Château d'Issan

France > Nouvelle-Aquitaine > Margaux-Cantenac

Les origines de la seigneurie d’Issan restent floues : l’abbé Baurein tente à la fin du 18e siècle de les restituer. Selon lui, la seigneurie d’Issan est issue du démantèlement de la châtellenie de Blanquefort à la fin du 16e ou au début du 17e siècle par Jacques Durfort de Duras. Il énumère les seigneuries qui en relevaient, notamment la maison noble de Cantenac, qui est érigée en "forteresse" par son seigneur avec l’autorisation du roi d’Angleterre, Édouard Ier, en 1283-1284. Au 15e siècle, on trouve la mention de la Mothe de Cantenac, puis au 16e siècle du château de Cantenac. La seigneurie de Théobon, dont le "château" est mentionné dans un titre du 30 novembre 1561, est associée en 1609 avec les maisons nobles de la Bastide et de la Ville (à Labarde). Toujours selon Baurein, "ces seigneuries ne tardèrent pas à passer au pouvoir de M. d’Essenault, qui épousa Marguerite de Lalanne et qui ayant fait construire le château d’Issan en Cantenac, fit disparaître celui de Théobon, qui fût sans doute démoli".

De ce témoignage, il faut retenir le rôle de Pierre d'Essenault, mais bien distinguer et dissocier l'histoire d'Issan de celle de Théobon (le château mentionné par Baurein est sans doute celui de Théobon en Agenais).

La famille d'Essenault est originaire du Périgord : dans la première moitié du 16e siècle, Pierre Ier d'Essenault est lieutenant général au présidial de Limoges et avocat au parlement de Bordeaux. De son mariage avec Françoise Benoist naît Jean, qui obtient la charge de conseiller au parlement de Bordeaux et fait un beau mariage en épousant le 20 août 1578 Marie de Nesmond, fille du président au parlement François de Nesmond. Pour affermir son assise sociale à Bordeaux, il ne manque à Jean d’Essenault qu’à détenir des seigneuries importantes dans les environs. Profitant des besoins récurrents en liquidités de Jacques de Durfort, baron de Duras, il acquiert de lui la seigneurie de Landerouhat en Bazadais en 1596 et, le 31 septembre 1604, la moitié de la baronnie d’Issan pour la somme considérable de 90 000 livres. La transaction a été faite, en réalité, à Jean d’Essenault et à son beau-frère, Jean de Thibault, chacun pour une moitié de la baronnie d’Issan. Après la mort de Jean survenue en 1605, son fils aîné Pierre II hérite de sa charge de conseiller au parlement et de la moitié de la seigneurie d’Issan. Dans un premier temps, il semble se désintéresser de la terre d’Issan et s’en dessaisit presque aussitôt en la vendant à sa mère, sans doute afin de disposer de liquidités. Ainsi, en 1606, et jusqu’en 1610, c’est Marie de Nesmond qui est détentrice de la moitié de la seigneurie d’Issan. La situation change radicalement à partir du 4 février 1610 : Pierre II d’Essenault contracte un excellent mariage avec Marguerite de Lalanne, fille de Lancelot de Lalanne, chevalier, conseiller du roi en son conseil d’État et président au parlement de Bordeaux, et de Finette de Pontac. A cette occasion, Marie de Nesmond donne à son fils et à son épouse la moitié de la seigneurie d’Issan, dont la juridiction s’étend sur les paroisses de La Barde, Cantenac et Margaux, et tout ce qu’elle peut posséder sur la baronnie de Gageac (auj. Gageac-et-Rouillac, Dordogne), ainsi qu’une maison meublée sise rue du Parlement à Bordeaux – mitoyenne d’une autre maison lui appartenant et mise en location, et derrière laquelle se trouve une autre petite maison, dite Demons, lui appartenant également. Le 3 juin 1610, Pierre II achète à Jean de Thibault, son oncle, l'autre moitié de la baronnie d'Issan.

En 1611, il engage des travaux pour rebâtir l'hôtel de la rue du Parlement à Bordeaux, faisant appel à deux maîtres-maçons, Roc Jouhet et Pierre Roche. Quant au château d'Issan, il est sans doute construit entre 1621 et 1626. Un inventaire y est dressé le 4 janvier 1627, après la mort de Pierre II en décembre 1626. Les travaux ont pu être réalisés par le maître-maçon Gilles Favereau qui intervient peu avant pour le chantier voisin au château Lamothe-Margaux. Le savant plan d'ensemble du domaine, les références à de grands édifices parisiens ou à des traités d'architecture, les comparaisons avec des constructions bordelaises, tendraient à attribuer la conception et la construction du château à l'architecte Henri Roche. Par ailleurs, le château d'Issan prend en partie modèle sur le prestigieux château de Cadillac construit pour le duc d'Epernon.

Le domaine et le château d'Issan sont donc des constructions du début du 17e siècle, homogènes, et aucun vestige antérieur (motte castrale, château-fort ruiné, logis seigneurial ou bâtiment agricole) n'a pu être mis en évidence (ni in situ, ni dans les archives). Si des bâtiments existaient avant les travaux, Pierre II d’Essenault, Marguerite de Lalanne et leur architecte ont préféré faire place nette pour créer a novo.

Après le décès de Pierre II, son épouse, Marguerite de Lalanne, parachève la constitution du domaine. A partir de 1630, elle conclut de nombreux achats de terres ; elle fait construire un vaste mur d'enclos dont la construction est manifestement bien avancée à la fin de l’année 1644. La dame de Lalanne a alors déjà engagé la somme de 6 000 l.t. pour enceindre son bien de muraille mais les travaux sont interrompus par une querelle avec le curé de Cantenac. Le conflit semble être résolu en avril 1645 et le mur achevé à cette date. Elle meurt sans doute en 1652.

Leur fils aîné François Sarran d’Essenault, marié à Jacquette de Lauretan, poursuit la politique d’achats de ses parents, tout en percevant les revenus liés à la baronnie d’Issan. En 1703, François Sarran II, fils du précédent, acquiert d’Henri François de Foix de Candale, duc et pair de France, la terre et baronnie de Castelnau pour la belle somme de 110 000 livres. Il devient ainsi marquis de Castelnau, baron d’Issan et Labarde en Médoc, de Gageac en Périgord et autres lieux. Marié à Pétronille de Largeteau, il décède sans doute en 1714. Sa mort sans descendance et la difficile succession qui en découle entraînent la partition du domaine. Il lègue à son épouse Pétronille de Largeteau un tiers de la terre et baronnie d’Issan, tandis que les deux autres tiers reviennent à sa sœur Marie d’Essenault, mariée depuis 1674 à Joseph Henri de Foix Candale. En 1719, Léon de Foix Candale revendique, en tant que donataire de sa mère Marie d’Essenault, les deux tiers de la baronnie. Pétronille de Largeteau, veuve et sans descendance, rédige son testament le 14 septembre 1722 et transmet le tiers d’Issan à Léonard III d’Essenault, issu de la branche collatérale des barons de Cadillac. Le 20 juin 1723, un inventaire des titres, papiers, meubles et meublants du château, est réalisé à la demande de Magdelaine d’Alesmes, mère et tutrice de Léonard III d’Essenault, désigné héritier universel de Pétronille. Ces démarches aboutissent à la réalisation d'un plan en 1728 pour un partage effectif des bâtiments et du domaine, entériné par un acte du 28 mars 1729. Cent ans après sa construction, l’édifice est dans son état quasiment d’origine, avec notamment "le grand degré", la "chambre haute qui est dans le pavillon qui est sur le grand degré", la "galerie qui a vue sur le grand parterre et sur le bois".

Léonard III d’Essenault décède sans descendance directe ; le tiers du château d’Issan est alors dévolu à Pétronille d’Essenault de Saint-Romain, mariée à Joseph de Castelnau, conseiller au parlement de Bordeaux. Dès lors, le domaine est divisé entre deux lignages : les Castelnau d’Essenault et les Foix Candale. Les tractations se poursuivent au cours du 18e siècle pour administrer cette co-seigneurie et organiser la cohabitation. Depuis le partage de 1729, le château a subi quelques aménagements afin de rendre indépendante chacune des deux parties et de créer des pièces supplémentaires, l’opération la plus notable étant le recoupement de la galerie par une cloison. Mais c’est l’aile ouest qui paraît avoir subi le plus de modifications.

À la Révolution, Léonard Antoine de Castelnau d’Essenault et François Henri de Foix Candale émigrent et voient leurs biens séquestrés. Les deux familles parviennent à récupérer leurs biens à l’issue de ces années troublées. Toutefois, les successions qui interviennent n’améliorent pas leur situation financière. Léonard Antoine de Castelnau d’Essenault meurt à Paris le 4 août 1821, tandis que François Henry de Foix Candale décède le 6 février 1822 en son château de Candalle à Doazit. L’un et l’autre ayant contracté de nombreuses dettes, leurs héritiers se voient contraints de vendre une partie de leurs biens.

Quelques années après la Révolution, le domaine d’Issan est réuni en deux temps par Jean-Baptiste Joseph Marie Justin Duluc (1788-1863). Le 24 juin 1824, il achète tout d’abord la part des sœurs de Foix Candale, soit un peu plus de 45 ha dont 22 ha de vignes pour la somme de 113 000 francs. Alors que l’autre partie du château demeure entre les mains de la famille Castelnau d’Essenault, Justin Duluc engage sans attendre des travaux confiés aux architectes Hyacinthe Laclotte (1766-1828) et Raymond Rieutord. Il s’agit de construire un bâtiment de service dans la cour sud et d’aménager une clôture avec claire-voie et portails d’entrée. Ces projets sont sans doute ajournés, tandis que l’année suivante Justin Duluc complète son acquisition avec celle des biens des Castelnau d’Essenault (74 ha 59 a et 69 ca), lors d’une vente judiciaire le 2 juillet 1825, pour la somme de 260 000 francs. En 1835, le "château de Candalle appartenant à Mr Duluc" figure dans l’Album vignicole publié par Gustave de Galard, faisant ainsi partie des plus belles propriétés du Médoc. Des modifications sont apportées au château, notamment sur la façade sud où la porte d'accès est remaniée ; de cette époque date peut-être également l'arasement du pavillon à l'impériale qui coiffait la cage d'escalier. Entre 1826 et 1851, l’aile ouest du château a manifestement été amputée et reconstruite. Cette partie est-elle en mauvais état au point de devoir être remaniée ? Y a-t-il eu un incendie ? Ce qui est certain, c’est que cette reconstruction est réalisée dans le respect de l’architecture d’origine avec la volonté de conserver une unité stylistique. Justin Duluc remanie aussi très certainement le châtelet d’entrée : en 1851, "l’impériale" mentionnée dans le partage du début du 18e siècle a été remplacée par "une terrasse entourée d’un parapet en pierres qui en forme le couronnement". Enfin, on lui doit probablement le déplacement du portail monumental initialement situé au nord, en bordure du chemin menant au port, qui se trouve aujourd'hui à l'ouest, isolé dans les vignes.

Dès 1847, Justin Duluc, confronté à des difficultés financières, cherche à vendre la propriété. En 1851, il est contraint à la vente judiciaire : le château est saisi en juin-juillet 1850 et acheté par le négociant Charles Gaston Joachim Blanchy. Le domaine compte alors 96 hectares dont 40 hectares de vigne. Charles Blanchy, qui meurt le 28 mai 1853, n’en profite que peu de temps et n’assiste pas à la consécration d’Issan comme troisième cru dans le classement des vins de 1855. Ses héritiers font dresser un Atlas du domaine en 1856, puis se partagent ses biens lors d’une vente par licitation, le 26 mars 1859.

Quelques années plus tard, en 1866, le domaine est vendu à Gustave Emmanuel Roy (1823-1912). Négociant parisien, il est à la tête de l’entreprise familiale "Gustave Roy et Cie". C’est avec ses beaux-frères, Casimir et Georges Berger, qu’il prospecte dans le Médoc à la recherche d’une propriété viticole dans laquelle investir. Il a l’occasion de visiter Issan et en fait l’acquisition pour la somme de 490 000 francs. Casimir Berger achète quant à lui la propriété de Brane-Cantenac. En quelques années, Gustave Emmanuel Roy modernise Issan, le transformant en un domaine modèle. Il engage des travaux dans le château pour pouvoir y habiter. Il fait surtout intervenir l'architecte Ernest Minvielle pour construire de nouveaux bâtiments viticoles. La production de vin est alors florissante et le domaine se compose de 96 ha dont 42 en vignes.

Dans un contexte d’effondrement des revenus des domaines viticoles, Gustave Roy crée en 1906 la Société viticole du château d’Issan, à laquelle il associe son fils Ferdinand. Il décède le 20 décembre 1912. En 1920, le domaine est acquis par la Société Anonyme Immobilière des Grands Crus Classés de France, puis le 1er avril 1925, la Société civile agricole du Château d’Issan est constituée par Émile Grange, ingénieur agronome, et sa fille Anne Marie. En juillet 1945, la famille Grange cède le domaine à Emmanuel Cruse dont les héritiers sont encore propriétaires de nos jours.

Le château d'Issan a fait l'objet d'une étude monographique publiée en 2019 (voir bibliographie), dont les éléments ci-dessus sont issus. L'histoire et l'analyse du château y sont développées. Le château d'Issan est un parfait exemple d'une "maison aux champs" commandant un domaine viticole, bâtie au début du 17e siècle pour un conseiller au parlement de Bordeaux.

Périodes

Principale : 1er quart 17e siècle

Secondaire : 2e quart 17e siècle

Secondaire : 1ère moitié 19e siècle

Dates

1644, daté par source

Auteurs Auteur : Laclotte Hyacinthe, architecte (attribution par source)
Auteur : Rieutord Raymond, architecte (attribution par source)
Auteur : Favereau Gilles ou Gilbert, maître maçon (attribution par travaux historiques (incertitude))
Auteur : Roche Henri, architecte (attribution par travaux historiques (incertitude))

Le château est situé au nord du bourg de Cantenac et à l’est du hameau d’Issan sur les bords de l’estuaire de la Gironde. Le domaine est encore délimité en partie par un mur de clôture. A l'est se trouvent le port d'Issan et un moulin à vent, à l’angle nord-ouest un pavillon de jardin, et à l'ouest et au sud deux portails monumentaux. L’ensemble est régi selon des axes nord/sud et est/ouest matérialisés par des allées qui convergent vers la plate-forme entourée de douves sur laquelle est construit le château. L’allée sud, longue de 800 m et bordée d'arbres, marque également la séparation entre les terrains de grave plantés en vigne à l’ouest et les prés, palus, terres basses rejoignant l’estuaire à l’est.

Les portails

-le portail de la Ménagerie est formé d’un haut mur rectangulaire couronné d’une corniche moulurée dans lequel est percée une grande porte cochère en plein-cintre. Des pilastres ornés de tables rectangulaires en pointe de diamant encadrent la porte. Ils soutiennent un fronton cintré brisé, interrompu par un édicule central à table en pointe de diamant, à ailerons à volutes et fronton. De part et d'autre du fronton, deux volutes sont placées en amortissement.

-le portail ouest (portail nord déplacé) est isolé dans les vignes. Il est également formé d'un haut mur rectangulaire couronné d’une corniche moulurée dans lequel est percée une grande porte cochère en plein-cintre encadrée de pilastres avec tables en pointe de diamant et surmontée d'un fronton triangulaire brisé, inscrit cette fois dans le mur. Celui-ci est couronné d'une corniche moulurée continue qui porte plusieurs motifs en amortissement : de petites volutes sur les côtés et trois petits édicules à ailerons et frontons qui évoquent des merlons, dont celui du milieu, plus grand que les deux autres, présente des armoiries sculptées.

Le pavillon de jardin

Situé à l’extrémité nord-ouest et compris dans le mur de clôture, il est construit en pierre de taille et réduit aujourd'hui à l’état de vestiges (arasé à mi-hauteur et très dégradé). Il possède encore la partie basse de deux grandes fenêtres, qui ouvraient ses faces nord et est. Celles-ci présentent un chambranle lisse et un appui saillant, sous lequel prennent place deux consoles pendantes et une table, rectangulaire et lisse, meublant la surface de l’allège entre les deux consoles. De petites meurtrières pour armes à feu légères, percées de chaque côté des fenêtres et en flanquement des murs de clôture, indiquent la fonction également défensive de cet abri d’agrément. Le pavillon était couvert à l'origine d'un toit à l'impériale. Il faisait partie du vaste parc qui entourait le château.

Les dépendances

-La Ménagerie.

-Les écuries : construites au sud-ouest du château, les écuries sont composées de 9 travées et d'un niveau de comble servant probablement de fenil. La travée centrale est percée d´une vaste porte en plein-cintre. le bâtiment est construit en moellons avec les encadrements des baies, les chaînes d´angles en pierre de taille. Le toit à longs pans et croupes est couvert de tuiles creuses. Le hangar, à proximité, est un bâtiment ouvert sur son élévation, deux colonnes massives soutenant la charpente.

-Les bâtiments de vinification.

La plate-forme, ses accès et ses dépendances

-La plate-forme (un terre-plein fossoyé de forme trapézoïdale) et les dépendances qu’elle porte présentent une parfaite homogénéité. Leurs murs de soutènement sont construits selon une mise en œuvre identique sur tout le pourtour : talutés, ils sont réalisés en petit appareil de pierre de taille chaîné à intervalles plus ou moins réguliers par des jambes en plus grosses pierres, un gros cordon torique continu régnant sur l’ensemble. La plate-forme est entourée par de grandes douves en eau. Les avenues nord et sud se poursuivent jusqu’à la plate-forme par deux ponts en pierre franchissant les douves.

-Le châtelet d'entrée : il s’agit d’un pavillon de plan rectangulaire bâti en pierre de taille, comprenant un étage carré et flanqué par deux tours circulaires sur l’extérieur. Il est traversé par un passage voûté au rez-de-chaussée, ouvert par deux grandes arcades, côté cour et côté extérieur ; il était doté autrefois d’un pont-levis et d’ouvertures de tir pour armes à feu légères, qui protégeaient l’arrivée et l’accès à la porte. Celles-ci ne se voient plus à l’extérieur (elles ont été murées), mais leurs embrasures sont en place à l’intérieur des tours, dirigées vers le pont. Aujourd’hui couvert d’un toit en pavillon à faible pente protégé par des tuiles creuses, le bâtiment était, à la fin du 19e siècle et au début du suivant, couvert d'un toit-terrasse bordé par un garde-corps crénelé ; la couverture d'origine était probablement à l'impériale.

-Les dépendances : elle encadrent le châtelet d'entrée et sont disposées selon un plan en L dans l'angle sud-est de la plate-forme. De petits orifices de tir circulaires pour armes à feu légères (petites arquebuses ou pistolets), aujourd’hui fermés, sont percés à intervalle régulier dans leurs murs extérieurs (murs gouttereaux et pignons), au-dessous de petites fenêtres rectangulaires (elles aussi actuellement murées), servant à la ventilation des fumées et au tir au jugé. Les tourelles aux angles, à toit conique, sont ouvertes de petites lucarnes à ailerons qui rappellent les grands portails du domaine. La tourelle à l’angle sud-est (du côté droit de l’entrée) abrite pièce de défense au rez-de-chaussée, percée d’orifices de tir circulaires à embrasure intérieure, et pigeonnier au-dessus, dont les trous de boulin sont conservés – les lucarnes servant de fenêtres d’envol des pigeons.

Côté sud, une grande porte charretière, aujourd’hui murée, donnait autrefois directement accès à la dépendance à droite du pavillon d’entrée depuis les terres agricoles, tandis que, côté cour, d’anciennes baies de décharge, également maintenant murées, permettaient de réceptionner la vendange : il s’agit donc d’un ancien cuvier de grandes dimensions, peut-être l’un des plus anciens conservés en Médoc. Les bâtiments vinicoles étaient donc situés au plus près du château, ils ont été remaniés à la suite du partage du domaine en 1729. À côté du cuvier se trouvaient l’écurie et la boulangerie. Les dépendances accueillaient, à droite et à gauche du pavillon d’entrée, des habitations. C’est du moins ce que suggère la présence de portes en plein-cintre, côté cour, d’oculus ovales et de petites fenêtres rectangulaires, côté cour et côté extérieur. Un autre remaniement doit être signalé : les deux habitations situées de chaque côté du pavillon d’entrée ont été largement reprises avant 1728. Les travaux ont principalement consisté dans le couvrement des pièces principales, qui ont reçu des voûtes en arc de cloître rectangulaires fractionnées à lunettes sur chaque pan : les lunettes nord et sud correspondent à des fenêtres hautes barlongues, aujourd’hui murées, à plate-bande en arc segmentaire, celles de l’est ou de l’ouest à des portes intérieures créées à ce moment. L’installation de ces voûtes a occulté les fenêtres d’origine, oculi et jours verticaux.

Au nord de la plate-forme, deux tourelles basses étaient coiffées de toits à l'impériale jusqu'au début du 20e siècle ; elles sont aujourd’hui découvertes et en mauvais état. Elles sont ouvertes par des fenêtres, qui ont reçu un décor très soigné : elles sont couronnées d'un fronton triangulaire brisé à volutes rentrantes que surmonte une sphère.

Le château

Le château, de plan rectangulaire, 28 m sur 22,5 m, s’élève, isolé, au centre de la plate-forme. Il est composé de deux corps de logis disposés en équerre au nord et à l’est, reliés entre eux par le pavillon de l’escalier principal. Un troisième corps, plus étroit en profondeur, forme l'aile gauche (il a été raccourci et remanié ; il était à l'origine aussi long que le corps oriental). Bâti en moellon enduit pour les murs et en pierre de taille pour les parties vives (chaînes d’angle, fenêtres et portes, bandeaux…), les corps de logis présentent un étage carré coiffé d’un toit à faible pente couvert de tuiles creuses masqué par un surcroît des murs. L’ensemble est cantonné de pavillons aux angles, dotés d’un niveau supplémentaire éclairé par des lucarnes passantes et coiffés d’un toit en pavillon couvert d’ardoises. Les pavillons nord-est et sud-est sont flanqués d’une tourelle sur cul-de-lampe, qui abrite un petit escalier en vis desservant la pièce du comble. À droite de l’entrée sud, un petit pavillon supplémentaire est placé dans l’angle rentrant que forment le pavillon au coin et l’extrémité de l'aile est (l'aile ouest présentait la même configuration avant sa transformation). Le pavillon d’escalier est couvert par un toit à faible pente en tuile avec balustrade, remplaçant le toit à l'impériale d'origine.

La façade principale du château était la façade nord. Le pavillon d’escalier y forme un avant-corps très saillant (1,60 m) ; la porte, au centre, est la plus décorée du château. De part et d’autre du pavillon d’escalier, les ouvertures sont organisées de façon symétrique ; les surcroîts qui masquent les toits sont couronnés par de grands frontons triangulaires agrémentés d’édicules et de sphères. Enfin, les deux pavillons d’angle, plus hauts et plus saillants que l’avant-corps et les corps de logis qu’ils flanquent, encadrent la composition. Le pavillon nord-est abrite la chapelle du château accessible par une porte ornée d'une croix. Les fenêtres, à l'origine des croisées à traverse et meneau, sont couronnées de frontons tantôt cintrés, tantôt triangulaires, et traitées avec une allège à table lisse et consoles pendantes ; on retrouve ce motif au-dessus du fronton triangulaire de la grande fenêtre du premier étage, ce qui indique que le pavillon d'escalier comprenait deux lucarnes passantes (au nord et au sud) ouvertes dans un toit à l'impériale, aujourd'hui disparu.

Côté sud, les corps de logis forment une cour en U, autrefois fermée par un mur de clôture. Les façades étaient traitées de manière plus sobre, puisqu'il ne s'agissait pas de l'entrée principale du château. Des aménagements apportés au 19e siècle en ont modifié l'aspect : la porte d'entrée a ainsi été remaniée (comprise dans une grande arcade) et l'aile ouest avec le pavillon sud-ouest a été reconstruite. Rappelons que le pavillon d'escalier était couronné d'une chambre haute et couvert d'un toit à l'impériale. La tourelle en encorbellement greffée à l'angle des corps de logis nord et est en permettait l'accès.

Les façades est et ouest étaient traitées de manière identique ; elles diffèrent aujourd'hui. La façade est était ainsi surmontée d'un surcroît ; l'aile ouest a été particulièrement modifiée, raccourcie et dégagée de la tourelle d'angle qui permettait d'accéder au niveau de comble du pavillon nord-ouest. Les fenêtres en plein-cintre du premier étage sont également des ouvertures réalisées au 19e siècle, les percements du rez-de-chaussée ont aussi été remaniés. Le pavillon sud-ouest, s'il reprend le même dessin pour les fenêtres, est construit en pierre de taille très régulière présentant des joints très fins, autant d'indices d'une construction plus récente.

La distribution intérieure

L'entrée principale du château se trouve aujourd'hui au sud : on pénètre dans la cage d'un escalier à deux volées droites suspendues tournant à gauche autour d’un grand jour central. Il remplace un escalier rampe-sur-rampe en pierre auquel on accédait par la porte nord. L'escalier actuel est composé de marches et d'un limon en bois dotés d’un garde-corps en fer à entrelacs et col de cygne, d'une main-courante en bois et d'un départ de rampe à balustre en cuivre doré. Ce ne sont pas les seules modifications apportées à l'organisation du château. De la distribution d'origine sont conservées essentiellement la grande salle et l'antichambre du premier étage avec leurs cheminées monumentales sculptées. La chapelle du château est au rez-de-chaussée du pavillon d’angle nord-est. On y accède uniquement par l'extérieur. L'aile ouest s'organisait avec une galerie à l'étage, donnant sur les jardins.

Décor de la chapelle

La voûte est peinte d’une Trinité accueillant la Vierge dans les cieux : Dieu le père tenant le monde crucifère et le sceptre et le Christ portant sa croix sur une nuée au centre de laquelle se détache la colombe du Saint-Esprit.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : pierre de taille

  2. Mise en oeuvre : moellon

    Revêtement : enduit

Toits
  1. ardoise, tuile creuse
Étages

1 étage carré, étage de comble

Élévations extérieures

élévation à travées

Couvertures
  1. Forme de la couverture : toit à longs pans

  2. Forme de la couverture : toit en pavillon

  3. Forme de la couverture : toit conique

Escaliers
  1. Emplacement : escalier intérieur

    Forme : escalier tournant à retours avec jour

    Structure : en charpente

Décors/Technique
  1. sculpture
  2. peinture
Décors/Représentation
  1. Representations : guirlande


Précision sur la représentation :

Le château conserve des éléments sculptés et peints du 17e siècle, notamment :

Armoiries sculptées (bûchées et indéchiffrables) du portail ouest : sur l'avers, on distingue un casque ; sur le revers oriental, plus net, se trouve un cimier à lambrequins qui surmonte un écu, se détachant sur un cuir découpé. Il s'agirait des armoiries de la famille d'Essenault : D’or au cœur de gueules, à la bordure de même chargée de huit besans d’or (D'Hozier, 1696).

Deux cheminées monumentales : celle de la grande salle était décorée en son centre d’une toile peinte, le manteau de la chambre est sculpté d’un bas-relief représentant les deux Justices, telles que les concevait la mythologie grecque. À droite, la Justice divine, Thémis, première épouse de Jupiter incarné par l’aigle sommital, figurée ailée sous un soleil rayonnant au-dessus d’une sphère armillaire soutenue par un génie. À gauche, accompagnée d’un second génie portant une balance et une couronne, se tient sa fille Diké, visage de la Justice humaine. On note également la présence des initiales entrelacées MD qui ne correspondent pas à Marguerite de Lalanne et Pierre d'Essenault ; il s'agirait d'une modification apportée au 19e siècle, dans le cadre d'une restauration des cheminées. Têtes d'ange, dauphins, lions, guirlandes de fruits, incrustations de pierres dures complètent le riche décor.

Porte nord du château : une travée d’ordre corinthien, constituée de colonnes libres monolithes sur piédestaux et d’un entablement (animé des mêmes modillons qu’aux façades mais ici réduits à l’échelle de la corniche), encadre la porte et soutient, au-dessus, un édicule d’ordre attique couronné par un fronton cintré entre deux motifs en acrotère (aujourd’hui les vases de fleurs), placés à l’aplomb des colonnes. Les piédestaux ont perdu leur base moulurée, sans doute au moment de la surélévation du sol extérieur. La frise de l’entablement était peut-être meublée de deux têtes de chérubins, placées de part et d’autre de la table centrale, comme au linteau de la cheminée de la chambre. La table centrale, qui porte l'inscription REGUM MENSIS ARISQUE DEORUM (probable ajout du 19e siècle), accueillait sans doute un marbre rapporté à cet endroit. Les vases de fleurs sculptés remplacent certainement un autre motif en acrotère (une sphère sur un piédouche ?), motif qui était peut-être répété au-dessus du fronton cintré de l’édicule. Le champ aujourd’hui vide de l’édicule sommital comportait un décor sculpté qui a été bûché, probablement les armoiries des propriétaires. Il faut souligner la qualité d'exécution des feuilles d'acanthe des deux chapiteaux et du tympan du fronton.

Porte de la chapelle : un édicule la surmonte, couvert d’un fronton cintré brisé par une croix ; il est creusé d’une niche en plein-cintre, encadrée de pilastres et meublée d’une statuette de Vierge à l’enfant, en pierre blanche de Taillebourg. La clé médiane, saillante, s’étire en pointe dans le cul-de-four de la niche.

Décor peint de la chapelle : la voûte est peinte d’une Trinité accueillant la Vierge dans les cieux : Dieu le père tenant le monde crucifère et le sceptre et le Christ portant sa croix sur une nuée au centre de laquelle se détache la colombe du Saint-Esprit.

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Margaux-Cantenac

Milieu d'implantation: en écart

Lieu-dit/quartier: Château d'Issan

Cadastre: 1826 A2 229 à 261, 1978 A2 273 à 294

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