Un pont d’eau
Le canal latéral à la Garonne fut construit entre 1838 et 1856. Depuis Toulouse, il longe la rive droite jusqu’à Agen où il enjambe du fleuve grâce à un pont-canal monumental. Il poursuit son cours sur la rive gauche, jusqu’à Castets-en-Dorthe, où il rend ses eaux à la Garonne. Ce pont-canal, édifié entre 1839 et 1847, est le plus long pont en maçonnerie de France : 539 mètres et 23 arches. Classé Monument historique et objet de l’attention des Voies Navigables de France, sa restauration est en cours depuis trois ans.
La cérémonie de pose de la première pierre du pont-canal par le duc d’Orléans, fils de Louis-Philippe et prince héritier du trône, eut lieu le 25 août 1839. Ce fut l’occasion de grandes festivités destinées à solenniser le lancement du chantier. L’événement se déroula au bord de la Garonne, au pied de la huitième pile depuis la rive droite. Là fut scellé, enveloppé dans du plomb, un coffret renfermant sept pièces de monnaies de 1839 et trois médailles à l’effigie de Louis-Philippe. Afin d’immortaliser la scène, le préfet, par l’entremise du député Sylvain Dumon, demanda un tableau à l’État. Commande fut passée en 1840 au peintre Eugène Roger, mais, après sa mort, Joseph-Désiré Court en assura la réalisation.
Une galerie de portraits
Peintre d’histoire, Joseph-Désiré Court (1797-1865), élève de Gros à l’École des Beaux-Arts, obtint le prix de Rome en 1821 et exposa régulièrement au Salon de peinture et sculpture. Il peignait des portraits-études, art dans lequel il excellait, afin de composer par la suite ses tableaux, véritables galeries de portraits.
La peinture agenaise de Court, intitulée La pose de la première pierre du pont canal d’Agen, datée de 1844, fut attribuée par l’État à la préfecture d’Agen. Exposée au musée municipal de 1880 à 1954, elle orne aujourd’hui le Salon vert de la préfecture. À l’origine, l’œuvre était de format vertical. Malheureusement coupée en hauteur à une date inconnue, elle est désormais réduite à une galerie de portraits, à quelques anonymes et à l’escalier montant au pavillon royal qui figurait dans la version d’origine.
Au tout premier plan, l’eau d’une Garonne paisible coule au pied des notables. Sur la gauche, deux maçons prêts à intervenir pour le scellement tournent leur regard vers le prince héritier. Autour de lui prennent place des personnalités, identifiables à leurs habits d’apparat et surtout grâce à un dessin à la plume annoté conservé au musée d’Agen : des politiques (le maire d’Agen, des députés), le préfet, des magistrats et fonctionnaires ainsi que des hommes de l’art – dont de Baudre, concepteur du canal, et Job, chargé du chantier.
L’événement fastueusement célébré montre que les hommes de l’époque avaient conscience qu’ils réalisaient ici un ouvrage d’art majeur. Par son grand tableau commémoratif, Joseph-Désiré Court en assurait la postérité, rendant indissociables l’ouvrage de l’œuvre d’art.
Françoise Zannese, chercheur au service du Patrimoine et de l’Inventaire.