Délimitation de l’étude dans le temps et dans l’espace
La délimitation du territoire concerné prend en compte à la fois les moyens humains disponibles, les objectifs des projets auxquels l'étude peut fournir des matériaux, et la nécessité de fournir à ces mêmes projets des résultats exploitables à moyen terme. Le choix s'est donc porté, dans un premier temps, de considérer les éléments du patrimoine culturel liés au fleuve, sur les 93 kilomètres qu'il parcourt en traversant 34 communes riveraines du fleuve dans le département de la Charente-Maritime, depuis Chérac et Salignac-sur-Charente, jusqu'à l'embouchure à Fouras et Port-de-Barques. S'agissant d'une commune pilote, Courcoury a fait l'objet, entre septembre 2015 et janvier 2016, d'un inventaire topographique complet.
Un fleuve, une vallée
Le fleuve Charente parcourt 381 kilomètres entre sa source à Chéronnac, en Haute-Vienne, et son embouchure dans l'océan Atlantique, traversant successivement les départements de la Charente, de la Vienne et de la Charente-Maritime.
En Charente-Maritime, le fleuve a une faible pente et sa vallée se caractérise par un large fond plat et des coteaux à peine marqués. Grossi par les eaux de ses affluents, le Né, le Coran, la Seugne, la Boutonne, il parcourt 93 kilomètres en faisant de nombreux méandres. Il est en outre relié, en aval de Tonnay-Charente, à la Seudre par le canal de la Bridoire, achevé en 1862. La marée, qui se faisait autrefois sentir jusqu'à Cognac, a été limitée jusqu'à la Baine, à Chaniers, grâce à la construction d'un barrage dans les années 1960 à Saint-Savinien. En aval de Rochefort, la Charente forme une grande boucle et s'élargit progressivement dans les marais, pour atteindre plus de 500 m de large dans les cinq derniers kilomètres. Elle se jette dans l'océan par une large embouchure entre Fouras et Port-Des-Barques.
Le fleuve est soumis à des crues annuelles largement débordantes, principalement en période hivernale et printanière ; assez fréquemment, des crues de grande ampleur provoquent des inondations longues à régresser en raison de la faible pente et des marées qui ralentissent l'écoulement. Les limons déposés au cours des épisodes de crues contribuent au surhaussement des berges.
Les prairies de la large vallée de la Charente entre Cognac et Rochefort sont ainsi inondées chaque hiver. En aval de Rochefort, des marais sont organisés en un réseau dense de chenaux et de fossés, creusés pour assainir les prairies, et d'anciens marais salants sont convertis en prairies et en peupleraies. À son embouchure, le fleuve alimente en eau douce le bassin ostréicole de Marennes Oléron, composé de marais, de claires et de parcs à huîtres. Toutes ces zones humides rassemblent de nombreuses espèces et forment une mosaïque de milieux écologiques très riches.
Rendu navigable à partir d'Angoulême par des aménagements pratiqués au Moyen Âge, le fleuve a permis le développement de ports à Angoulême, Cognac, Saintes, Tonnay-Charente et Rochefort, pour le transport de matériaux, de produits manufacturés et de vivres. Il a également stimulé l'économie des communes alentours. La navigation a longtemps été pratiquée à courant libre entre Cognac et l'océan, jusqu'à ce que des écluses soient construites à Chaniers et à Saint-Savinien. En raison de la baisse du trafic dans la première moitié du XXe siècle, la section de Cognac à Tonnay-Charente a été rayée de la nomenclature des Voies navigables de France (VNF) en 1957. L'ancien axe commercial et économique est désormais consacré à la navigation de plaisance qui se développe fortement ces dernières années.
La presque totalité du cours du fleuve et de ses affluents est classée dans le réseau européen Natura 2000. En outre, la loi Littoral s'applique sur la plus grande partie des espaces naturels sensibles de l'estuaire. Au plan de la protection des paysages, depuis août 2013, 17 500 hectares (dont 10 000 en mer) de l'estuaire sont classés.
Les enjeux scientifiques
Le patrimoine de quatre communes riveraines de la Charente (Le Mung, Bords, Saint-Savinien et Taillebourg) a déjà été recensé, entre 1999 et 2004, au cours de l'inventaire mené par la Communauté de communes des Vals-de-Saintonge, en lien avec le service régional de l’Inventaire. A ces données s’ajoutent des photographies aériennes issues du fonds Henrard, quelques dossiers documentaires réalisés lors de l’inventaire du patrimoine roman et du patrimoine industriel, des données éparses produites à l’occasion d’opérations d’urgence ou ciblées, notamment sur les jardins remarquables et la Nouvelle-France, et plus de 3000 références contenues dans le fichier topo-bibliographique du centre régional de documentation du patrimoine.
Le patrimoine lié à la Charente est constitué d'éléments d'une grande diversité. Le fleuve traverse les villes de Saintes, Tonnay-Charente et Rochefort, quelques gros villages comme Chaniers, Port-d'Envaux, Taillebourg et Saint-Savinien, et surtout des petits villages. Le contraste est grand entre la zone de l'estuaire, densément peuplée, et la zone plus rurale en amont. Les activités agricoles, dont la viticulture, dominent, l'activité industrielle étant relativement peu développée. La pierre calcaire à grains fins extraite des carrières qui bordent le fleuve a été utilisée pour la mise en œuvre d'un bâti d'une belle qualité architecturale.
La qualité de ce territoire est très liée à ses paysages et à son patrimoine historique. Plus de quatre-vingts édifices sont protégés au titre de la loi de 1913 relative aux monuments historiques : dolmens, monuments gallo-romains, églises romanes, arsenal de Rochefort, forts, pont transbordeur, villas… Des sites sont ouverts à la visite comme les carrières de Crazannes, ou encore celles de Port-d'Envaux, les Lapidiales, qui constituent un musée à ciel ouvert.
La méthode mise en œuvre
Comme toute opération d’inventaire, et conformément aux normes nationales de l’Inventaire général du patrimoine culturel, l’enquête comprend plusieurs phases qui, dans la pratique, se chevauchent.
La première étape consiste en un dépouillement bibliographique (ouvrages et revues de sociétés savantes, travaux universitaires…), iconographiques et archivistiques des documents disponibles dans les fonds d’archives locaux, en particulier des archives départementales. Seront notamment mises à profit la série O (dossiers communaux en préfecture) pour les archives concernant les biens communaux et édifices publics ; la série S (travaux publics) pour celles concernant les aménagements portuaires et hydrauliques ; la série Fi ainsi que tout dossier contenant des documents figurés. La série Q (saisies révolutionnaires) sera également exploitée, de même que les séries d’Ancien Régime (E supplément, C, G, H…). Enfin, une attention particulière sera portée aux sources immatérielles, aux témoignages des habitants qui, le cas échéant, pourront faire l'objet d'un entretien enregistré.
La seconde phase consiste en un relevé systématique sur le terrain de tous les éléments patrimoniaux qui entrent dans le cadre de l’enquête. Ce relevé est effectué à l’aide d’une grille de recensement qui permet de localiser, de décrire, voire de dater l’élément retenu. Il s’accompagne d’une couverture photographique complète.
Dans un troisième temps, les informations collectées sur le terrain et recueillies dans les archives sont analysées et rassemblées dans une base de données. Celle-ci est constituée à l’aide de l’outil informatique "Gertrude" qui permet à la fois sa production et sa diffusion sur internet. Au sein de cette base de données, un traitement différencié est opéré en fonction de l'intérêt patrimonial des éléments inventoriés sur le terrain.
Les éléments patrimoniaux repérés et ceux étudiés feront l’objet d’un dossier documentaire renseigné de manière plus ou moins précise et détaillée. Chaque dossier est accompagné d’une ou de plusieurs photographies, et est géoréférencé. La synthèse des informations est effectuée dans des dossiers d’ensembles ou collectifs par famille architecturale.
Modes de restitution des données
La base de données sera consultable au centre régional de documentation du patrimoine, site de Poitiers (102 Grand rue, 86000 Poitiers), et sur le site internet de l'Inventaire de Nouvelle-Aquitaine, site de Poitiers, inventaire.poitou-charentes.fr. L'utilisation des données est libre, à la condition d'indiquer la source et, pour les photographies, le copyright de la Région ainsi que le nom du photographe.
Outre les dossiers documentaires d’inventaire, des actions de valorisation seront organisées, en lien avec les acteurs locaux. Des publications numériques portant sur les éléments étudiés et leurs relations avec la Charente seront proposées sur le site internet de l'Inventaire de Nouvelle-Aquitaine. Les collections nationales de l’Inventaire pourront être utilisées au terme de l'étude, qu'elles permettent d’accueillir des publications généralistes, destinées à un large public (« Visages du patrimoine en Nouvelle-Aquitaine », « Parcours du Patrimoine », « Images du Patrimoine »), ou plus spécialisées (« Cahiers du Patrimoine »). Des conférences de restitution des résultats de l'inventaire pourront être organisées en lien avec les acteur locaux.
Moyens affectés à l’opération
L’inventaire est réalisé par un chercheur du service régional du patrimoine, site de Poitiers, d'une administratrice de bases de données et des photographes professionnels du service. L'opération mobilisera aussi, de manière transversale, les autres compétences présentes au sein du service (valorisation multimédia, centre de documentation...).
Afin de préparer l’exploitation des données de l’inventaire par d’autres organismes, les personnes susceptibles d’assurer par la suite une mission de médiation patrimoniale seront sollicitées, dès la phase d’enquête, au sein des acteurs locaux notamment (collectivités locales, associations…).
Calendrier prévisionnel
La faisabilité de l’opération (définition des enjeux, moyens à affecter, préfiguration des collaborations envisagées) a été étudiée en 2014-2015. Elle s'est inscrite dans le cadre de la préparation et du début de mise en œuvre du programme pluriannuel d'Inventaire général du patrimoine culturel adopté par la Région Poitou-Charentes le 27 mars 2015.
La phase véritablement opérationnelle, de terrain, de recherches et d’enregistrement simultané des données, commence en mars 2016, après une expérimentation sur la commune de Courcoury au deuxième semestre 2015. L’enquête doit se dérouler sur cinq années (jusqu'en 2021), durée prévue par le programme pluriannuel. Au-delà de cette durée d’enquête, il conviendra de prendre en compte le temps de publication dans la durée globale de l’étude.
Dans un premier temps et afin de s'accorder avec la démarche d'obtention du label Grand Site, l'inventaire concernera les franchissements de l'estuaire de la Charente, entre les communes de la rive droite (Fouras, Saint-Laurent-de-la-Prée, Vergeroux, Rochefort, Tonnay-Charente et Cabariot), et celles de la rive gauche (Port‑des‑Barques, Saint-Nazaire-sur-Charente, Soubise, Echillais, Saint-Hippolyte). Le détail de la programmation et de l’organisation du travail sur le terrain seront établis annuellement, en début d’exercice.