Dates et inscriptions dans les rues de Marans
D'une rive à l'autre de la Sèvre Niortaise, d'une rue à l'autre, l'inventaire du patrimoine met en évidence les caractéristiques architecturales des nombreuses maisons qui composent le centre-ville de Marans. Plusieurs d'entre elles présentent des détails particulièrement intéressants, comme des dates et des inscriptions.
Carnet du patrimoine
Publié le 9 juin 2017
# Charente-Maritime, Marans
# Opération d'inventaire : La vallée de la Sèvre Niortaise dans le Marais poitevin
# Dessus-de-baie
# Temps modernes et époque contemporaine
Des indices précieux pour dater les bâtiments
Les dates inscrites sur les bâtiments sont bien souvent une indication précise (et précieuse) de leur date de construction ou de reconstruction, qu'elle soit totale ou partielle. C'est notamment le cas pour les maisons antérieures à la Révolution, époque pour laquelle on ne dispose pas de cadastre.
L'une des dates les plus anciennes relevées sur une maison, 1669, est inscrite dans un écusson porté sur une façade au 19 rue Carnot. Cette façade a toutefois été largement remaniée au cours des dernières décennies, et il semble que cet écusson ait été récupéré en un lieu non identifié, puis remployé ici.
Deux autres dates témoignent du développement urbain de Marans à la fin du 18e siècle, époque florissante pour l'activité portuaire de la cité. L'une apparaît sur une maison au 20 rue du Bateau. Inscrite sur la clé de linteau au-dessus de la porte, il s'agit d'une date précise : 23 juin 1786. Juste au-dessous, la grille en ferronnerie qui orne l'imposte de la porte présente des initiales entrelacées. Au 4 rue Ernest Bonneau, la date 1791 est inscrite sur un élément de décor sculpté, en forme de faux cuir découpé, au sommet du mur pignon de la façade.
De la même façon, les quais de Marans, entre le pont de pierre et le barrage éclusé du Carreau d'Or, présentent plusieurs dates inscrites qui témoignent des différentes étapes de construction et d'alignement des quais dans la première moitié du 19e siècle. La plus ancienne, 1807, figure sur la rive droite, devant le 22 quai du Maréchal Foch, juste à la limite de la portion de quai alors édifiée (une cassure est observée à cet endroit dans l'alignement du quai). Cette date rappelle la première campagne de travaux engagées sous le premier Empire.
Juste en face, sur le côté amont de la cale aux chevaux, se trouve la date 1825. Les années 1830-1840 ont vu la construction d'une grande partie des quais au pied du pont de pierre et de part et d'autre du barrage éclusé du Carreau d'Or. C'est ce que rappellent la date 1837 inscrite sur une cale de la rive gauche au pied du pont de pierre, et la date 1845 portée sur le côté aval de la cale aux chevaux. En face, la date 1848 est visible au niveau de la cassure du quai devant le 22 quai du Maréchal Foch, juste à côté de la date 1807.
Des traces laissées dans la pierre par des habitants de Marans
En plus de ces dates ponctuelles, des textes sont inscrits sur certaines maisons, le plus souvent reconstruites en remployant les pierres inscrites. Cinq inscriptions de ce type ont été relevées dans les rues de Marans.
La plus ancienne remonte à 1590. Très dégradée par le temps et les intempéries, elle se trouve sur un cartouche inséré dans le fronton d'une porte, dans une ruelle qui relie le quai Clemenceau aux halles. Sous la date figure l'identité probable du commanditaire de la maison (bien que reconstruite par la suite) et une devise : 1590 PHELIPE D / AVIAV E / SPOIR EN D (1590 Pheilpe Daviau Espoir en D[ieu]).
Une inscription réalisée un an plus tard, en 1591, figure sur la façade (reconstruite par la suite) du 8 rue des Fours. La date 1591 est inscrite au-dessus de l'inscription, dans un cartouche sculpté. Déjà remarquée en 1883 dans le Recueil des actes de la Commission des arts et monuments de la Charente-Inférieure, cette inscription est rédigée en vers, avec les mots attachés les uns aux autres. Elle devait constituer l'enseigne d'un marchand. IM 1591 / TOVTAVENDRERIE / NADOVNER ARGE / NTCONTANTRIENAPRESTERDEPEV / DOVNER JE ME CONTENTE CARA / PRESTERJEPERESMAVENTEAEIN / QUETOUSSONSDACCORTCESTQ / VECEANSCRITESTMORT (Tout à vendre, rien à donner ; argent comptant, rien à prêter ; de peu donner, je me contente ; car à prêter, je perds ma vente ; afin que tous soyons d'accord ; c'est que céans, crédit est mort).
En face de cette maison, une pierre inscrite est visible dans le mur d'une dépendance du 4 rue des Fours, en hauteur. L'inscription, très dégradée, semble indiquer que la pierre a été placée ici par Jean Gaudin le 30 novembre 1796.
Une inscription, datée de 1620, a été remployée sur la façade d'une maison au 3 rue Madame Lenfant. Son contenu, teinté de spiritualité, est peut-être lié à la présence d'une importante communauté protestante à Marans au 17e siècle. Il est en tout cas inspiré du premier verset du psaume 127 de la Bible. ON A BEAU LA MAISON / BASTIR SY LE SEIGNEUR / NY MET LA MAIN CELA / NEST QUE BASTIR EN VAIN / R DEPECHON C CHSTAIN / 1620 (On a beau la maison bâtir, si le seigneur n'y met la main, cela n'est que bâtir en vain. R. Depechon, sacristain. 1620). La même inscription, datée de 1600, se retrouve sur une demeure de protestants, le logis des Villardières, à Xanton-Chassenon, en Vendée.
Enfin, une pierre inscrite a été remployée dans la façade d'une maison au 15 rue de la Maréchaussée. Elle provient probablement d'une autre maison qui se trouvait entre celle-ci et le quai et qui a été détruite lors de l'alignement et de la construction du quai au début du 19e siècle. L'inscription se rapporte au propriétaire de la maison disparue, Charles Nicolas Veyret (1762-1830), négociant, marié à Suzanne Geneviève Garos. [L']AN DE GRACE 1792 [L]A TROISIEME ANNEE [DE] LA LIBERTE, CETTE [PI]ERRE A ETE POSEE P[AR] [SR] CHARLES NICOLAS [V]ERET NEG[OCIAN]T ET CAPITAI[NE] [C]OMMANDANT LA SECO[NDE] COMPANIE DE LA GARD[E] NATIONALLE DE MARA[NS], [E]T MADEMOISELLE SUSA[NE] [G]ENEVIERE GAROS SON [EPOUSE].
Auteur : Yannis Suire, février 2017. Photographies, sauf mention contraire : Région Nouvelle-Aquitaine, inventaire du patrimoine culturel / Yannis Suire.
Sources
- Bachelier, Viviane. Marans et ses rues à travers les siècles, tome 1 : quartier du port, quartier des halles, quartier de la maréchaussée. [Marans] : les Amis du Vieux Marans, 2010, p. 58.
- Bonnin, Jean-Claude. Inscriptions protestantes de La Rochelle et du pays rochelais, 2003.
- Fellmann, abbé Augustin. "Epigraphie". Recueil de la commission des arts et monuments historiques de la Charente-Inférieure, t. 6, 1883, p. 161-162 et 206.