Dès 1850, Martin Alcuet, ancien maire de la commune et propriétaire de Carcasset, souhaite acquérir un terrain dans le nouveau cimetière afin d’y bâtir un caveau pour la sépulture de sa famille. Ce monument, un obélisque, y est encore conservé ; d’autres sépultures de ces années 1850-1860 ont également été recensées.
C’est un peu plus tard en 1876 qu’un dépositoire est projeté, "pour y déposer provisoirement les cercueils pour des familles qui n’ayant pas encore de caveau désirent en faire construire". Cette installation du 19e siècle, rarement conservée dans les cimetières, est ornée d’une couronne d’immortelles et d’une frise de vigne.
Dès 1874, le cimetière est jugé trop petit. Son agrandissement, au sud, à l’est et à l’ouest, s’accompagne d’un projet de clôture et de portail ; en 1879, s’y ajoute "un logement pour le fossoyeur qui en même temps servirait de concierge au cimetière", tandis que le maire doit hâter l’acquisition des terrains nécessaires.
Puis en 1880, les plans et devis dressés par Jean-Edouard Bonnore, architecte à Lesparre, sont adoptés : le cimetière est inauguré le 2 janvier 1881 comme l’atteste l’inscription sculptée au revers du portail. De part et d’autre de l’arc principal, deux portes piétonnières sont ménagées. L’ensemble est orné de motifs funéraires traditionnels : flambeaux, couronnes mortuaires, croix, branches de laurier, omégas. La place dégagée au-devant et plantée d’arbres est équipée d’une salle d’attente et du logement du concierge.
A cette époque, on procède à la translation des cendres du curé Pézet, "le caveau destiné à recevoir les corps des prêtres décédés étant terminé". La dalle funéraire du monument porte encore son épitaphe.
A la suite de la souscription lancée en 1918, le monument aux morts est réalisé par le sculpteur Gaston Leroux, directeur de l’École des Beaux Arts de Bordeaux, et installé à la fin de l’année 1921. La figure féminine en marbre de Carrare qui dépose au pied de la croix le casque et l’épée symbolise à la fois la douleur et la paix.
Autre monument commémoratif, cette plaque installée au revers du portail en 1948 évoquant la catastrophe du Prosper Corue (1), chalutier en provenance de Terre Neuve, ramenant le corps de son capitaine décédé pour être enterré à Pauillac. La chaloupe permettant de regagner le bateau après l’enterrement s’enlise, chavire et 14 hommes périssent dans l’estuaire dans la soirée du 31 octobre 1881 : 6 d’entre eux furent inhumés dans le cimetière.
Le cimetière de Saint-Estèphe conserve des exemples de sépultures aux formes très variées, allant de la simple croix en fonte ou en pierre au sarcophage, à l’obélisque ou à la chapelle funéraire. Notons également les clôtures métalliques entourant les tombes ou bien le mobilier funéraire (porte-couronnes en verre et zinc, prie-Dieu en zinc, vitraux, autels…) dont subsistent quelques vestiges. Car, comme bon nombre de cimetières, celui de Saint-Estèphe est confronté à l’abandon des concessions et au manque d’entretien des sépultures (2).
C’est une part de l’histoire de la commune qui est ainsi vouée à l’oubli.
Claire STEIMER, conservateur au service Patrimoine et Inventaire, Région Nouvelle-Aquitaine