Phares de l'estuaire de la Gironde

France > Nouvelle-Aquitaine

La tour de Cordouan, attestée dès le Moyen Âge, constitue l’un des signaux les plus anciens permettant de naviguer à l’embouchure. Outre Cordouan, et avant que ne se constitue le réseau de phares et de balises, les navigateurs et les pilotes ont l’habitude de se guider à l’aide d’éléments naturels ou construits, situés sur les rives. Les pointes, conches, et même les dunes sont scrutées et indiquées sur les cartes. Encore au 18e siècle, des groupes ou des alignements d’arbres, des moulins à vent, des clochers d’église, constituent des signes verticaux précieux jalonnant l’horizontalité des rives estuariennes.

Au cours du 18e siècle, de nouveaux équipements sont mis en place tandis que des cartes plus précises de l’estuaire sont dressées. Les investigations et les efforts se portent principalement dans le secteur de l’embouchure. Les autorités décident, dès 1698, la construction d’une pyramide en bois servant de balise à la pointe de la Coubre. Entre 1768 et 1771, un programme d’amélioration de la navigation est établi par les autorités royales. Deux tours en bois, fabriquées à Libourne, sont installées en septembre 1771 à Bonne Anse, tandis que deux autres en pierre sans feux lumineux sont finalement préférées, l’une au Chay à Royan, l’autre à Terre-Nègre à Saint-Palais-sur-Mer.

Ces différents signaux indiqués sur la carte de la Gironde établie en 1776 par l’ingénieur Joseph Teulère constituent des satellites de Cordouan dont le chantier de surélévation est engagé.

À la fin du 18e siècle, une quinzaine de feux est établie sur le littoral français, alors bien moins équipé que les côtes anglaises. Au début du 19e siècle, l’ambition est de créer un réseau national de phares, dont la gestion est confiée en 1806 au ministère de l’Intérieur et aux ingénieurs des Ponts et Chaussées. L’estuaire de la Gironde constitue tout au long du siècle un terrain d’expérimentations, notamment à Cordouan, premier phare à être doté en juillet 1823 de l’appareil à lentilles à échelons conçu par Augustin Fresnel. Dans cette recherche de perfectionnement, alors que la navigation à vapeur se développe et qu’il est toujours et encore nécessaire de sécuriser cet axe de circulation, Cordouan est complété comme par le passé d’autres repères établis sur les rives. Ces feux ou phares en charpente implantés sur les dunes instables se sont rapidement avérés fragiles et inutiles, soumis aux violences météorologiques et aux récurrentes variations des passes. On leur préfère progressivement des constructions en pierre, comme à Grave en 1837 et à la Coubre en 1841, même si les qualités économiques et modulables du bois plaidaient en faveur de ces structures légères. Ces dernières présentaient aussi l’avantage de n’avoir que peu de prise au vent et n’ont pas été définitivement abandonnées, l’une ou l’autre technique pouvant être adoptée. En 1856, le phare en bois construit à Pontaillac fait ainsi figure de modèle, publié et diffusé dans le Traité d’architecture de Léonce Reynaud, directeur du service des phares. À la Coubre, la tour en pierre édifiée en 1841 et menacée par l’érosion, est remplacée en 1860 par une structure en bois selon les plans de l’ingénieur Botton. De forme pyramidale, elle mesurait 28 mètres de haut, sur six niveaux, avec une grosse lanterne au sommet. À la même époque, en 1859, la pierre est choisie pour le phare de Grave, sur les plans des ingénieurs des Ponts et Chaussées, Droeling et Robaglia, puis en 1860 pour deux maisons-phares aux pointes de Vallières et de Suzac (dit phare des lapins).

Dès 1845, un nouveau dispositif est expérimenté avec l’établissement d’un phare-flottant ou feu installé sur un bateau mouillé à poste fixe sur le banc de Talais afin de naviguer de nuit dans l’estuaire. Dans les années 1860, d’autres sont mis en place à Mapon et By pour signaler l’alignement avec Patiras, île sur laquelle venait d’être installé un feu, "échafaud en charpente supportant la chambre dans laquelle sera placé l’appareil d’éclairage" de 13 mètres au-dessus du niveau des "hautes mers", exhaussé à 18 mètres de haut et doté en octobre 1864 d’une lampe clignotante. En 1870, un bateau-phare est positionné à l’embouchure, au large de la Coubre. Ces années sont marquées par une autre innovation technique et architecturale, celle des phares métalliques. Les "tours tripodes" de la Palmyre et de Richard sont conçues par l’ingénieur Lecointre et fabriquées par la Société nouvelle des forges et chantiers de Méditerranée en 1869-1870. La première culmine à 25 mètres de hauteur ; la seconde, avec ses 31 mètres, domine le phare préexistant en pierre haut de 18 mètres seulement.

En peu de temps, l’estuaire se voit ainsi paré d’installations modernes, sans cesse renouvelées et améliorées, suivant l’élan national d’équipement des côtes : au 1er janvier 1873, on dénombre en France 336 phares dont 241 créés ou renouvelés depuis 1848. On recherche en permanence à améliorer la visibilité et à gagner en hauteur : à Patiras, entre 1876 et 1879, l’échafaudage en charpente est remplacé par une tour en maçonnerie qui culmine à 20 mètres. À partir de 1882, l’électrification des phares contribue à renforcer leur efficacité, tandis que sont également déployées des bouées lumineuses. L’utilisation du béton permet d’obtenir des hauteurs inégalées : alors que le phare en pierre et ciment construit à la Coubre en 1892-1895 est englouti par les vagues en 1907, un nouveau, plus en retrait dans les terres, est édifié dès 1905 avec une tour en béton armé de 64 mètres de haut, construite en quelques mois seulement. Un soin architectural particulier est par ailleurs apporté à l’édifice, notamment autour de l’escalier en vis dont la cage fut recouverte de plaques d’opaline. Parmi les dernières constructions réalisées, la maison-phare de Vallières est complétée en 1900-1901 par un phare de 25 mètres de haut, tandis que le banc de sable de Trompeloup, à proximité de Pauillac, est équipé d’une tour en maçonnerie de 13 mètres, servant de feu d’alignement de Patiras en remplacement du feu-flottant de Mapon à Saint-Seurin-de-Cadourne.

Tandis que le phare de Cordouan figure sur la liste des Monuments historiques dressée en 1862, ses homologues exposés et livrés à la violence des éléments, tributaires des évolutions techniques de la signalisation, deviennent progressivement obsolètes. Certains sont détruits lors de la Seconde Guerre mondiale (phare Saint-Pierre à Royan, phare de la Palmyre), d’autres sont désaffectés dans la seconde moitié du 20e siècle. La reconnaissance patrimoniale de ces constructions est relativement récente, dans les années 2000. Les commissions régionales du patrimoine et des sites ont proposé une quarantaine d’inscriptions au titre des monuments historiques, et autant de classements qui ont été soumis à la Commission nationale, lors de deux séances thématiques en 2010 et 2012. 80 phares sont à ce jour protégés, dont 37 classés et 43 inscrits. C’est ainsi que les phares de Grave, de Terre-Nègre, de la Coubre et de Vallières bénéficient depuis d’une protection Monuments historiques.

Périodes

Principale : 4e quart 16e siècle

Principale : 1er quart 17e siècle

Principale : 18e siècle

Principale : 19e siècle

Principale : 1er quart 20e siècle

6 dossiers de phares ont été réalisés en Gironde.

Un dossier de synthèse concernant les phares (3), amers et balises de la rive saintongeaise rassemble les entités étudiées dans ce secteur.

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