L'arsenal de Rochefort
En 1666, l’implantation d’un arsenal à Rochefort, pour construire et armer la flotte royale, est une prouesse par l’ampleur du projet et la rapidité de son exécution, malgré les multiples contraintes imposées par un sol marécageux. L’activité y a été très intense puisque ses ateliers ont livré à la marine plus de 500 navires de guerre entre 1666 et leur fermeture en 1927, à un rythme plus ou moins soutenu selon les périodes.
Carnet du patrimoine
21 juin 2022
# Charente-Maritime, Rochefort
# Opération d'inventaire : La vallée de la Charente
# Arsenal
# Temps modernes et époque contemporaine
Découverte de l’arsenal de Rochefort en vidéo
Ce mini documentaire de 7 minutes sur l’arsenal de Rochefort et son histoire inaugure un cycle de vidéos consacrées au patrimoine maritime et fluvial de la région, dans la collection Vidéoguide Nouvelle-Aquitaine. Les épisodes suivants verront le jour au rythme d’un par mois…
Un arsenal créé ex nihilo au 17e siècle...
Si le choix est celui d’un lieu bien abrité à l’intérieur des terres, il est aussi lié à la facilité de son approvisionnement par le fleuve depuis un arrière-pays fertile. Le site choisi, sur la rive droite de la Charente, n’est alors occupé que par un château à l’écart de la petite paroisse de Rochefort. En quelques années seulement, l’arsenal est construit et entraîne avec lui l’édification d’une ville au plan en damier. La superficie occupée par l’établissement n’a guère varié dans le temps, mais des transformations et des réédifications se sont succédé.
L’aspect monumental des premiers ateliers et magasins mis en service dans les années 1670 répondait à la volonté de montrer la puissance du pouvoir monarchique. L’architecture de la corderie, de la fonderie et du magasin aux vivres reprenait ainsi les critères de l’esthétique classique : vastes dimensions, composition symétrique, qualité de mise en œuvre, façades rythmées… La corderie offrait de plus au regard du visiteur sa façade d’une exceptionnelle longueur – 373 mètres – nécessitée pour la fabrication de très grands cordages. Toutefois, à côté des édifices majeurs, de nombreux bâtiments sont construits de manière moins pérenne, en bois et en toiles goudronnées.
Dès son origine, l’arsenal s’avère être un lieu d’innovations, par la recherche de solutions techniques aux difficultés causées par un sous-sol marécageux, ou par la création du premier bassin de radoub maçonné, appelé la Vieille forme, qui permettait de mettre les coques des navires au sec pour les réparer, au lieu de les coucher sur un côté. La construction d’une deuxième forme de radoub dotée de deux bassins, freinée par la nature du terrain et des problèmes d’infiltration, s’est déroulée de 1683 à 1725.
… réorganisé aux 18e et 19e siècles...
Une importante réorganisation entre 1715 et 1740 optimise le fonctionnement de l’arsenal par l’aménagement de cales de construction et la réalisation de grands hangars dans la partie sud de l’établissement. Un bagne y est installé en 1767 et reste en activité jusqu'en 1852 ; les forçats participent aux travaux de construction des vaisseaux et sont chargés du « service de cordelle », pour le halage des navires à l’aide de cordes, jusqu’à Vergeroux.
La fin du 18e siècle est marquée par une préoccupation hygiéniste qui a pour conséquence la construction de l’abattoir de la marine en bordure du fleuve et celle d’un monumental hôpital à l’écart sur un terrain un peu plus élevé. C’est aussi à cette époque que sont aménagées au sud de l’arsenal et, sur la rive gauche, dans la prairie de Rhône, deux immenses fosses servant à immerger les bois destinés à la fabrication des navires, de manière à les rendre imputrescibles.
L'évolution des procédés de construction et de navigation au cours du 19e siècle a entraîné de grands bouleversements dans l'arsenal. Ce dernier a notamment bénéficié de l’inventivité de l’ingénieur Jean Baptiste Hubert qui y a créé nombre de machines : moulin à draguer, moulin à scier, machines diverses (à mortaiser, à ajuster, à filer). La construction de navires en métal fonctionnant à la vapeur a aussi requis d'autres types de savoir-faire et l'installation de nouveaux ateliers, tels que ceux encore visibles de nos jours : l'atelier de la chaudronnerie (1824), la forge (1846), l'atelier des machines (1864), la menuiserie (1890), la nouvelle fonderie (1894), et d'autres ateliers non précisément datés comme celui de la fabrication des poulies. Parallèlement ont été construits les bâtiments administratifs de la Direction des mouvements du port en 1822, de la Direction de l'artillerie en 1838, de la Direction des constructions navales en 1872, ainsi que des corps de garde comme celui du parc de la Vieille forme vers 1820.
… désormais à vocation touristique
La fermeture de l’arsenal en 1927, dont la partie sud a été cédée à une entreprise privée, puis les dommages causés au moment du départ des troupes allemandes en 1944 ont entraîné la ruine de la plupart des installations. Dès lors, pendant quelques décennies, la ville s'est détournée du fleuve. Le site de l'arsenal a heureusement repris vie à partir des années 1970 grâce à des travaux d’ampleur : la corderie a été entièrement restaurée, les formes de radoub ont été remises en état et un sentier a été aménagé le long du fleuve. Enfin, la construction de l’Hermione, réplique de la frégate construite à Rochefort sur laquelle embarqua Lafayette en 1780, dans les bassins de radoub entre 1997 et 2014, a consacré la nouvelle vocation de tourisme fluvio-maritime de la ville de Rochefort.
Plan de l'arsenal de Rochefort
Auteur : Pascale Moisdon, mars 2022.