Château de Chaban

France > Nouvelle-Aquitaine > Dordogne > Saint-Léon-sur-Vézère

Chaban (ou Chabans) pourrait être le berceau de la famille éponyme, qui a également occupé d'autres lieux du même nom : Chabans à Agonac et Chabans à La Chapelle-Faucher. L'origine latine préromane de son appellation (de cabanna ou capanna), la proximité d'une église attestée au XIIIe siècle (Pouillé de l'archiprêtré de Carves) et sa situation stratégique favorable, sur une éminence culminant à 200 m d'altitude et surveillant le ru du Vimont à l'ouest et la Vézère à l'est, suggèrent une occupation de longue date. L'hypothèse avancée par plusieurs historiens (mais récemment rejetée par Guy Penaud) qu'un premier château de Chaban aurait été détruit en 1397 par le comte de Périgord Archambaud VI de Talleyrand semble tout à fait véridique pour deux raisons. La première : le texte de déposition d'Aymeric de Chaban (ou Chabanes), chevalier, lieutenant du sénéchal de Périgord, qui relate les faits, est passé dans l'église du Plot à Montignac, c'est-à-dire à faible distance et dans le ressort judiciaire du lieu du sinistre, contrairement au château de Chabannes à Sorges, supposé être le lieu de l'événement selon Guy Penaud. La seconde raison : on sait par un autre texte qu'au mois de novembre 1397, le château des évêques de Périgueux situé à Plazac, à seulement 3 km de Chaban, est incendié après que le même Archambaud VI ait réussi à entrer avec ses hommes dans la basse-cour et à y voler pour 400 livres de biens en tous genres (joyaux, bêtes, grains, vin, etc.). Il est donc fort probable que le "castri sui de Chabanis" d'Aymeric occupait le site du château actuel et qu'il fut en grande partie détruit à ce moment.

Quoi qu'il en soit, ce repaire noble n'est mentionné à nouveau dans les textes que bien plus tard, après la guerre de Cent Ans, alors qu'il appartient désormais à la famille de Calvimont. Toutefois, on ignore la date exacte de l'entrée de la seigneurie de Chaban dans cette famille et comment il y est entré, par alliance ou acquisition : le premier membre à la posséder semble être Jean III de Calvimont (1470-v. 1543 ?), également seigneur de Labenche et co-seigneur de Campagne (voir : Annexe). C'est selon toute vraisemblance à son fils, également prénommé Jean [Jean VI (v. 1510-1562)], qui fut garde des sceaux et greffier du roi pour le Bas-Limousin et conseiller au Parlement de Bordeaux, que l'on doit attribuer la construction d'un premier corps de logis au sud-ouest de la plate-forme du château peu après 1543, date de son mariage avec Jeanne de Prouhet, de la mort de son père et de sa nomination comme conseiller au Parlement de Bordeaux (10 avril) : la dot, l'héritage et les gages lui apportaient les moyens financiers pour engager les travaux. Les critères internes du bâtiment principal suggèrent cette datation. La porte d'entrée située au pied de la tour d'escalier hors-œuvre polygonale, en plein-cintre, encadrée de colonnes pseudo-corinthiennes sur piédestaux portant un entablement (avec architrave à fasces et frise) ressautant au droit des colonnes, peut difficilement se concevoir avant les années 1540 en Périgord. En effet, même si les normes vitruviennes ne sont pas respectées et que les chapiteaux tiennent de la première Renaissance, l'emploi de moulures classiques, comprises et bien différenciées, suggèrent cette datation. Par ailleurs, les lucarnes du logis, à candélabres et à fronton en trapèze du même type sans doute que ceux du repaire noble de Féletz, sont retardataires (ils apparaissent en Val-de-Loire vingt ans plus tôt, à Azay-le-Rideau). Les autres critères de datation sont l'adoption d'une tour d'escalier polygonale hors-œuvre pour desservir le corps de logis (l'escalier rampe sur rampe apparaît très tôt dans la région, dès les années 1520), la doucine, unique moulure (classique) constituant l'ébrasement des fenêtres, les appuis de fenêtres constitués d'un corps de moulures (classiques), les petites canonnières "à la française" (c'est-à-dire à embrasure extérieure), ovale, à orifice de tir circulaire pour armes à feu légères, percées dans les allèges des fenêtres et au pied de la tour d'escalier. Ce corps de logis, haut d'un étage carré et d'un comble habitable, comprenait trois pièces à chaque niveau : au rez-de-chaussée, une grande salle, peut-être accompagnée d'une cuisine et d'une arrière-cuisine ; à l'étage, une salle haute (ou une "grande chambre", munie de latrines logées dans une bretèche en encorbellement sur l'extérieur), une chambre et sa garde-robe. Le mur de refend entre la chambre et la garde-robe, plus épais sur une partie de sa longueur, suggère la reprise de maçonneries plus anciennes. Cette hypothèse vaut aussi pour la tour attenante, au nord, de plan quadrangulaire irrégulier, qui est peut-être reprise d'une tour-maîtresse plus ancienne. Dernier point à souligner : Jean VI de Calvimont est aussi le probable commanditaire, après la construction de Chaban, de l'hôtel de Labenche, à Brive-la-Gaillarde, bâti un peu plus tard, dans les années 1550.

En 1574, la seigneurie et la justice de Chaban relèvent du comté de Périgord : "Monsieur de La Labenche" doit rendre l'hommage à Henri III d'Albret, roi de Navarre. En 1585, le château est le siège d'une seigneurie importante, d'autant que la branche de la famille de Calvimont de Chaban est devenue la branche aînée à la suite de l'extinction de celle des seigneurs de l'Herm. Du mariage, le 14 mai 1588, de Jean VII de Calvimont (1550-1634) avec Jeanne du Bousquet de La Tour naissent cinq enfants dont l'aîné, Gaspard de Calvimont (1590-1660), devient chevalier, seigneur de Chaban, du Cheylard à Rouffignac et coseigneur de Campagne. C'est peut-être à lui que l'on doit attribuer le corps de logis en retour d'équerre au nord-ouest, qui semble le plus récent : il date probablement de la première moitié du XVIIe siècle, comme le suggèrent ses fenêtres sans croisillon en pierre ni ébrasement, et sa porte sur cour, à fronton cintré et entablement interrompu.

Le 28 octobre 1667, Léon de Calvimont rend hommage au roi de France pour sa "seigneurie de Chabannes". Par son mariage célébré à Périgueux le 21 mai 1676, Louise de Calvimont, dame de Chaban, apporte la seigneurie en dot à son cousin, François de Losse, vicomte de Losse, lieutenant aux gardes françaises. Leur petite-fille, Marie de Losse, marquise de Chaban et veuve de M. Tornielli, en épousant le 25 avril 1765 à La Chapelle-Faucher Jean-Alexandre Joumard, marquis de Chaban (de La Chapelle-Faucher), fait entrer le fief dans cette famille. En 1768, le vaste domaine représenté sur la planche n° 23 de la carte de Belleyme et décrit par des textes comprend des vignes, des terres à blé, de nombreuses métairies et un moulin. La fille de Marie de Losse et de Jean-Alexandre Joumard de Chaban, Anne-Marie-Julie, par son mariage célébré à La Chapelle-Faucher le 12 novembre 1788 l'apporte en dot à Aubert-Jean-François Géry, comte d'Abzac, famille qui détient ce bien jusqu'au début du XIXe siècle.

En 1843, le château est acheté par Clément-Jean-Baptiste Dulac (1805-1889), avocat, icarien, député du parti démocrate-socialiste ; ami de Victor Hugo, il fut exilé comme lui suite à l'accession de Napoléon III au pouvoir. De retour à Chaban après quelques années, il entreprend au début des années 1870 de remettre ses terres en valeur, notamment le vignoble qui rapportait jusqu'à 300 barriques par an au temps de la prospérité du domaine. Selon Delrieux (p. 30), Clément Dulac vendait son vin par caisses au prix de 3 francs le litre, voire jusqu'à 4 francs, à Monsieur Delhomme, le propriétaire du Café Anglais à Paris. Clément Dulac vend son domaine aux enchères en juillet 1876. Par la suite, il changea de propriétaires à de multiples reprises.

Une carte postale du début du XXe siècle (vers 1907) montre les bâtiments principaux du château dans un état de délabrement avancé : la tourelle de l'escalier en vis secondaire qui flanque l'escalier en vis principal est arasée et sans toit, le corps de logis principal est flanqué d'une construction en appendice en façade postérieure et son toit ne présente pas le débord actuel d'entraits sur étriers. D'importants travaux de restauration sont entrepris dans la décennie suivante.

Au cours de la seconde guerre mondiale, en août 1943, l'inspecteur des finances de Bordeaux et résistant Jacques Delmas (1915-2000) y prend contact avec les maquisards ; il prendra à ce moment le pseudonyme de Chaban, qu'il conserve la paix revenue. Le château de Chaban devient en 1944 le P.C. départemental de la Résistance et, après le débarquement, l'état-major départemental des "Forces Françaises de l'Intérieur" (F.F.I.) y tient ses réunions jusqu'à la libération du Périgord. Jacques Chaban-Delmas est par la suite président de l'Assemblée nationale (1958-1969, 1978-1981 et 1986-1988) et Premier ministre (1969-1972).

Le château de Chaban est inscrit à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 18 juillet 1944. De nouveaux travaux de restauration sont entrepris à la fin des années 1980 à la demande de M. et Mme Watt, les propriétaires d'alors, travaux placés sous la direction de l'architecte D.P.L.G. Jean Parquet, établi à Brive-la-Gaillarde (archives municipales de Saint-Léon-sur-Vézère).

Périodes

Principale : 13e siècle (incertitude) (détruit)

Principale : 2e quart 16e siècle

Principale : 1ère moitié 17e siècle

Secondaire : 1er quart 20e siècle

Auteurs Personnalite : Chaban-Delmas Jacques, habitant célèbre (attribution par travaux historiques)
Auteur : Calvimont Jean de

Jean VI de Calvimont (v. 1510-1562)] fut garde des sceaux et greffier du roi pour le Bas-Limousin et conseiller au Parlement de Bordeaux. Marié en 1543 avec Jeanne de Prouhet et nommé conseiller au Parlement de Bordeaux le 10 avril de la même année.

, auteur commanditaire (attribution par travaux historiques)

Situé aux confins occidentaux de la commune de Saint-Léon-sur-Vézère, au voisinage de celle de Plazac, le domaine de Chaban occupe une éminence culminant à 200 m d'altitude et surplombant le ru du Vimont à l'ouest et la Vézère à l'est. Au centre de parterres de jardin aménagés en terrasse se trouve une plate-forme de plan rectangulaire, orientée selon un axe nord-ouest/sud-est et accessible au nord-est par une porte cochère en plein-cintre flanquée de canonnières à embrasure extérieure ovale. Dressés sur la plate-forme, les bâtiments s'organisent autour d'une cour : le corps de logis principal, de plan rectangulaire flanqué d'une tour d'escalier en vis hors-œuvre polygonale sur cour, au fond (sud-ouest), une tour quadrangulaire à l'angle (ouest), un second corps de logis à droite flanqué d'une tour circulaire à son extrémité (nord) ; une imposante grange et maison de vigneron occupe le côté gauche (sud-est).

Les deux corps de logis principaux, haut d'un rez-de-chaussée et d'un étage carré sont dominés par la tour quadrangulaire haute d'un étage supplémentaire et couverte par un toit en pavillon. Les façades de ces logis (côté cour et côté extérieur) sont percées de manières irrégulières, avec des travées de fenêtres composées de croisées ou de demi-croisées. Ces corps sont construits en pierre de taille pour les parties vives (portes, fenêtres, angles des murs) et en moellon pour le reste. Si les deux corps de logis sont couverts par un toit à longs pans et à croupes (seulement d'un côté, car l'autre bute contre la tour d'angle), le corps principal présente une particularité : son toit déborde largement au sud-ouest, les entraits débordants étant portés par des étriers. Une autre particularité se remarque : la tour d'escalier hors-œuvre est couverte en terrasse, celle-ci bordée par un garde-corps métallique contemporain. Tous les bâtiments sont couverts en tuile plate.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : moellon

  2. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : pierre de taille

Toits
  1. tuile plate
Couvertures
  1. Forme de la couverture : toit à longs pans

    Partie de toit : croupe

Décors/Technique
  1. maçonnerie

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Dordogne , Saint-Léon-sur-Vézère

Milieu d'implantation: isolé

Lieu-dit/quartier: Chaban

Cadastre: 1813 D2 627, 2013 AP 22

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