Maisons, fermes: l'habitat à Saint-Fort-sur-Gironde

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En dehors de l´église et d´une partie du château de Saint-Fort, aucun bâtiment médiéval ne subsiste. Dans le bourg, une seule maison, 13 rue Maurice-Chastang, conserve des éléments qui peuvent dater de la fin du Moyen Âge ou du 16e siècle (en particulier un escalier à vis). Une autre comprend les restes d´une ouverture que l´on peut aussi estimer du 16e siècle. Près d´un cinquième des maisons et fermes et anciennes fermes comprend des éléments, plus ou moins importants, datant du 17e siècle et surtout du 18e siècle. Il peut s´agit au mieux d´une petite maison qui a conservé son volume, son emprise au sol et la répartition désordonnée de ses ouvertures en façade ; au pire d´une ouverture, souvent en plein cintre et/ou à encadrement chanfreiné, remployée dans une construction plus récente. La datation de ces éléments n´est que rarement permise par une date inscrite, par exemple 1616 sur une pierre remployée dans un logis de ferme reconstruit au 19e siècle à Beaumont, ou encore 1791 sur une maison de Camailleau, peu remaniée depuis cette époque.

Un dixième seulement des maisons et des fermes ou anciennes fermes date de la première moitié du 19e siècle. En revanche, l´expansion viticole et commerciale de Saint-Fort pendant les années 1850 à 1870, s´est traduite par un nombre considérable de reconstructions ou de nouvelles constructions. Près de 40 % des maisons et des fermes ou anciennes fermes aujourd´hui visibles dans la commune datent, en tout ou partie, de cette époque florissante pour les paysans, commerçants et artisans de Saint-Fort. Plus grandes et plus soignées que l´habitat plus ancien, les habitations témoignent de l´enrichissement presque général de la population durant le Second Empire. Parmi les exploitants agricoles et viticoles, ceux qui se sont le plus enrichis vont jusqu´à remplacer leur ancien logement par une véritable maison de maître dont la façade en pierre de taille et la haute toiture dominent la cour de ferme et les dépendances. Parmi ces dernières, les chais symbolisent aussi l´ascension économique de leurs propriétaires. Cette réussite inscrite dans la pierre concerne aussi les négociants et les plus gros mariniers de Port-Maubert, ceux qui mettent leurs entrepôts pour les uns, leurs gabares pour les autres, au service du trafic portuaire. Tel est le cas de la maison du négociant Léopold Hardy, dans le bourg, rue du 8 mai 1945, et du marinier Jean Jard, sur les quais de Port-Maubert.

L´habitat à Saint-Fort se distingue de celui des communes alentours par le fait que la crise du phylloxéra des années 1880, même si elle précipite dans la ruine bon nombre de viticulteurs, ne marque pas une rupture dans le nombre de constructions. Les maisons et logis de fermes construits dans les années 1880, 1890 et 1900 sont en effet aussi nombreux que ceux de la période précédente. La vie économique de la commune est nettement soutenue par le trafic de Port-Maubert, bien que déclinant, et, plus généralement, par l´activité commerciale. Celle-ci explique la présence d´anciens commerces ou ateliers d´artisans dans 13 % des propriétés, proportion qui monte à 20 % dans le bourg. Rue du Commerce notamment, un grand nombre de maisons possède en effet un magasin au rez-de-chaussée, dont il reste encore souvent la devanture. Dans les années 1880, des négociants se font encore construire de belles demeures, par exemple Arnaud Galibert, dans le bourg (maison dite de Pierre-Henri Simon). Par la suite, le net déclin portuaire et commercial enregistré à partir de la Première Guerre mondiale, se retrouve lui aussi dans la pierre : une seule maison datant de l´Entre-deux-guerres a été relevée (34 rue Maurice-Chastang). Depuis la Libération, les nouvelles constructions (c´est-à-dire hormis les reconstructions et les remaniements) se sont limitées au lotissement de Bel-Air, au sud du bourg.

Périodes

Principale : 19e siècle

L´inventaire général du patrimoine culturel de la commune de Saint-Fort-sur-Gironde a porté sur 200 maisons et 142 fermes ou anciennes fermes. Ont été prises en compte les constructions antérieures aux années 1960, à l´exception de celles pour lesquelles de récents remaniements rendent l´état d´origine illisible. Cet ensemble ne comprend pas non plus les quelques demeures de notable (par exemple, dans le bourg, 16 rue des Écoles et 7 rue des Roses Trémières, au Carillon, ou encore à Maison-Neuve), ni le château des Salles, ni l´ancien château de Saint-Fort, actuelle mairie.

Un gros bourg et une foule de hameaux

L´habitat à Saint-Fort-sur-Gironde se caractérise par ailleurs par sa répartition entre un gros bourg situé au centre de la commune, et un nombre très importants de hameaux. Développé en étoile à l´intersection de plusieurs axes de circulation, le bourg regroupe un tiers de cet habitat. La quasi totalité des 112 constructions qui y ont été relevées, sont des maisons où logeaient de nombreux commerçants, artisans, leurs employés et, parfois, ceux des fermes alentours. Beaucoup d'entre elles partageaient une cour commune.

Les deux autres tiers de l´habitat se répartissent dans 35 hameaux différents, éparpillés sur le territoire communal. Les plus gros sont Camailleau (26 habitations relevées), Port-Maubert (18), Civrac et le Terrier de Civrac (15), la Grande Gorce (14), les Loges et Larit (10). La plupart sont situés sur le plateau agricole et viticole au nord du bourg. Plusieurs se sont développés sur les points les plus hauts de la commune (par exemple Chez-Péguin et Chez-Dolet), autour de moulins dont il reste parfois les vestiges (notamment à Civrac). D´autres enfin, situés à la frontière entre les coteaux et les marais, sont probablement les témoins d´anciens ports (Beaumont, la Crèche). Le hameau de Camailleau doit à la fois son développement et sa forme allongée à sa position, sur la route qui mène à Port-Maubert.

À l'image de Camailleau, la plupart des autres hameaux sont constitués d´anciennes fermes mais aussi de nombreuses maisons. Celles-ci abritaient les ouvriers agricoles employés par les fermes, et aussi quelques pêcheurs qui se rendaient à Port-Maubert pour pratiquer leur activité. Tous ces hameaux présentent, comme le bourg, un habitat relativement dense : à Saint-Fort, près des deux tiers des maisons sont des maisons attenantes (c´est-à-dire accolées les unes aux autres, avec au mieux une petite cour) et plus de la moitié sont placées en alignement sur la voie, sans espace entre le bâtiment et la rue.

Maisons de commerçants, maisons de mariniers, maisons de maître, maisons saintongeaises

Les habitations à Saint-Fort-sur-Gironde présentent fréquemment les traits de la maison saintongeaise. Près d´une sur six possède tout d´abord un rez-de-chaussée surmonté d´un comble. Ce dernier est, dans la grande majorité des cas, peu élevé et sert alors de grenier, mais son plafond peut parfois être suffisamment haut pour que le volume ainsi créé soit habitable. Dans la moitié des cas, le bâtiment est couvert d´un toit à croupes, souvent orné d´épis de faîtage qui ont presque toujours la forme d´une pomme de pin. Un toit à croupes sur quatre ne possède qu´une seule croupe, sans doute en raison du coût induit par une telle charpente. La croupe se trouve alors généralement sur le côté le plus visible du toit, côté rue.

Une façade sur cinq est couronnée par une corniche, rarement rehaussée de denticules. La séparation entre le rez-de-chaussée et le comble est souvent marquée en façade par un bandeau mouluré, situé au niveau des appuis des ouvertures du comble. En revanche, certains éléments de décor caractéristiques de la maison saintongeaise, sont rares à Saint-Fort, alors qu´on les rencontre plus au sud le long de l´estuaire. C´est le cas notamment de la génoise (frise constituée d´au moins une rangée de tuiles canal juxtaposées), relevée dans cinq cas seulement.

En dehors de ces caractéristiques saintongeaises classiques, la forme des maisons et des logis des fermes ou anciennes fermes, témoigne de la réussite économique et sociale de leurs propriétaires et commanditaires dans la seconde moitié du 19e siècle. La commune de Saint-Fort-sur-Gironde présente une forte proportion (près de 40 %) de maisons qui possèdent un étage et, bien souvent, un comble, habitable ou non. Parmi elles, trois catégories se distinguent. La première concerne les maisons de commerçants ou d´artisans, présentes essentiellement dans le bourg. Placées en alignement sur la voie, elles dominent la rue de leur haute façade en pierre de taille, assez richement décorée de moulurations, de motifs sculptés, de garde-corps en ferronnerie et de lucarnes à fronton. C´est aussi ce qui caractérise la deuxième catégorie, celle des quelques maisons de mariniers qui rappellent la prospérité de ces derniers sur les quais de Port-Maubert.

La troisième catégorie est celle des maisons de maître, construites dans les années 1850-1870 pour remplacer un ancien logis de ferme plus petit et vétuste. Ces demeures sont couvertes d´un haut toit à croupes (pans inclinés sur les côtés), plus complexe et donc plus coûteux à réaliser, orné d´épis de faîtage. L´ardoise est très rarement employée. La façade, presque toujours en pierre de taille, s´organise, dans les cas les plus luxueux, autour d´un avant-corps central qui sert alors d´axe de symétrie pour la répartition des ouvertures, alignées en travées. Le décor, peu abondant et sophistiqué en ces terres saintongeaises protestantes, se limite le plus souvent à un encadrement de porte mouluré.

Fermes et dépendances agricoles

Le caractère résidentiel et commercial de Saint-Fort-sur-Gironde se traduit par la proportion relativement limitée des fermes et anciennes fermes parmi les éléments du bâti relevés au cours de l´inventaire. En effet et contrairement à d´autres communes de l'estuaire, le bâti agricole représente moins de 42 % du total. Pour plus de la moitié de ces fermes ou anciennes fermes, les dépendances sont reliées au logis, le plus souvent sans ordre particulier. Dans un tiers des cas, les dépendances et le logis sont séparés et répartis autour d´une cour. Rares sont les dépendances positionnées dans le prolongement du logis, que ce soit sous un toit différent ou sous le même toit. De même, on ne dénombre que deux fermes de plan massé (le logis occupe un angle du bâtiment et en partage le vaste toit avec les dépendances). Au contraire, un tiers des fermes et anciennes fermes possèdent des dépendances à l´arrière du logis, en appentis.

La nature de ces dépendances révèle également le passé viticole et agricole de la commune. Quatre fermes ou anciennes fermes sur dix possèdent en effet un chai, témoin matériel de la prospérité de la viticulture dans les années 1850-1870. Placé dans le prolongement du logis ou bien à l´arrière, en appentis, le chai est généralement construit en pierre de taille. Il est reconnaissable à ses ouvertures, en plein cintre ou en arc surbaissé ou segmentaire. Également liées à la viticulture, quelques distilleries ont été relevées dans les hameaux, par exemple aux Moulins de Poupot. Il s´agit de petits bâtiments en pierre de taille, couverts d´un toit à croupes, et percés d´ouvertures similaires à celles des chais. Ils sont reconnaissables au trou d´évacuation de l´eau usée de distillation, visibles à la base d´un des murs.

La reconversion des exploitations agricoles après la crise du phylloxéra dans les années 1880, se traduit par la présence de granges et d´étables, tout aussi nombreuses que les chais. Observées dans quatre anciennes exploitations sur quatre, elles témoignent de la pratique de la polyculture et de l´élevage. Par ailleurs, près d´une ferme ou ancienne ferme sur cinq possède un pigeonnier. Il se réduit presque toujours à une ou deux paires de « boulins » ou trous à pigeons. Seuls deux pigeonniers constituent un bâtiment à part, couvert d´un toit en pavillon : l´un Chez-Bizet, l´autre à Genet. Enfin, 37 puits ont été relevés, avec leur margelle ronde ou carrée en pierre de taille.

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