Moulins des rives de l'estuaire de la Gironde

France > Nouvelle-Aquitaine

Sur les 127 moulins recensés au cours de l’inventaire, 117 sont à vent et seulement dix à eau. L’examen du corpus amène à s’interroger sur l’importance du déficit des installations hydrauliques : les moulins à eau n’auraient-ils pas plus largement disparu que ceux à vent ? Or, pour la seconde moitié du 18e siècle, 164 moulins, dont 144 à vent et 20 à eau, figurent sur la carte de Belleyme, soit un rapport déjà équivalent entre les deux types d’équipement. Sur le dense réseau hydrographique estuarien où des moulins à eau sont pourtant bien attestés dès le Moyen Âge – tel celui mentionné à Blaye en 1337, dit de Saint-Romain –, cette rareté interpelle. L’envasement des chenaux et des esteys, la difficulté à assurer leur entretien, ont probablement condamné la plupart d’entre eux. Pour ceux qui subsistent aujourd’hui, peu ont conservé leur mécanisme, à l’instar du moulin de l’Écuelle, établi sur la rivière du Taillon à Saint-Dizant-du-Gua, avec sa roue de sept mètres de diamètre et son dispositif de régulation hydraulique comprenant vanne et bief de décharge.

Concernant les moulins à énergie éolienne, l’analyse cartographique montre une répartition plutôt homogène entre les deux rives, les hauteurs de la rive droite, directement exposées aux vents d’ouest, se distinguant toutefois par une densité plus importante. Se démarquent de ce panorama le secteur de la Coubre, recouvert de dunes et de forêts, ainsi que les zones basses des marais du Blayais, peu propices à leur établissement. Les basses terres du Médoc ont pourtant été équipées de moulins à vent, à la suite de l’assèchement des marais notamment, qui a permis la mise en culture de terres céréalières.

Le bâti des édifices, tantôt en moellon tantôt en pierre de taille, et la présence de baies chanfreinées permettent de dater les plus anciens des 17e et 18e siècles. Parmi les 24 dates portées recensées, 10 correspondent au 18e siècle, attestant de la construction à neuf ou du remaniement de moulins à cette époque.

Ces constructions sur les rives de l'estuaire sont également liées à la navigation : outre Cordouan, et avant que ne se constitue le réseau de phares et de balises, les navigateurs et les pilotes ont l’habitude de se guider à l’aide d’éléments naturels ou construits, situés sur les rives. Les pointes, conches, et même les dunes sont scrutées et indiquées sur les cartes. Encore au 18e siècle, des groupes ou des alignements d’arbres, des moulins à vent, des clochers d’église, constituent des signes verticaux précieux jalonnant l’horizontalité des rives estuariennes. Les moulins à vent qui bordent les falaises de Meschers sont représentés sur la carte dressée dès 1545 par Jean Alphonse, tandis que ceux de Saint-Georges-de-Didonne figurent en 1776-1798 comme repères sur la carte de Teulère. Les moulin et rocher de Pilon, en amont de Talmont et en aval des Monards, servent aussi de balise. Côté Médoc, le moulin situé près de l’église de Soulac est avantageusement placé sur les hauteurs d’une dune, bien connu des pilotes au 17e siècle. Au milieu du 18e siècle, délaissé par son propriétaire, il est acquis par le Gouvernement "aux fins de la plus grande surreté de la navigation et du commerce". Plus au sud, le moulin de By, dominant l’estuaire sur une croupe plantée de vigne, constitue probablement un repère pour la navigation, avant d’être transformé en belvédère en 1825.

Après la Révolution, de nombreux meuniers se sont enrichis, bénéficiant en particulier de la vente des biens nationaux. Cette aisance, doublée d’une dynamique entrepreneuriale, se traduit par l’apparition de nouveaux moulins à côté des anciens, comme en témoignent les toponymes "vieux moulin" et "moulin neuf", ou encore "grand moulin" et "petit moulin". D’anciennes tours sont également reconstruites en pierre de taille. Les plans cadastraux du début du 19e siècle montrent un optimum du nombre des moulins à vent dans le territoire, équipement encore largement promu dans la première moitié du 19e siècle, comme l’attestent neuf dates portées de cette époque.

Dans la seconde moitié du 19e siècle, la meunerie traditionnelle connait une évolution technique majeure avec l’adoption d’un nouveau système inventé par Pierre-Théophile Berton dans les années 1840. Plusieurs moulins troquent leur voilure de toile pour des ailes en bois, au meilleur rendement. Ce mécanisme est encore visible au moulin de la Sablière à Floirac et au moulin de la Croix à Saint-Thomas-de-Conac.

Parallèlement à ce perfectionnement s’amorce le déclin des moulins à vent. Les 48 dates de démolitions recensées dans les matrices cadastrales illustrent en partie ce phénomène. 38 moulins sont ainsi désaffectés dans la seconde moitié du 19e siècle. À Saint-Ciers-sur-Gironde, par exemple, huit moulins encore attestés au milieu du 19e siècle sont abandonnés dans la seconde moitié du siècle : aucun n’est conservé aujourd’hui. Le moulin de la Sablière est l’un des rares dont l’activité perdure après 1900, exploité jusqu’en 1944. La réplique à l’échelle 1/3 du moulin de Barabe à Chenac-Saint-Seurin-d’Uzet, construit en 1936 par M. Moreau, a tout de même fonctionné à l’époque des restrictions imposées sous l’Occupation, alimentant en farine les habitants des environs.

Avec 87 moulins à vent à l’état de vestiges, la plupart dérasés, en ruine et sans mécanisme, ce patrimoine de la meunerie est menacé. Le moulin de la Croix à Saint-Thomas de Conac, construit en 1820, est le seul des bords de l’estuaire à être protégé au titre des Monuments historiques, inscrit en 1996. Il est l’un des derniers à avoir fonctionné en Charente-Maritime, équipé des ailes Berton par son dernier meunier, Albert Petit, décédé en 1969. D’autres ont été cependant remis en état, et quelques restaurations sont à saluer, telles celles à Floirac du moulin de la Sablière en 1999 et de celui de la Champagne en 2002, ou encore à Lamarque du Moulin rose en 2016.

Périodes

Principale : 17e siècle

Principale : 18e siècle

Principale : 19e siècle

Principale : 1ère moitié 20e siècle

22 dossiers collectifs communaux ont été réalisés en Gironde, permettant de signaler les moulins conservés, la plupart du temps à l'état de vestiges, ainsi que les moulins disparus, attestés par les archives.

Un dossier de synthèse a été réalisé sur les moulins de la rive saintongeaise : 66 moulins (10 à eau et 56 à vent) ont ainsi été identifiés dans ce secteur.

La majorité sont des moulins à vent de type moulin-tour.

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