Les carrelets sur la rive saintongeaise de l'estuaire de la Gironde
Très présents tout le long de l'estuaire de la Gironde, plus de 230 carrelets jalonnent la rive saintongeaise, de Saint-Sorlin-de-Cônac à Saint-Palais-sur-Mer. Isolées ou regroupées, ces frêles installations de pêche sont devenues des éléments marquants du paysage littoral charentais.
Carnet du patrimoine
Publié le 20 juillet 2016
# Charente-Maritime
# Opération d'inventaire : L'estuaire de la Gironde
# Patrimoine maritime et fluvial
# Du 18e au 20e siècle
Plus de 230 carrelets, concentrés entre Barzan et Saint-Palais-sur-Mer
Sur la rive saintongeaise de l'estuaire, la grande majorité des carrelets se concentre entre Barzan et Saint-Palais-sur-Mer. Ils y sont nombreux, alignés le long des falaises encore vives auxquelles sont fixées les installations. Au sud de Barzan, les carrelets sont quasiment inexistants jusqu'à Saint-Thomas-de-Cônac, sans doute en raison de la plus grande difficulté d'accès aux bords d'estuaire à travers la zone marécageuse qui les longe. Cet espace côtier se réduisant, on trouve davantage de carrelets à Saint-Thomas-de-Cônac et à Saint-Sorlin-de-Cônac, entre la Grange d'Allouet et le port de Vitrezay.
Le carrelet
Du simple filet de pêche carré maintenu par deux arceaux, le carrelet est devenu au fil du temps une construction pérenne, dont l'architecture diffère selon le département d'origine. Sur les rives de l'estuaire de la Gironde, les carrelets construits en bois sont constitués d'un cabanon aménagé, installé sur une plate-forme reliée à la rive par une estacade - ponton sur pilotis - plus ou moins longue.
Un filet de pêche carré à petites mailles, tendu sur un cadre en métal de quatre mètres sur quatre, est fixé à l'avant du cabanon. À marée haute, ce filet est alternativement descendu et relevé à l'aide d'un treuil et d'un contre-poids, afin de capturer crevettes (d'août à octobre) et petits poissons (sardines ou "gattes", petits maigres ou "maigrettes", etc).
La construction d'un carrelet répond à une réglementation (forme, dimensions, couleurs, matériaux) destinée à homogénéiser les pratiques. Propriété privée, le carrelet est souvent un bien familial qui se transmet de génération en génération. Chaque carrelet fait toutefois l'objet d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine maritime ou fluvial, délivrée par l’État pour cinq ans renouvelables.
Un outil de pêche ancien, des constructions récentes
Emblématiques de l'estuaire de la Gironde, les carrelets ne semblent pourtant pas constituer un patrimoine très ancien sur sa rive saintongeaise.
Une exception toutefois à Saint-Palais-sur-Mer : là, la pratique de la pêche à la crevette à l'aide d'un carrelet est décrite dès 1769 par Henri-Louis Duhamel du Monceau dans son Traité général des pesches.
Une illustration y montre à quoi ressemblaient ces premiers carrelets, exclusivement maniés par les femmes et les filles. Encore dénué d'un abri couvert, le carrelet se limite alors à une petite plateforme en bois, équipée d'un garde-corps. Supportée par quatre pieux, elle est reliée à la rive non pas par un estacade mais par deux rangs de perches, l'une pour poser et avancer les pieds, l'autre pour se tenir par les mains. D'autres perches du même type relient les carrelets entre eux. Depuis le carrelet, la pêcheuse fait descendre plusieurs petits filets tenus par un cadre de bois, avec un appât.
Plus au sud, les sources manquent au sujet de la présence ou non de carrelets. Aucun ne figure sur les plans cadastraux des années 1830. Quelques carrelets apparaissent sur les cartes postales du début du 20e siècle, notamment autour de Royan : ces premiers carrelets se limitent alors à un filet suspendu à un bras, sans aucun abri en bois. Déjà, ce type d'installation est soumise à autorisation, comme on le voit à Talmont en 1906 et à Meschers en 1916-1917.
… qui se développent pendant les années 1920-1930...
Sur toute la côte saintongeaise de l'estuaire, l'installation pérenne et plus importante de carrelets ne commence véritablement pendant l'Entre-deux-guerres. À cette époque, parmi la population aisée et/ou d'arrière-pays, se développe la mode de disposer de cabanons en bord de mer, pour bénéficier d'un site agréable et pratiquer une pêche davantage de loisir que lucrative. Les falaises vives que l'on trouve au nord de Barzan se prêtent particulièrement bien au développement de ce type de pêcheries : ici, la marée haute vient jusqu'au pied de ces falaises et l'on n'a donc pas besoin d'établir de trop longues passerelles entre la côte et l'abri, comme c'est le cas plus au sud. Avant 1945, ce développement reste toutefois très circonscrit et limité à quelques installations provisoires. Ainsi, aucun carrelet n'apparaît encore sur les vues aériennes des années 1930.
… et se multiplient dès les années 1950, surtout autour de Royan
Quelques-uns apparaissent aussitôt après la Libération, mais essentiellement autour de Royan. Au sud, à Saint-Sorlin-de-Cônac par exemple, les vues aériennes montrent que les premiers carrelets ne font leur apparition que dans les années 1960-1970. Plus au nord, à partir de Barzan et de part et d'autre de Royan, les carrelets se multiplient dès les années 1950. Cette multiplication parfois anarchique interroge rapidement les autorités qui tentent, souvent en vain, de la contenir.
Emportés par la tempête de 1999, beaucoup de carrelets ont été reconstruits par la suite, malgré une limitation de leur nombre et une réglementation plus stricte de leur architecture.
Les carrelets, extrait de l'émission Cap Sud Ouest "Estuaire Charente-Maritime" diffusée en 2014
Les carrelets, extrait de l'émission Des Racines et Des Ailes "Des Charentes au Poitou" diffusée à en 2013
Références documentaires
- Vues aériennes depuis 1920 sur le site internet de l'IGN www.geoportail.gouv.fr.
- Duhamel du Monceau, Henri-Louis. Traité général des pesches, et histoire des poissons qu'elle fournissent. Paris : De la Marre, 1769.
- Pêches traditionnelles des rives saintongeaises de la Gironde. Société des amis de Talmont, éditions Confluences, 1999, 95 p.