habitées et en vendant souvenirs et cartes postales aux visiteurs enthousiastes. Tel est le cas de Marie Guichard qui devient, jusqu'à sa mort en 1923, une figure emblématique des grottes ; elle est immortalisée, avec son intérieur, sur de nombreuses cartes postales éditées par Aristide Bourdon, commerçant à Meschers.

Pour prolonger la visite, des cafés et buvettes font leur apparition. L'un des premiers établissements de ce type ouvre aux grottes des Fontaines, qui doivent leur nom à une résurgence naturelle dans la falaise. Tenue par Isidore Videau, cultivateur et heureux propriétaire des lieux, la buvette devient en 1905 un restaurant dont le succès ne se démentira pas jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Un autre café-buvette se tient à quelques mètres de là, dans les grottes de l'Ermitage. Un autre encore est ouvert en 1906 par Emile Letourneau dans les grottes de Matata, qu'il a achetées en 1895. Le restaurant est repris en 1925 par Raoul Rémon et va bénéficier, au cours des décennies suivantes, d'une solide réputation.

Du succès à la renaissance

Après 1945, le succès des grottes de Meschers se poursuit. Des personnalités viennent passer du bon temps dans le restaurant des Fontaines et dans celui de Matata. Ce dernier obtient une étoile au guide Michelin en 1947, et fait travailler jusqu'à 23 serveurs dans les années 1960. Certains clients sont tellement séduits qu'ils acquièrent eux-mêmes une grotte pour l'aménager : ainsi la chanteuse Marie Laforêt, ou encore Patrick Hennessy, de Cognac, qui fait aménager en 1959 des grottes situées juste à côté de celles de Régulus, suivant les plans de P. Fouque, architecte à Cognac (l'aménagement consiste en l'approfondissement des grottes, leur fermeture par une façade en moellons, la création d'une habitation et d'une terrasse).

Ce succès s'étiole dans les années 1970. Le restaurant des Fontaines ferme en 1976. Celui de Matata perdure jusqu'en 1995. Le caractère exceptionnel du site demeure toutefois un atout pour les touristes et pour les propriétaires des grottes, qui procèdent à de plus en plus d'aménagements (construction de terrasses, fermetures de grottes par des murs, portes et fenêtres...). En 1980, la municipalité rachète les grottes de Régulus et entreprend de les réhabiliter. Elles ouvrent au public en 1986. En 1997, les grottes des Fontaines, dans le prolongement des premières, sont louées en partie par la municipalité, avant d'être achetées par elle quelques années plus tard. En 2002 et 2003, un bâtiment d'accueil est construit. A côté, les grottes de Matata, tenues de père en fils par la famille Menant, sont elles aussi réhabilitées, dès 1992. Le site allie écomusée, reconstitution d'habitat troglodytique, restauration et hôtellerie. Tout le long de la corniche de Meschers, il existe toujours un grand nombre d'autres grottes, privées, souvent reliées à des maisons situées sur le haut.

Périodes

Principale : Temps modernes, 19e siècle, 20e siècle

La corniche de Meschers est creusée d'un très grand nombre de cavités, d'une taille très variable. Certaines sont de simples trous, naturels ou artificiels, dans lesquels ont pu être taillés des bancs, par exemple, pour s'assoir et bénéficier du panorama. D'autres cavités sont plus importantes et reliées entre elles. Elles forment un véritable réseau de grottes habitées, accessibles par des escaliers eux aussi creusés dans la roche, intérieurs ou extérieurs.

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente-Maritime , Meschers-sur-Gironde , boulevard de la Falaise

Lieu-dit/quartier: les Roches

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