Château de Campagne

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Le site du château actuel fut peut-être occupé dès l'époque gallo-romaine, comme le suggèrent des cols d'amphores, des débris de poteries et des tuiles à rebords retrouvés par Raoul de La Borie de Campagne vers 1870 dans le fond des fossés du château. La présence d'une villa ne serait pas incongrue à cet endroit, à faible distance de la Vézère, selon une disposition commune à bien d'autres sites attestés de la vallée : Peyzac, Saint-Léon-sur-Vézère ou Tayac pour ne citer qu'eux.

Les sources indiquent, en creux, qu’une seigneurie existait à Campagne dès le XIe siècle. En effet, un membre de la famille de Campagne, Hélie, est mentionné entre 1040 et 1089. D'autres membres de cette famille le sont dans les années 1160, puis encore au XIIIe siècle. Il faut toutefois attendre l'année 1360 pour trouver la première mention du "castrum de Campania" : selon une typologie bien connue, l'édifice, décrit succinctement dix ans plus tard, comprenait une haute tour, accompagnée d'une salle seigneuriale (l'aula) et de plusieurs bâtiments (cuisine, grenier et selon toute vraisemblance des écuries), l'ensemble cerné par des murailles et un large fossé. En effet, avant 1373, Gilibert de Campagne, qui n'a pas eu d'héritier mâle de son mariage avec Jeanne Ébrard, teste en faveur de son beau-frère, Ébrard de Camblazac, choix qui lèse son épouse et donne lieu à une transaction complexe entre Ébrard de Camblazac et Jeanne, soutenue par son père. Comme Ébrard de Camblazac ne pouvait payer les compensations financières demandées par son épouse, il est contraint de transiger sur la propriété en accordant à Raymond Ébrard "toute la grande tour qui appartenait à Gilibert, en son vivant, et qui est au milieu du château et entre la salle du logis dudit Camblazac, d'une part, et entre la place de la basse-cour de Raymond Ébrard, d'autre part, et la maison appelée le grenier aussi à Raymond, à la charge que la muraille ou capial de la tour et salle ouverte demeureraient à Camblazac".

Au cours des décennies suivantes, l'adhésion d'Ébrard de Camblazac au parti anglais, appuyé par le seigneur de Limeuil, entraîne la confiscation de tous ses biens par le roi de France en 1385. En 1399, Limeuil est accusé d’avoir remis Campagne à une bande anglaise. La place est reprise pour le roi de France en 1406. À partir de 1427, une bande de routiers anglais établit son repaire à Campagne, d’où, pendant cinq ans, ils pillent la vallée de la Vézère. Les Français achètent le départ des routiers en 1432 "et le lendemain la place fut razée de peur qu’ils ne la reprinssent (…) et, pour cet effet, [la ville de] Sarlat y envoya un bon nombre de pionniers avec les outils nécessaires".

Le 2 septembre 1437, Arnaud de Camblazac se défait d'une part de Campagne qu'il vend à Jean Bonald, bourgeois et marchand de Montignac ; en 1464, il vend l'autre part, qui passe entre plusieurs mains en trois ans, pour finalement appartenir à Adhémar de La Borie. Ce dernier s’y implante durablement, et pour cause : en 1457, il avait épousé Jeanne, fille d'Hélie Bonald et sœur de Jean. Fils d’un notaire public de Martel, licencié ès lois de la ville de Sarlat, puis juge de Limeuil, Adhémar est enfin conseiller et avocat à la cour des Grands Jours de Charles d'Aquitaine en 1471. Dans la seconde moitié du siècle, la seigneurie de Campagne est donc partagée à parts égales entre deux familles alliées, chacune ayant une moitié : les La Borie et les Bonald vont s'attacher à la remise en valeur des terres après les ravages des guerres, ainsi qu'accroître et diversifier les revenus qu'elles en tirent.

Il faut toutefois attendre la fin du siècle pour voir la reconstruction des bâtiments. L'actuel haut corps de logis sud-ouest flanqué de ses deux tours circulaires est bâti entre 1480 et 1485 par Bernard Ier de La Borie, fils d'Adhémar, lieutenant-général du duché et sénéchaussée d'Aquitaine ; la demeure des Bonald (disparue) était au nord. Tous les critères internes du corps de logis sud-ouest confirment cette datation : la maçonnerie en moellon à joints beurrés masqué par un enduit et raidi par des chaînes d'angles en besace soigneusement taillées, les fenêtres (croisées et demi-croisées) à moulures à listel sur bases prismatiques se recoupant à angle droit en partie supérieure et à l'alignement des traverses, les portes à chanfrein concave et linteau délardé en anse de panier, les canonnières à la base des tours à orifice de tir circulaire surmonté d'une fente de visée verticale ou encore le chemin de ronde continu sur tout le pourtour de l'édifice sont caractéristiques des dernières années du XVe siècle ou du début du XVIe (1490d-1498d au château de Lanquais ; 1494d-1506d au château de La Salle, à Saint-Léon-sur-Vézère ; 1508d-1509d au repaire noble de Cramirac à Sergeac).

L'histoire se complique singulièrement à partir du début du XVIIe siècle, car un litige nait entre les différentes familles qui possèdent alors la coseigneurie : Philippe de La Barthe, seigneur de Lasseguan, coseigneur de Campagne au droit de son épouse Jeanne de Carbonneau, pour la moitié de la seigneurie ; Pierre de La Borie, seigneur de Bonneffons, détient les deux tiers de la moitié restante ; Jean de Calvimont, seigneur de Chabans, en possède un sixième – sans que l'on sache ni pourquoi ni comment les La Borie ont dû se séparer d'une partie de leur coseigneurie au profit des Calvimont. Pour résoudre le litige entre les trois familles, des actes de partage sont dressés entre 1617 et 1624, qui définissent les parts et les droits de chacun des propriétaires. Cette situation singulière dura jusqu'au mariage, le 30 septembre 1672, de Jean II de La Borie avec Antoinette de Calvimont de Chabans, qui apporte en dot le sixième de la coseigneurie de Campagne. Il faut toutefois attendre le 29 juin 1756 pour que la part de Philippe II de La Barthe soit définitivement réunie entre les mains de David et Géraud de La Borie, père et fils, pour la somme de 70 000 livres. Pour matérialiser dans la pierre cette réunification et rendre fonctionnels les bâtiments épars, une importante campagne de travaux, menée entre 1770 et 1775, voit la création d'un grand escalier dans-oeuvre à volées droites autour d'un jour central faisant la jonction entre l'ancien logis des La Borie au sud-ouest et celui des La Barthe au nord ; une aile est bâtie ou rebâtie à cette occasion entre ces derniers, couverte d'un haut toit à brisis et lucarnes ; tous les intérieurs sont réaménagés tandis que de grandes fenêtres, sans allège, à chambranle et linteau en arc segmentaire sont percées dans le vieux logis sud-ouest afin d'ouvrir largement les pièces principales sur l'extérieur.

La dernière grande campagne de rénovation qui a donné au château sa physionomie actuelle est due à Raoul de La Borie (1821-1882). Dès 1851, du vivant de son père, Raoul prend en main la gestion du domaine. Alphonse Blaquière, architecte bordelais, fournit des dessins aquarellés, sans doute une des premières versions du projet, où se juxtaposent motifs militaires médiévaux et dispositions résidentielles. Les travaux portent d'abord sur l'aile orientale du château, qui après quelques atermoiements, comprend un étage surmonté d'un surcroît à lucarnes passantes et se voit augmentée d'un grand pavillon, au sud-est ; les travaux conduisent à la destruction de tous les bâtiments au nord (anciennement aux La Barthe), tandis qu'un autre pavillon est créé au nord, l'aile de ce côté étant doublée par un portique au rez-de-chaussée ouvert sur la cour. Dans cette pensée architecturale changeante, le pavillon nord, d'abord simplement couvert par un toit d'ardoise, reçoit quelques années plus tard une surélévation couverte par un toit-terrasse bordé d'un chemin de ronde à créneaux - avant de recevoir, à la toute fin du XIXe siècle ou au début du suivant, le haut toit d'ardoise actuel. Par ailleurs, les substructures médiévales mises au jour lors de la destruction des bâtiments nord et du terrassement des douves sont rhabillées, afin d'être vues depuis le jardin environnant.

En effet, afin de parfaire l’ensemble, Raoul de Campagne remplace le jardin classicisant par un parc inspiré de ceux à la mode sous le Second Empire : rivière serpentine, arbres isolés et bosquets d’essences exotiques choisies pour leurs couleurs en demi-saison, chemins de promenade ondoyants. Jean-Jacques Rousseau et fils, pépiniéristes à Bordeaux, fournissent en 1862 le plan du projet. L’emprise du parc est étendue grâce à la démolition de deux maisons du bourg et au redressement de la route. En 1914, le château bénéficie du chauffage central installé par Poletti, fumiste constructeur à Périgueux.

Le domaine du château de Campagne, propriété de l’État suite à la donation de Gérald de La Borie, marquis de Campagne, le 14 février 1970, transféré au Département de la Dordogne le 1er juin 2007, est inscrit sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 5 avril 2001. Un pôle mixte de recherche rassemblant les acteurs de la recherche archéologique régionale et comprenant un centre de conservation et d’études est installé par la direction régionale des affaires culturelles d’Aquitaine dans les communs du château en 2009. Il rassemble le service régional de l’archéologie, l’Institut national de recherche archéologique préventive, le service départemental de l’archéologie et le laboratoire PACEA de l’université de Bordeaux. Pour ce qui concerne le château et son parc, un projet de restauration et de mise en valeur est établi, en 2007, en concertation entre les services de la DRAC Aquitaine et ceux du Conseil général.

Périodes

Principale : limite 11e siècle 12e siècle (détruit)

Principale : 2e moitié 14e siècle (incertitude) (détruit)

Principale : limite 15e siècle 16e siècle

Principale : 3e quart 18e siècle (daté par source)

Principale : 3e quart 19e siècle (daté par source)

Dates

1484, datation par dendrochronologie

1774, datation par dendrochronologie

1862, daté par source

Auteurs Auteur : Blaquière Alphonse

Fils d'Auguste Blaquière, architecte, et petit-fils de M. Laclotte. Alphonse Blaquière (1829-1899). Il est l'auteur de nombreux hôtels particuliers et châteaux dans le Bordelais, particulièrement à Arcachon. Il repose dans le caveau Bursio. Le buste qui orne sa tombe est de Louis Fournier.

,
Auteur : La Borie Raoul

Marquis de Campagne, né le 8 août 1821 à Châtellerault (86), mort à Paris le 1er mai 1882, fils d'Edmond de La Borie de Campagne et de Marguerite Félicité Dansays de La Villatte, marié à Laure de Simard de Pitray.

, auteur commanditaire (attribution par travaux historiques)

Distant d'un peu plus de 500 mètres de la Vézère, à l'ouest, le domaine de Campagne est dans un site de fond de vallées, celle de la Vézère mais aussi de l'un de ses petits affluents, environné de collines qui le dominent au nord-est et au sud de près de 150 mètres d’altitude. En bordure nord du village et de l'ancienne église paroissiale, à l'angle des routes départementales 35 et 706, le grand parc arboré qui le compose est baigné par une rivière serpentine qui entre dans le parc au sud-est, alimente deux étangs artificiels au sud et à l’ouest, décrit plusieurs circonvolutions avant de sortir du parc, au nord-ouest, et gagner un canal rectiligne allant se jeter dans la Vézère. D’imposantes dépendances agricoles (écuries, granges, pressoir…), au nord-est, un potager et une maison de jardinier, au nord, complètent le domaine.

Isolé au centre de ce parc, le château au sens strict comprend plusieurs bâtiments adossés les uns aux autres, bordés au nord par le vestige d’une douve : un haut corps de logis rectangulaire (env. 18,5 x 13,5 m) flanqué de deux tours circulaires au sud-ouest ; une aile orientale (env. 14,9 x 10,3 m) flanquée d'un grand pavillon (env. 15,9 x 9,5 m) au sud-est ; une aile au nord (env. 19,8 x 9,5 m) elle-même flanquée d'un haut pavillon (env. 8 x 9,5 m), au même alignement au nord. L’ensemble est distribué autour d’un vaste escalier dans-œuvre, à rampes droites autour d’un jour central situé à l’intersection des différents bâtiments, soit au sud de l’aile nord, permettant de desservir à la fois le corps de logis sud-ouest et les deux ailes. En outre, l’aile orientale est flanquée sur la cour, au nord, d’une haute tour (autrefois d’escalier, celui-ci disparu) de plan carré, tandis que l’aile nord est doublée côté cour par un portique couvert en terrasse côté cour (est). Par ailleurs, tous les bâtiments sont couverts de toits à longs pans ou à longs pans et croupes, à l’exception du pavillon sud-est qui est couvert par un toit en pavillon au sud et un toit-terrasse au nord, de même que la tour qui le flanque à l’angle nord-est ; l'ardoise est le matériau de couverture exclusif. Enfin, des caves, en parties constituées par les vestiges des bâtiments médiévaux, se trouvent sous ces différents corps de bâtiments et sous une partie de la cour, au nord-est.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : moellon

    Revêtement : enduit partiel

  2. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : pierre de taille

Toits
  1. ardoise
Couvertures
  1. Forme de la couverture : toit à longs pans

    Partie de toit : croupe

  2. Forme de la couverture : toit à longs pans

    Partie de toit : pignon couvert

  3. Type de couverture : terrasse

Escaliers
  1. Forme : escalier tournant à retours avec jour

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Dordogne , Campagne

Milieu d'implantation: en village

Lieu-dit/quartier: Bourg

Cadastre: 1817 A2 963, 2017 0A 706

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