Les artisans de L'Hermione : les gréeurs mateloteu
Nicolas Forgeau, Jean-Michel Catineau et Nicolas Massé ont travaillé pour l'entreprise suédoise JB Rigger, qui a réalisé le gréement de L'Hermione. Ces gréeurs mateloteurs ont ainsi participé à la fabrication des 25 kilomètres de cordages.
Carnet du patrimoine
Publié le 6 juillet 2017
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Nicolas Forgeau parle du succès de l'atelier de matelotage à la Corderie royale. Il évoque le savoir-faire et sa transmission. Il rappelle le rôle joué par l'association the International Guild of Knot Tyers (la guilde internationale des noueurs). Lui-même fait partie de la section française, ouverte depuis 2002, qui regroupe des passionnés et les quelques professionnels qui en vivent. Tous les deux ans, l'assemblée générale de cette association se déroule à la Corderie royale.
Quand j’ai intégré le gréement, après toutes ces années passées à avoir vu grandir le bateau, j’étais super-content de pouvoir vraiment bosser dessus les mains dans le goudron, c’était un grand moment.
Une passion pour le matelotage
Animateur à la Corderie royale, Nicolas Forgeau s'est pris de passion pour les cordages et le matelotage, soit l'art de faire des nœuds marins.
En 2006, lorsque le musée a refait cette partie de l’exposition, l’idée est venue avec un collègue, passionné également de matelotage, de proposer d'animer un petit atelier permanent pour parler des nœuds, du savoir-faire qu’avaient les matelots à bord autrefois. Parce que ce n’est pas un métier de faire des nœuds, c’était une occupation qu’avaient les marins à bord pour s'occuper pendant leur temps libre. C'est un savoir-faire qui s'est transmis de matelot à matelot, de génération en génération. On est trois à avoir suivi l'ensemble du processus de fabrication du gréement de L'Hermione. C’est des trucs qu’on n'aurait pas pu apprendre s’ils ne nous l’avaient pas appris.
Dans les derniers mois du chantier, des volontaires se sont joints aussi à l'équipe des gréeurs.
Haubans, balancines, écoutes, amarres, estropes... plus de 24 kilomètres de cordages
Les cordages, arrivés sur le chantier en rouleaux, ont été fabriqués par la corderie hollandaise Langman. En France, les corderies en activité avec des machineries traditionnelles sont très rares et les fibres de chanvre cultivé ne sont pas assez longues pour garantir une bonne résistance aux cordes. Les seize kilomètres de gréement courant (pour manœuvrer les voiles) ont été ainsi réalisés en chanvre, cultivé aux Pays-Bas et filé en Belgique.
Parce que ce type de chanvre est devenu rare et donc coûteux, le gréement dormant [pour maintenir la mâture] de plus de huit kilomètres de long est en manille tiré des feuilles de bananiers cultivés aux Philippines. Par ailleurs, un compromis a dû être fait pour des questions de sécurité et 10 % des cordages sont en synthétique.
Les différents cordages fabriqués pour L'Hermione sont nombreux, chacun ayant un nom et une utilisation précise : haubans, galhaubans, étais, drisses, balancines, bras, écoutes, cargues, amarres, câbles d'ancre, estropes des poulies, filets de protection… Leur diamètre est différent selon leur fonction ; les plus gros sont les bas-étais de 108 mm, les haubans du mât de misaine font 62 mm contre 54 mm pour ceux du mât d'artimon, et d'autres cordages font seulement 10 mm.
Gréement et matelotage
Le travail des gréeurs a été d'étirer les cordages de façon à les allonger et les empêcher de se déformer par la suite, de les découper à la bonne longueur, de les enduire de goudron et, dans certains cas, de les fourrer c'est-à-dire les entourer d'un fil de chanvre goudronné servant de protection à la partie centrale.
Les opérations de matelotage proprement dites concernent ensuite les épissures (qui permettent de former un œil à l'extrémité d'un cordage), les estropes de poulies. Deux grands types de poulies ont été réalisés : les moques qui n'ont pas de réa, dans lesquelles le cordage passe simplement, servent à tendre les haubans par exemple, et les poulies à réa – certaines à plusieurs – qui forment les palans.
Les estropes de poulies auraient pu être faites en série, mais chaque poulie est différente et par conséquent chaque longueur d'estrope est différente ; certaines ont un fourrage, d'autres un croc au bout ou un anneau… À la suite des essais en mer, le gréement de L'Hermione s'avère tout à fait performant. Il n'y a pratiquement pas de reprises à faire, mis à part le déplacement de quelques poulies en raison de frottements du cordage.
Transmission du savoir-faire
Learning by doing [apprendre en faisant] est le maître mot de l'équipe des gréeurs suédois qui ont le goût de la transmission de leur savoir-faire. Le gréement s'est fait en public, et toute l'équipe a joué le jeu des questions-réponses avec les visiteurs. Des volontaires ont été initiés à la confection des épissures et des estropes. Les essais en mer ont été l'occasion de leur apprendre aussi le matelotage décoratif.
Film "Mateloteurs sur L'Hermione"
Mateloteurs sur L'Hermione, 29 octobre 2013, production Corderie Royale, réalisation Alice Pieuchot 00:02:29.
Remerciements à Nicolas Forgeau, ainsi qu'à l'Association Hermione-La Fayette et la Corderie royale.
Entretiens recueillis par Willy Paroche, association AREAS.
Article : Pascale Moisdon.