Les artisans de L'Hermione : les voiliers
Trois entreprises ont participé à la confection de la voilure de L'Hermione : Incidences voiles à La Rochelle a réalisé la coupe des 17 voiles, la Voilerie Burgaud à Noirmoutier a assuré l'assemblage à la machine des laizes et l'atelier Anne Renault à Fouras a effectué toutes les finitions à la main. Soit 2 200 mètres carrés de lin, 270 œils-de-pie et 60 mètres de ralingues ! Anne Renault nous parle de cette expérience hors du commun.
Carnet du patrimoine
Publié le 17 mai 2018
# Charente-Maritime, Rochefort
# Opération d'inventaire : Les mémoires ouvrières
# Bateau de combat
# Temps modernes
Anne Renault décrit la participation des trois entreprises de voilerie qui ont remporté le marché du jeu de voiles de L'Hermione, et son travail de finition.
Dans l’aventure humaine, c’est justement tous ces calages d’humains, donc d’ego, de places à prendre, de compétences, et tout cela se mélange… Ce que je trouve passionnant, c’est cette évolution entre ce groupe qui grandit, qui se cale, et puis le passage du travail de fourmis à la réalisation du bateau et le fait que l’on parte naviguer : il y a une continuité qui est assez agréable.
Le métier de voilier
Ouvrière voilière de formation par goût des tissus et de la navigation sur des bateaux traditionnels, Anne Renault est titulaire d'un CAP d'ouvrier voilier. Avant L'Hermione, elle avait réalisé le jeu de voiles d'une petite bisquine, un voilier de travail, construite sur l'île de Tatihou, dans la Manche. Dans son atelier à Fouras, elle travaille principalement en voilerie traditionnelle avec le souci d'adapter les coupes et le type de finition à l'époque du bateau.
Des voiles en lin
Pour l'aspect historique, les recherches ont été menées par le comité historique, les architectes et avec l'aide de quelques ouvrages de référence comme L'Art de la voilure, publié en 1781, par Charles Romme, professeur de navigation à Rochefort. Des compromis ont dû être faits, comme de confectionner les voiles en lin plutôt qu'en chanvre, en raison de la complexité de fabrication et de la fragilité du chanvre. De plus, l'assemblage des laizes de 60 cm de large a été fait à la machine, l'assemblage à la main nécessitant un surcoût trop important de main-d’œuvre.
[l'autre concession] c’est le fait d’avoir cousu avec des fils polyester, parce qu’on sait que le fil en lin pourrit très très vite et qu’à l’époque, lorsqu'ils étaient 250 à bord, il y avait toujours de la main d’œuvre…mais là, on ne pourra pas se permettre. Cela ne veut pas dire que cela sera plus résistant mais cela veut dire que c’était plus rapide à réaliser. Cela résistera à la moisissure mais pas beaucoup aux frottements… Et par contre, on conserve les finitions traditionnelles à la main. Donc tous les œillets ont été fabriqués, cousus à la main, les ralingues, ce sont ces cordages qui font tout le tour des voiles, sont aussi cousus à la main pour conserver un maximum de savoir-faire traditionnels de l'époque.
Ces finitions ont été goudronnées pour les rendre plus résistantes.
C'est une entreprise du Nord de la France, LATIM (LA Toile Imperméable) à Houplines, qui a réalisé le tissu de lin, dans les grammages du 18e siècle.
2 000 mètres carrés de voiles
À partir de 2004, Anne Renault a réalisé les voiles en coton assemblées à la main, des trois chaloupes embarquées à bord de L'Hermione. Puis, à partir de 2009, elle s'est chargée des finitions des 17 pièces de voilure de cette dernière, soit une superficie totale de 2 000 m², de la plus petite voile de 40 m² à la plus grande de 270 m². Elle a cousu par exemple 270 œillets (ou œils-de-pie pour permettre le passage des filins) sur le grand hunier de 220 m² et 60 m de ralingues, les cordages autour. Pour elle, il n'y a pas de nostalgie...
moi cela ne m’intéresse pas, je ne veux pas vivre dans le passé, on est tellement bien là, mais l'intérêt est de croiser les savoir-faire anciens et actuels. Les équipes grandissent petit à petit, chacun prend sa place. La vie sur le chantier c'est parfois des partages avec toutes les équipes et, parfois, on ne se voit pas et on bosse tout seul dans son coin.
La transmission de son savoir-faire
Tous les étés, depuis 2004, Anne Renault a animé le chantier, faisant découvrir aux visiteurs son travail, paumelle en cuir dans le creux de sa main, avec une aiguille et du fil. Elle a accepté avec plaisir de travailler en public et de montrer son savoir-faire.
Certains volontaires viennent faire le hamac qui sera à bord, c’est une manière pour moi de leur passer un petit morceau de mon métier, déjà un avant-goût…
L'aventure de L'Hermione se poursuit pour elle par la navigation à son bord, en tant que maître-voilier. Elle pourra ainsi répondre aux questions qu'elle se pose depuis le début de cette aventure : Comment vont se comporter les voiles, comment va travailler le tissu, comment vont résister les coutures d'assemblage ?
Films
"Des métiers... une passion, portraits de la voilière, des gréeurs, et du sculpteur sur le chantier", 13 décembre 2011, 00:05:49.
"Anne Renault, maître voilier à bord de L'Hermione", 22 octobre 2014, Association Hermione La Fayette, reportage : Loïc Bailliard, 00:02:06
Remerciements à Anne Renault et à l'association Hermione-La Fayette.
Entretiens recueillis par Willy Paroche, association AREAS.
Article : Pascale Moisdon.