Cahier des clauses scientifiques et techniques
Inventaire du patrimoine culturel de la commune d´Aubusson
1) Contexte institutionnel et objectifs : ZPPAUP et convention de partenariat.
Dans le cadre d´une convention triennale de délégation des opérations d´inventaire du patrimoine culturel, conclue le 28 janvier 2008, la commune d´Aubusson a été identifiée par la Région Limousin et le Conseil général de la Creuse comme une aire d´étude prioritaire, parce qu´elle possède un patrimoine riche et original, qu´elle souhaite valoriser et faire partager au plus grand nombre. Elle s´est ainsi engagée en 2006 dans l´établissement d´une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) - procédure aujourd´hui arrivée à son terme.
Le patrimoine constitue une véritable ressource pour la ville d´Aubusson. Varié à la fois chronologiquement et typologiquement, il dépasse en effet les catégories les plus courantes dans la Région : outre le patrimoine rural traditionnel et le patrimoine urbain de la ville, on trouve à Aubusson un important patrimoine industriel, lié au travail séculaire de la tapisserie et aux industries textiles, aujourd´hui menacé. C´est pourquoi la Région Limousin et le Conseil Général de la Creuse souhaitent, à travers cette étude, en accroître la connaissance encore trop fragmentaire et en conserver la mémoire, afin de rejoindre la volonté de la commune de gagner en visibilité et en attractivité.
L´opération d´inventaire du patrimoine conduite sur l´ensemble de la commune d´Aubusson viendrait ainsi à la fois soutenir et compléter l´étude de la ZPPAUP. Cette étude portant prioritairement sur le centre de la ville, un inventaire amènerait un complément d´information sur le patrimoine de la ville en dehors de son centre historique (faubourgs, hameaux). Réciproquement, l´étude de la ZPPAUP donnerait à l´inventaire un premier niveau d´information sur le centre historique, dont les données pourraient être intégrées aux bases de données régionales et nationales. D´autre part, l´objectif de connaissance de l´opération d´inventaire viendrait compléter les visées règlementaires de la ZPPAUP. Un inventaire exhaustif, en complément des recherches faites en vue de la ZPPAUP, permettrait ainsi d´avoir un panorama complet des ressources en vue d´une revitalisation et d´une valorisation.
D´un point de vue régional, l´inventaire du patrimoine de la commune d´Aubusson permet d´établir une continuité géographique avec la commune de Felletin, dont l´inventaire vient d´être achevé et dont les problématiques sont complémentaires, notamment pour ce qui concerne la tapisserie. Il poursuit l´avancement de l´Inventaire général du patrimoine culturel sur le territoire du département de la Creuse, qui souhaite acquérir une connaissance approfondie de ses ressources.
2) Descriptif de l´opération.
a) Délimitation de l´aire d´étude.
Configuration géographique du territoire, situation et site : un ancien site de croisement aujourd´hui délaissé par les axes de circulation.
La physionomie de la ville.
La ville d´Aubusson est située entre la Haute-Marche et la Montagne Limousine, qui constitue le socle du Parc naturel régional de Millevaches : un territoire marqué par la pauvreté de ses terres mais sa richesse en eau, constitué en majorité de landes et de forêts. Les ressources agricoles sont faibles, ce qui explique le déclin de la population et l´exode rural important. Les agglomérations sur ce territoire sont peu nombreuses et dispersées.
Occupée depuis l´Antiquité, la ville d´Aubusson est implantée au carrefour de la Creuse et de ses affluents : la Beauze et le ruisseau de la Ville. Cinq plateaux environnants sont déterminés par ces cours d´eau : la Terrade-Chabassière, les Granges, le Marchedieu, le Mont, les Châtres. La ville et ses activités se sont peu à peu implantées en étoile dans les cinq vallées. L´ancien camp des Châtres et la colline du Marchedieu, dont l´aspect naturel a sans doute été remanié par des fortifications antiques, portent la marque de la présence romaine sur le site. A cette époque, la population et les légions sont installées au croisement de voies de circulation majeures, dont le tracé a été amélioré au cours des années, mais dont la ligne directrice passe toujours par Aubusson : la voie menant de Clermont-Ferrand à Saintes (voie d´Agrippa) et celle menant du Berry à Aubusson. Stratégiquement, le site du château était donc intéressant puisqu´il permettait de surveiller la Creuse, les plateaux environnants et les voies de circulation.
Au Moyen-âge, la ville se développe autour du château et du bourg castral, et le long de la Creuse, avec un seul faubourg, La Terrade, et un unique pont pour y accéder, le pont de La Terrade, reconstruit en pierre en 1638-1641. Les faubourgs se développent surtout au XVIème siècle (les Méris, le Mont, Saint-Jean-la-Cour).
A l´époque moderne, la ville change d´aspect et d´emprise. Les routes et les moyens de communication qui se développent sont améliorés au XVIIème siècle, notamment sous le ministère de Colbert, qui fait reconstruire les ponts en pierre et élargir les routes, après la destruction du château féodal sur ordre de Richelieu (1632-1636). Au XVIIIème siècle, le ruisseau de la Ville est couvert, constituant ainsi la rue Neuve (actuelle Grande rue), principale artère de la ville, parallèle à la rue Vieille qui était l´ancienne et unique rue importante. Les portes de la ville sont détruites. Aubusson devient alors le passage obligé entre Limoges et Clermont-Ferrand, sur la route moderne qui mène jusqu´à Saintes (la route nationale 141), commencée par Trudaine en 1731, poursuivie par Rossignol, intendant d´Auvergne, puis par Turgot, intendant du Limousin en 1761, et terminée en 1809. La traversée de la ville suit un trajet complexe, qui impliquera un plan d´alignement dans les années 1830, établis sous la conduite du géomètre Callier (équerre place d´Espagne, rue de Bat, rue Neuve, rue du Corps de Ville, place de la Halle, rue Franche).
La ville devient donc un centre commercial comme elle était depuis longtemps un foyer industriel, se préparant à devenir le centre administratif et judiciaire de l´arrondissement.
Sur le plan cadastral de 1812, le bâti est continu le long de la Grande rue et de la rue Jules Sandeau, également rue des Méris, rue Basse Terrade, Grande rue de la Terrade, et rue du Four. Dans le faubourg des Tanneurs, il s´agit d´îlots bâtis séparés par d´importants hiatus. Sur la rive gauche, le couvent des Récollets est encore isolé et en mauvais état mais abrite l´Ecole centrale du département. Le quartier Saint-Jean se développe par la suite autour de ce foyer, permettant de joindre les bâtiments d´Aubusson sur la rive gauche et les constructions de la paroisse de Saint-Jean-la-Cour, jusqu´alors indépendante. La Creuse est franchie au pont de la Terrade et au pont des Récollets, reconstruit en 1852, d´où se détache la nouvelle route de Limoges.
Après la Révolution, Aubusson est soumise au découpage départemental du territoire créant la Creuse et installant Guéret comme préfecture. L´arrondissement d´Aubusson regroupe finalement dix cantons (Aubusson, Auzances, Bellegarde, Chénérailles, La Courtine, Crocq, Evaux, Felletin, Gentioux, Saint-Sulpice-les-Champs). La commune d´Aubusson recouvre l´ancienne franchise de la ville et les hameaux de Frongier et La Villatte. Aubusson est à la tête d´un arrondissement et d´un district, mais voit la préfecture lui échapper au profit de Guéret, après une tentative d´alternance annuelle infructueuse entre les deux villes.
Au XIXème siècle, lors de la construction des voies ferrées, la ligne Limoges - Clermont-Ferrand, ouverte en 1864, laisse à part les principaux centres industriels, dont Aubusson. Grâce à l´action de notables locaux, Aubusson est finalement reliée en 1871 à cette ligne à partir de Busseau-sur-Creuse, puis raccordée à la ligne Clermont -Tulle en 1905 à hauteur d´Ussel.
Globalement, on constate le peu de liaison entre les foyers industriels creusois et la Haute-Vienne, plus dynamique et moins enclavée.
Aujourd´hui, Aubusson occupe une place importante dans le territoire creusois, malgré un relatif enclavement. L´agglomération compte actuellement 4 660 habitants, ce qui en fait la troisième ville du département derrière Guéret et La Souterraine. Elle est associée à Felletin dans la communauté de commune Aubusson-Felletin, créée en 2000, qui regroupe 11 593 habitants pour 18 communes, dont Aubusson est la plus importante. Elle appartient également au Pays du Sud-Creusois créé en 2002, l´un des plus importants du département (80 communes, 30 745 habitants soit 30% des communes du département et 25% de ses habitants). Située aux marges du Parc naturel régional de Millevaches, Aubusson bénéficie de l´attractivité de cette structure en terme de tourisme « vert », mais, malgré son importance à l´échelle du département, se trouve isolée des autres centres importants. Les principaux axes de circulation évitent Aubusson : l´axe Nord-Sud (autoroute A 20) Paris -Toulouse passe plus à l´ouest ; l´axe Est-Ouest Lyon-Océan par Clermont-Ferrand et Limoges passe plus au nord par Montluçon et Guéret (RN 145) ou plus au sud par Tulle (autoroute A 89). La ville subit d´autre part l´enclavement physique dans les vallées au creux desquelles elle s´est développée. Le centre-ville dispose de peu d´espace et les plateaux environnants ont été rapidement urbanisés, suite au développement économique et aux changements des modes de vie du XXème siècle. Ainsi, alors que le centre de la ville tend à se vider, les quartiers extérieurs se sont étendus, en zones d´activités différenciées (commerce, habitation, industrie, etc.).
Périodisations : une prospérité inattendue et perdue.
Antiquité et Moyen-âge : territoire très malmené du fait de sa position de frontière.
L´occupation de la position avant la conquête des Gaules est attestée : elle appartenait à la confédération des Lémovices de l´intérieur, tribu frontalière avec les Arvernes. La tradition attribue à deux légions placées par César sur la frontière des Lémovices et des Arvernes la fondation du château d´Aubusson comme castellum. Lors de la fondation au VIIème siècle du royaume d´Aquitaine, Aubusson se trouve à la marche de ce territoire. Les Aquitains alliés aux Francs face aux Sarrasins sont vainqueurs à Poitiers et le reflux de l´invasion arabe laisse des traces dans la région limousine, et notamment la légende de l´implantation de la tapisserie (les fameux tapis sarrasinois).
La vicomté d´Aubusson apparaît au Xème siècle, comme titre de noblesse concurrent de celui de Limoges et de la Marche. L´installation d´une vicomté est concrétisée par les agrandissements du château, dont peu d´éléments subsistent aujourd´hui (détruit au XVIIème siècle), et dans la structure de la ville fortifiée. Les vicomtes d´Aubusson restent maîtres de la ville et de son territoire jusqu´au XIIIème siècle, jusqu´à la vente en 1260 de la vicomté par Rainaud VII à Hugues de Lusignan, comte de la Marche. L´histoire de la ville et de la vicomté d´Aubusson est par la suite liée à celle du comté de la Marche, vendu au roi de France en 1309 et suit à ce titre les vicissitudes des héritages de la famille de France.
Une importante population protestante s´implante à Aubusson.
- Période moderne : l´essor inattendu de la tapisserie.
Au XVIIème siècle, une seconde vicomté est créée en 1686, lorsque François d´Aubusson de la Feuillade, après avoir implanté sa propre manufacture à Aubusson en 1672, cède à Louis XIV son domaine de Saint-Cyr en échange de la vicomté, qui revient alors dans la maison d´Aubusson. Les premières lettres patentes de la manufacture royale de tapisserie datent de 1665 et sont en réalité la formalisation de coutumes déjà installées dans les ateliers. La manufacture à Aubusson est la réunion sous une même législation d´ateliers privés dispersés dans la ville, disposant de leurs propres réseaux de diffusion et ne répondant pas qu´aux commandes royales. Des postes de fonctionnaires royaux sont créés mais non pourvus dans un premier temps (peintre du roi, inspecteur). En 1732, de nouvelles lettres patentes sont publiées, renforçant la législation et créant en outre deux écoles de dessin. Cette fois-ci, les charges royales sont enfin pourvues.
La naissance de la tapisserie à Aubusson a connu plusieurs hypothèses. Celle d´un héritage des Sarrasins lors de leur retrait de France dès le VIIIème siècle semble fondée sur un malentendu : les tapis de pied à motifs orientaux produits à Aubusson était appelés tapis sarrasinois, par analogie iconographique plus que pour des raisons historiques. L´hypothèse d´une implantation dans le sillage de Marie de Hainaut, originaire des Flandres, épouse de Louis de Bourbon comte de la Marche, est douteuse pour des raisons de date : l´installation de Marie de Hainaut date du XIVème siècle, les première mentions de tapisserie de la Marche remontent au XVème et l´émigration massive des Flamands se situe plutôt au XVIème siècle. Une des propositions actuellement est de voir dans cette réussite la trace d´une industrie textile bien implantée, bâtie sur des ressources naturelles importantes (plantes tinctoriales, cours d´eau) et une main d´oeuvre spécialisée que les Flamands ont reprise au XVIème siècle.
La ville acquiert à partir du XVIIème siècle une renommée internationale et une certaine aisance grâce à la tapisserie, mais ne parvient pas, dans les siècles suivants, à se maintenir au niveau de sa réputation, concurrencée notamment par les manufactures royales des Gobelins et de Beauvais. Les maisons de l´époque de cette prospérité sont assez peu nombreuses, et, pour la plupart, ont été largement remaniées. Toutefois, cette prospérité est marquée dans le développement de la ville, qui s´urbanise progressivement, et dans la construction de demeures plus importantes pour les plus aisés.
- XVIIIème et XIXème siècles : le déclin de la tapisserie entraîne toute la ville.
La ville connaît un important déclin à partir du XIXème siècle, dû au recul de l´industrie de la tapisserie, à l´exode rural et à l´enclavement par rapport aux grands axes de communication. Toutefois, la position administrative d´Aubusson nécessite des aménagements importants d´édifices publics et de routes : routes royales et départementales, construction du tribunal et de la prison (1816), du collège (1835), d´un théâtre (1834), implantation de la banque de France (1873), ouverture d´un musée (1885) dans les ruines du château et inauguration de l´école d´art décoratif (1884). L´église paroissiale Sainte-Croix est entièrement restaurée au moment du Concordat, notamment avec des peintures murales encore visibles aujourd´hui, bien que très endommagées.
L´industrie de la tapisserie est temporairement relancée par des commandes impériales et royales, engendrant la construction de bâtiments industriels indépendants pour le tissage, mais aussi pour les activités annexes comme la teinture. La ville et ses faubourgs se développent (en particulier le faubourg Saint-Jean), les logements patronaux des directeurs de fabrique également (ceux édifiés pour la famille Sallandrouze par exemple). Ainsi le corpus de demeures et d´hôtels est relativement important par rapport à la taille et à l´activité de la ville aujourd´hui.
- XXème siècle : tentatives de relance et de renouvellement économique.
Le XXème siècle voit un déclin économique et démographique important de la ville. Malgré des périodes de construction motivées par l´exode rural dans les années 1960-70, avec notamment des lotissements et des immeubles, la population de la ville ne croît pas énormément, et c´est plutôt son centre qui est déserté. Il est en effet encore constitué pour une bonne part de maisons anciennes exiguës, sombres et parfois vétustes. A côté d´un important corpus urbain ancien (l´ensemble est organisé autour de quelques rues le long desquelles les maisons sont serrées, sur des parcelles laniérées et étroites), on trouve tout l´échantillonnage du corpus contemporain (habitat, services et industries) sans qu´il soit exceptionnel en quantité ou en qualité. L´implantation ponctuelle de nouvelles industries (Fabriques Associées de Lampes Aubussonnaises, puis usine Philips) permet de relancer temporairement l´économie, en redonnant notamment vie aux anciens bâtiments de l´industrie tapissière.
Actuellement la ville compte miser sur le patrimoine matériel et immatériel qui constitue une ressource pour une des seules villes identifiées en Creuse et ayant un nom qui a eu un retentissement international.
Les formes du bâti : habitat rural et construction urbaine marqués par la tapisserie.
Le bâti rural autour d´Aubusson présente les caractéristiques traditionnelles de la maison rurale en Haute-Marche, dans sa morphologie et dans ses techniques de construction. Ainsi le granite est-il abondamment utilisé, dans des édifices de petite taille, avec des ouvertures réduites : la morphologie est liée aux conditions naturelles et aux matériaux locaux. La situation de la région d´Aubusson entraîne un mélange des influences, par exemple dans la forme des granges, entre la grange limousine (fenil au-dessus de l´étable, une seule entrée) et la grange auvergnate (fenil au-dessus de l´étable mais deux entrées distinctes, sur des murs-gouttereaux opposés, avec une porte charretière précédée d´une montade). Les hameaux ruraux de la commune d´Aubusson sont peu nombreux et, en général, peu importants. Les édifices qui les composent ont souvent été abondement remaniés lors du passage d´un usage agricole à un usage d´habitation, dans la logique de l´extension de la ville et de sa population à l´extérieur du périmètre de centre et de l´abandon progressif des activités agricoles. Ce phénomène n´étant pas spécifique à Aubusson et contribuant souvent à dénaturer ce type d´architecture, l´enquête traitera de l´architecture rurale dans le but d´apporter une vision exhaustive du patrimoine de la commune, sans en faire toutefois un axe primordial.
Le bâti urbain rencontré à Aubusson est original dans sa typologie puisqu´il présente des caractéristiques qui pourraient être celles d´une ville beaucoup plus importante : développement précoce des immeubles, hôtels, corpus des édifices publics, constructions destinées à l´industrie, lotissements. Si les matériaux sont traditionnellement le granite et la tuile plate (à la différence du chaume à la campagne), les décors peuvent être originaux : blasons, céramiques, reliefs en terre cuite moulée, carreaux de faïence, rocaille, soulignant la diversité des périodes pendant lesquelles la ville a joui d´une relative prospérité. Les traces de l´industrialisation de la production des matériaux de construction et du développement local de la brique, à la fin du 19e siècle, sont observables sur certains bâtiments (chaînages d´angle et jambages de fenêtres).
Pour ces raisons, on se basera sur les typologies mises en place pour la ville de Felletin, voisine d´Aubusson, pour l´architecture rurale et sur celle établie par l´étude préalable à la ZPPAUP pour l´architecture urbaine.
Raisons scientifiques du choix de l´aire d´étude.
L´aire d´étude correspond aux limites de la commune d´Aubusson, c'est-à-dire son centre ville et les hameaux ruraux relevant de la commune (voir liste en annexe). Ils sont en effet des témoignages des anciennes voies de circulation, le long desquelles ils sont en général implantés. Lorsque ces anciennes voies ont été remaniées, les hameaux ont vu leur physionomie évoluer (redistribution des biens communaux lors des nouveaux tracés). Ils sont donc représentatifs de l´histoire du développement de la commune au même titre que son centre-ville. Les liens entre la ville et ses hameaux sont par ailleurs marqués par la tapisserie, puisque de nombreux paysans faisaient du tissage à domicile et complétaient ainsi leurs revenus, tout en confortant la main d´oeuvre nécessaire dans les périodes de prospérité. Enfin, plusieurs anciens faubourgs ont été intégrés progressivement à la ville, comme l´ancienne paroisse indépendante de Saint-Jean-de-la- Cour.
Le choix du terrain d´étude d´Aubusson est dont amplement justifié par l´originalité de son patrimoine et par la nécessité d´une connaissance approfondie de ce dernier, car la ville entend en faire un outil de redynamisation de son territoire. D´autre part, sur l´axe de la tapisserie, la continuité avec Felletin s´impose : de nombreux entrepreneurs et tapissiers étaient sur les deux sites qui se sont développés de manière concomitante.
b) Les enjeux scientifiques.
Intérêt scientifique de l'opération.
L´originalité du patrimoine d´Aubusson dépasse les catégories couramment rencontrées en Limousin. En présentant à la fois un patrimoine rural traditionnel, un patrimoine urbain ancien (racines médiévales) et un important patrimoine industriel ou artisanal, la ville jouit d´une richesse souvent mésestimée et aujourd´hui menacée. Un des intérêts de cette opération sera de montrer les interactions entre ces différents patrimoines selon les phases de développement de la ville.
Un autre intérêt scientifique est de mener, en Creuse, territoire largement rural, une étude sur une commune possédant toutes les caractéristiques urbaines et de montrer l´évolution de la situation d´Aubusson de ville principale du territoire creusois à ville dont l´importance est aujourd´hui très diminuée.
Enfin, l´étude devrait permettre de synthétiser et de renouveler les connaissances sur le patrimoine industriel lié à la tapisserie, aujourd´hui grandement menacé, et qui n´a pas fait l´objet d´une étude complète, historique et technique.
Les problématiques scientifiques.
Le développement urbain et l´habitat : la constitution du territoire aubussonnais
L´étude prendra en compte la constitution de la ville d´Aubusson à travers les différentes phases de son développement économique : la ville médiévale et le faubourg de La Terrade, l´accroissement aux XVII et XVIIIèmes siècles suite à l´essor de la tapisserie, enfin la constitution comme ville administrative importante dans le département au XIXème siècle, le tout en relation avec les hameaux dont les ramifications sont représentatives des relations de la ville avec son territoire.
Le patrimoine industriel et ses ramifications
On portera une attention particulière au patrimoine industriel lié à la tapisserie. L´enquête réalisée sur la commune de Felletin a montré l´importance de ce patrimoine et les liens unissant les deux villes par ce biais-là. L´étude permettra ainsi de faire ressortir la complémentarité des deux villes et la spécificité d´Aubusson. Ce type de patrimoine, dont les bâtiments sont souvent laissés à l´abandon aujourd´hui, mérite une étude permettant d´initier si ce n´est sa sauvegarde, du moins son souvenir et sa documentation. L´étude portera aussi bien sur les grands sites comme les manufactures Sallandrouze Frères ou Braquenié, que sur les ateliers qui peuvent être disséminés dans la ville, voire dans les hameaux, et dont l´identification est plus difficile.
Les jardins en terrasse et le paysage aubussonnais
Enfin, une des particularités du paysage aubussonnais réside dans les jardins en terrasse installés dans le centre de la ville. Une réhabilitation est actuellement en cours, en lien avec une entreprise de réinsertion. La prise en compte de ces jardins dans l´étude d´inventaire permettrait de donner une dimension patrimoniale à cette action, et d´intégrer cette donnée paysagère originale au patrimoine de la ville.
c) Les modes d´approche et leur application.
Afin de mettre en valeur le patrimoine aubussonnais dans son ensemble, et de faire ressortir l´identité de la commune et les liens tissés sur son territoire, l´approche envisagée est une approche topographique. Pour la partie la plus ancienne et la plus centrale de la ville, on utilisera les informations déjà recueillies lors de l´étude de la ZPPAUP, en les intégrant à l´enquête d´inventaire et dans ses grilles de lecture. On procédera donc à l´étude de l´architecture privée et publique, religieuse et civile et des objets mobiliers publics, selon les prescriptions de l´Inventaire général du patrimoine culturel (voir références en annexe). Autant que possible, les intérieurs domestiques seront visités, afin d´avoir une étude réellement complète du patrimoine dans ses différentes périodes et ses différentes formes, et afin de documenter des éléments, décoratifs et mobiliers notamment, qui risquent de disparaître.
La méthode d´inventaire comprendra plusieurs degrés de repérage, en fonction des objets étudiés :
- Les édifices et les objets mobiliers les plus importants pour leur histoire ou celle de la ville, les unica, les édifices classés ou inscrits au titre des Monuments Historiques et ceux dont les caractéristiques l´imposent au vu des attentes scientifiques de l´enquête seront sélectionnés et feront l´objet d´un dossier individuel, avec bibliographie et recherche documentaire approfondies, couverture photographique professionnelle, visite des intérieurs autant que possible. Sont concernés notamment les édifices publics, du XIXème siècle notamment, marquant l´importance de la ville dans le territoire creusois.
- Les édifices intéressants pour le patrimoine de l´aire d´étude mais présents en plusieurs exemplaires ou dont la lisibilité est perdue seront simplement repérés. Ils feront l´objet d´un dossier collectif présentant les caractéristiques de ce patrimoine, les critères de repérage choisis. A l´issue de ce repérage, les édifices les plus représentatifs d´un type ou les mieux conservés seront sélectionnés et feront l´objet d´un dossier individuel tel que décrit ci-dessus. Ce sera le cas notamment des maisons du centre, typologiquement très proches et représentatives, de par leur nombre, d´une phase de développement de la ville.
- Enfin, afin de permettre à la commune d´avoir une connaissance complète de l´histoire de son développement, on cherchera à avoir sur l´ensemble du bâti une information minimale (datation) à la parcelle ou collectivement, dans le but d´établir une carte de datation du bâti exhaustive et rendant compte de l´évolution de la ville, dans sa forme comme dans son contenu (lotissements ou logements collectifs par exemple).
Cette approche topographique est complétée par une approche thématique pour le patrimoine industriel. Il est pertinent en effet de considérer ce type de patrimoine dans son développement propre afin de l´intégrer ensuite au développement de la ville. On cherchera ainsi à caractériser les différentes phases du bâti industriel lié à la tapisserie, ainsi que les différentes activités qui pouvaient lui être liées. Les édifices les plus importants ou les plus caractéristiques feront l´objet d´un dossier individuel.
Pour la mise en forme des dossiers et de la documentation, le recours au dossier électronique avec le logiciel Renabl permettra la production de données directement au format électronique, en lien avec la cartographie (cadastre et SIG de la Région et/ou de la ville).
d) Le contenu et le calendrier des différentes phases.
Phase 1 : état des connaissances, recherche documentaire préalable, exploitation.
Cette phase comprend les recherches documentaires et bibliographiques préalables. Outre les fonds traditionnels et généralistes (centre de documentation de l´Inventaire et bibliothèques), on aura recours au fonds limousin de la Bibliothèque francophone multimédia, plus complet et comportant notamment tous les exemplaires des Mémoires de la société des Sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, bulletin d´une société savante née au XIXème siècle et comportant des articles fondamentaux sur l´histoire d´Aubusson.
Aux archives départementales de la Creuse, on consultera les séries Fi pour les documents figurés, les séries O (travaux publics) et Q pour l´administration départementale, la série S pour la voirie et les moyens de communication et enfin, la série M pour le patrimoine industriel. Les archives communales, conservées à la mairie, permettront d´avoir un bon aperçu de l´histoire de la ville, surtout pour le XXème siècle. Pour l´enquête topographique, ces recherches en amont permettent de saisir l´histoire et l´organisation générale de la ville avant d´aborder les édifices individuellement.
On se concentrera également sur les différentes versions du cadastre, permettant de suivre l´évolution de la ville. Le cadastre napoléonien, conservé aux archives communales, datant de 1812, permet d´avoir une vue du développement de la ville au moment où les manufactures entrent dans une nouvelle phase de développement et juste avant que la cité ne prenne son essor administratif. Un plan d´alignement de 1830 pour la Grande rue, ainsi que les travaux effectués le long des voies nationales (RN 141 et RN 142) permettent de saisir l´organisation progressive du centre ville en fonction des contraintes nouvelles de circulation. Ces documents seront consultés au cours de l´enquête, lorsque la parcelle concernée sera étudiée. Les versions plus récentes du cadastre, ainsi que les plans dressés par le MRU (Ministère de la Reconstruction et de l´Urbanisme) après la Seconde guerre mondiale pourront nourrir la réflexion sur les périodes les plus récentes.
Pour la partie thématique industrielle, on pourra avoir recours à des fonds spécifiques comme les Archives nationales pour la Manufacture royale de tapisserie d´Aubusson (1665) ou à des fonds d´archives privés pour les manufactures du XXème siècle (fonds Tabard et Braquenié notamment). On consultera également le centre de documentation, très complet, du Musée départemental de la tapisserie.
Phase 2 : enquête de terrain, production et traitements des données.
Les enquêtes sur le terrain s´organisent elles-mêmes en plusieurs phases. Une première étape constitue un repérage et une identification des principaux éléments du patrimoine et une évaluation de la quantité de bâti, notamment pour les hameaux. Dans une deuxième étape, on fera l´étude sur le terrain des édifices publics et unica dont le dossier est incontournable. Enfin, en deux étapes distinctes, on s´intéressera d´une part au bâti rural, puis au bâti urbain avec le même mode opératoire : test puis validation de la fiche de terrain, repérage et établissement de la typologie, sélection et étude des typica.
Les dossiers seront produits, au fur et à mesure des différentes phases, au format électronique, synthétisant les recherches et l´étude in situ, les photos et documents d´archives, les données géographiques.
Concernant le patrimoine industriel, l´enquête, parfois bousculée par les dossiers d´urgence liés à la fragilité de ce patrimoine, sera menée dans un premier temps au cas par cas, avant la mise en place d´un partenariat avec le Musée départemental de la tapisserie pour une étude systématique. Les manufactures et les sites pourront alors être étudiés individuellement.
Phase 3 : restitution, diffusion, valorisation des résultats.
La valorisation des résultats se fera, durant l´étude, par des annonces dans la presse, des conférences, des réunions publiques et toute autre forme d´action culturelle permettant d´intéresser la population à la recherche menée et de l´y associer. L´utilisation du dossier électronique permettra, par ailleurs, une mise en ligne régulière des résultats de l´enquête. Cette publication dématérialisée présentera, à la demande, le travail en cours, aux élus comme aux habitants.
Une publication traditionnelle de l´ensemble des résultats est envisagée, sans être d´emblée prévue dans les délais, comme une possibilité de valorisation de l´enquête et du territoire communal.
e) Calendrier prévisionnel.
Début des opérations en juillet 2007.
Juillet 2007-juillet 2009 : Rédaction de la convention de partenariat et du Cahier des Clauses Scientifiques et Techniques. Recherches documentaires et bibliographiques générales. Réalisation des dossiers pour les unica (notamment édifices protégés au titre des Monuments Historiques) et le patrimoine public.
Septembre 2009 à septembre 2010 : enquête sur le patrimoine industriel, selon une méthodologie établie en concertation avec la Direction des Patrimoines.
Septembre 2010 à fin 2011 : recensement du patrimoine urbain et rural (repérage, sélection et réalisation des dossiers).
2) Moyens scientifiques et techniques.
Un conservateur en charge de l´enquête (cadrage scientifique et administratif, recherches, réalisation des dossiers)
Un photographe professionnel pour la réalisation des prises de vue d´architecture et des objets.
Un dessinateur-cartographe pour la réalisation ponctuelle de relevés et de cartes, et la mise en œuvre du géoréférencement.
3) Suivi et évaluation.
Le suivi de l´enquête et l´évaluation de ses résultats sont assurés par un comité de pilotage. Sa composition intègre a minima :
Un représentant de la Région Limousin (élu et/ou service)
Un représentant de la Ville d´Aubusson (élu et/ou service)
Un représentant du Département de la Creuse (élu et/ou service)
Le conservateur du Service de l´Inventaire et du patrimoine culturel chargé de l´opération.