Les graffitis, un patrimoine estuarien fragile
De nombreux graffitis anciens, datables essentiellement du 19e siècle et représentant généralement des bateaux, ont été repérés sur les murs de divers bâtiments des communes des bords de l’estuaire. Leur repérage permet de dessiner une carte de la sensibilité des riverains au proche estuaire, comme un "appel du large".
Carnet du patrimoine
Publié le 17 février 2016
# Gironde, Bourg, Blaye, Anglade
# Opération d'inventaire : Communes riveraines de l'estuaire de la Gironde
# arts graphiques, graffiti
# 19e et 20e siècles
Les représentations de bateaux graffités ne sont pas l’apanage des rivages de l’estuaire. Bien des sites, parfois fort éloignés d’un cours d’eau navigable ou des rivages de la mer, recèlent ce type de figurations. Ainsi, de nombreux graffitis navals ont été repérés parmi la quantité de gravures pariétales d’époques diverses dans les montagnes de la Vallée des Merveilles en Mercantour… Il est aussi possible d’évoquer les 27 graffitis de navires du château de Chambord, le très beau vaisseau dans le cachot du prieuré de Saint-Maixant dans les Deux-Sèvres ou, plus proche de nous, une représentation de bateau graffitée sur la paroi du cachot du château de Cazeneuve en Bazadais. Sans parler des dizaines de graffitis de navires relevés sur les parois de plusieurs des carrières girondines (à l’exception de celles du Bourgeais-Blayais, paradoxalement, en dépit de la proximité avec l’estuaire), en milieu pourtant, a priori, étranger à la marine.
L’explication du phénomène, en Gironde tout au moins, est sans doute à rechercher dans la mobilité professionnelle des individus et dans les liens de complémentarité unissant l’activité viticole, l’extraction de la pierre et la navigation. Le long de l’estuaire, fréquenté par des pêcheurs et des marins selon la saisonnalité des besoins en main-d’œuvre de la viticulture, ces graffitis ont probablement valeur de manifeste pour une population de nautes affirmant, par ce marquage identitaire, leur singularité par rapport aux gens « rivés » à la terre ferme. Il est aussi possible d’imaginer certains de ces graffitis comme un « appel du large » exercé par l’estuaire sur des paysans qui voyaient régulièrement passer sous leurs yeux la voilure d’embarcations.
Sur la vingtaine de sites repérés, tous sont en rive droite, et la majorité se situent dans les communes saintongeaises, entre Vitrezay et Vaux-sur-Mer (1). En Gironde, des hameaux proches de l’estuaire, à Bourg et Blaye, concentrent l'essentiel des graffitis recensés, même si ce type de représentation se rencontre également à Gauriac et Anglade. Les dépendances agricoles des fermes et les moulins à vent ont servi le plus souvent de support à la réalisation des graffitis. Les divers bateaux naviguant traditionnellement sur l’estuaire, tels que les couraux, yoles, filadières, gabarres ou bricks... sont représentés. L’étude détaillée de cette flottille reste cependant à effectuer.
Ce patrimoine fragile et souvent exposé aux intempéries, tributaire de ravalements intempestifs, reste le témoin discret du lien immémorial unissant les hommes à l’estuaire.
- Alain Beschi
Pour en savoir plus :
- CHEVET Robert. « Les représentations de bateaux dans les carrières : la rigueur documentaire et la part du rêve ». Les carrières de Gironde, table-ronde tenue à Bordeaux le 26 juin 1999, Bordeaux : Société spéléologique de Bordeaux, 2011, p. 21-41.
- LANDRY Guy. « Graffiti maritimes ». L’Estuarien, n°29, 2009, p. 7.