Tournures ou Finesses de Croutelle: boîtes; étuis; tabatières; quenouilles; fuseaux; chandeliers; instruments de musique

France > Nouvelle-Aquitaine > Vienne > Croutelle

Il est vraisemblable que des habitants utilisaient depuis fort lontemps le buis mis à leur disposition dans les bois environnant Croutelle pour confectionner des objets. Cependant il n'est vraiment fait référence à ce travail de tourneurs qu'à partir du 15e siècle. Il semble que les artisans de Croutelle se rattachent à un mouvement favorable aux idées du protestantisme, sous l'influence des seigneurs de Couhé-Vérac, qui touche la vallée au sud de Poitiers. A la fin du 16e siècle, il ne reste plus que trois tourneurs à Croutelle, d'autres ayant émigré à Poitiers, en Normandie ou ailleurs et il semble que cette activité ait totalement cessé dans la seconde moitié du 17e siècle au moment de la Révocation de l'Edit de Nantes. Plusieurs noms d'artisans sont cités : Vincent Pya, marchand tourneur à Croutelle, mentionné le 3 février 1560 ; André Pineau, marchand tourneur à Croutelle engage deux apprentis, Jean Branthome et Nicolas Joubert, le 26 juin 1582 ; Jeanne Messay, veuve de Blaise Blin, qui vendait dans une boutique à Poitiers des quenouilles et des batons de Croutelle, citée le 22 juillet 1624 ; M. Pierre, peut-être seulement marchand, fournissait au chapitre d'Angoulême quatre petits chandeliers en 1655. Cette production était connue dans toute l'Europe. Au 16e siècle, beaucoup d'auteurs font l'éloge de l'habileté de ces artisans : Môts dorés de Caton, par Pierre Grognet, 1534 ; Le guide des chemins de France, 1552 ; Histoire ecclésiastique, par Théodopre de Bèze, 1561 ; Contes d'Eutrapel, par Noël du Fail, 1585 ; Livre premier des Sérées de Guillaume Bouchet, 1585. L'inventaire des biens du prince de Condé, en 1588, mentionne un chandelier de salle à quatre branches façon de Croutelle, fait au tour et figuré de plusieurs couleurs ; et celui de Catherine de Médicis, en 1589, fait état d'un chandelier de Croutelle, d'un petit chandelier d'ivoire façon Croutelle, d'une quenouille de Croutelle et de six chandeliers façon Croutelle. En Poitou, la danse et la musique tiennent une place particulière depuis le Moyen Age et les hautbois et cornemuses fabriquées à Croutelle ont une grande renommée. Eutrapel parle de la flute de Croutelle, appelée "coutre", large par le milieu et à deux accords. Peu de ces objets sont connus. Le musée national de la Renaissance conserve trois quenouilles, provenant de la collection d'Alexandre du Sommerard, archéologue français et conseiller à la Cour des comptes. Celui-ci créa un "musée d'antiquités nationales" dans l'hôtel de Cluny (rue des Mathurins à Paris), dont les collections furent rachetées par l'État français en 1843, les objets postérieurs au Moyen Âge étant ensuite déposés au musée de la Renaissance à Ecouen. Selon Berthelé, une quenouille de mariage et six fuseaux de la collection Hugues Imbert, de Thouars, représentés sur une lithographie, proviendraient également de Croutelle alors qu'Imbert, vingt ans plus tôt proposait une provenance orientale. D'autres objets, conservés dans diverses collections publiques ou privées, sont présentés comme "tournures de Croutelle", parfois à tort, en particulier lorsqu'il s'agit d'objets du 19e siècle. Aucun instrument de musique n'est connu comme provenant de Croutelle, cependant beaucoup de textes mentionnent les "cornemuses du Poitou" et de nombreux musiciens, comme ceux de la Compagnie Amalthée, s'attachent à recréer et faire revivre ces instruments. Ces objets en bois, plus particulièrement en buis, ou parfois en ivoire, étaient travaillés avec une très grande minutie d'où l'appellation "finesses de Croutelle". Il s'agissait de quenouilles, fuseaux, quilles, chandeliers, bouteilles à poudres, étuis, batons, instruments de musiques (flutes, flageoles, sifflets, cornets à bouquin, cornemuses), miniatures et autres objets. La particularité de ces objets est leur décor scuplté, parfois rehaussé de peinture ou de dorure. Trois quenouilles sont conservées au musée national de la Renaissance, à Ecouen. Elles sont en buis tourné et finement sculptées. L'une d'elles mesure 80 cm de longueur, les deux autres 87 cm.

Localiser ce document

Chargement des enrichissements...