Ecluse, maison éclusière et passerelles de la Roussille

France > Nouvelle-Aquitaine > Deux-Sèvres > Niort

Un site stratégique pour la navigation depuis le Moyen Age

L'écluse de la Roussille est l'une des plus anciennes, sinon la plus ancienne, de la vallée de la Sèvre Niortaise dans le Marais poitevin. Elle est déjà mentionnée en 1415 parmi les portes ou écluses servant à réguler le cours du fleuve, à permettre la navigation et à faciliter le commerce fluvial entre le port de Niort et la mer ; l'écluse de la Roussille est même sans doute le dernier de ces ouvrages encore en place de nos jours. En cette année 1415, un péage y est exercé, participant au financement des travaux de création du port de Niort. En 1494, le remplacement des portes de la Roussille est décidé par la Ville de Niort, en même temps que le rétablissement de tout le cours de la Sèvre depuis Niort. De nouvelles réparations ont lieu en 1536.

De nouveau citée en 1554, l'écluse est l'objet de bien des convoitises et de querelles entre les différentes autorités au cours des 17e et 18e siècles. En 1604, l'abbé de Saint-Liguaire et la Ville de Niort s'entendent pour financer chacun une moitié de l'entretien de l'écluse. Mais leurs difficultés financières semblent avoir raison de leur motivation, et l'écluse en souffre. L'Etat se substitue alors à eux et, en 1697, l'écluse de la Roussille fait partie des biens du domaine royal niortais confiés à des particuliers concessionnaires ou "engagistes". Le 13 juin 1702, une ordonnance de l'intendant du Poitou constate que les bateliers "ouvrent les portes de la Roussille avec violence à toutes les heures du jour pour faire passer leurs bateaux", et décide que ces portes ne seront ouvertes que trois fois par jour, à sept heures du matin, à midi et à six heures du soir, du 1er avril au 1er octobre ; et deux fois par jour, à dix heures du matin et trois heures du soir, du 1er octobre au 1er avril. Seul le fermier du péage pourra opérer ces ouvertures.

L'écluse apparaît en bonne place parmi les ouvrages mis en lumière par l'ingénieur du roi Claude Masse, sur ses cartes et plans, en ce début du 18e siècle. Il lui consacre trois plans particuliers, avec coupes et élévations, documents sur lesquels on reconnaît la forme ovale de l'écluse telle qu'elle se présente encore de nos jours, et les deux paires de portes busquées, pointées vers l'amont, mues à l'aide de cabestans. Outre ces cabestans, la différence avec aujourd'hui réside dans la présence, en ce début du 18e siècle, de deux aqueducs ou "larrons" sur la rive droite de chacune des portes ; ces installations équipées de vannes, étaient destinées à remplir ou vider l'écluse, selon les besoins.

Sur la même rive droite se trouve, en ce début du 18e siècle, à l'emplacement de l'actuelle auberge-restaurant, un cabaret et bureau d'octroi (des droits sont prélevés sur les bateaux qui passent par l'écluse afin de financer l'entretien des ouvrages de la Sèvre). La maison de l'éclusier prend place alors à droite du bureau-cabaret (à l'emplacement de l'ancienne dépendance de l'auberge-restaurant), avec un puits dans l'angle de ce bâtiment. En amont de l'écluse, comme aujourd'hui, les abords de l'écluse sont protégés par une digue en maçonnerie, au sud en direction de Niort ; et par une digue en pierre sèche, au nord en direction du moulin à eau de la Roussille.

Un ouvrage à entretenir et à améliorer (18e-19e siècles)

L'état de l'écluse est une préoccupation permanente des autorités niortaises et royales, mais le système de l'engagement du domaine royal niortais, dont fait partie l'écluse, ne facilite pas son entretien. Claude Masse indique sur un de ses plans que les portes en aval "étaient toutes ruinées en 1699 et on ne les fermait qu'avec des poutrelles, ce qui était très embarrassant". Dans les années 1720-1730, un contentieux s'élève entre les engagistes, la Ville et le pouvoir royal. L'état des portes se détériore toujours davantage, entraînant l'interruption du trafic de navigation. En 1723 et 1725, se substituant aux engagistes, négligents, l'Etat fait étudier le projet de reconstruction des portes par les ingénieurs de L'Espée et Gabriel de Lucet du Buisson. En 1731, une ordonnance de l'intendant du Poitou met de nouveau les engagistes en demeure de procéder aux travaux, et permet à la Ville de les réaliser en cas de refus. Le 26 août 1732, l'Etat finit par adjuger les travaux à l'entrepreneur Mathieu Carrion. Le chantier se déroule durant l'été 1733. En 1734, la Ville réclame aux engagistes le remboursement des sommes engagées. Le contentieux s'éternise jusqu'en 1756.

Reconstruit au 18e siècle et devenu logement de l'éclusier, le bureau-cabaret est à son tour délaissé, sans doute dans la seconde moitié du 18e siècle, au profit d'un nouveau bâtiment construit sur la rive gauche de l'écluse, à proximité des portes avales (là où se trouve aujourd'hui une maison, parcelle 142). En 1808, une nouvelle maison d'éclusier est édifiée toujours sur la rive gauche, mais cette fois-ci à proximité des portes amont. La date 1808 est inscrite au-dessus de sa porte.

L'entretien constant de l'écluse et la réparation, voire le remplacement de ses portes, continuent à occuper les services des Ponts et chaussées au 19e siècle. Chaque année, on procède à l'entretien des portes, des bajoyers (murs latéraux de l'écluse), des têtes (extrémités d'une écluse supportant les portes), etc... En 1807, la chaussée en pierre qui protège les berges de la Sèvre au pied de l'écluse, en amont, est reconstruite, ayant été emportée quarante ans plus tôt par une inondation et restaurée en partie seulement à cette époque. En 1816-1818, l'ingénieur des Ponts et chaussées Hurel supervise le remplacement des vantaux des portes.

D'importants travaux sont menés entre 1823 et 1825 dans le cadre du programme général d'amélioration de la navigation sur la Sèvre Niortaise conçu par l'ingénieur en chef François-Philppe Mesnager : les deux têtes de l'écluse (c'est-à-dire les portes et leur entourage en pierre de taille) sont reconstruites de manière à être alignées avec la rive gauche du bassin. Les travaux sont réalisés par Jean-Jacques Homo, entrepreneur à Niort, suivant adjudication du 15 octobre 1825. La pierre de taille employée provient des carrières de Niort. C'est sans doute aussi à cette occasion que les deux larrons mentionnés par Claude Masse au début du 18e siècle et encore présents sur les plans de l'écluse en 1807 et 1818, sont supprimés au profit de vantelles (panneaux coulissant verticalement) installées sur les portes elles-mêmes ; les escaliers qui permettaient de descendre dans le bassin disparaissent également.

En 1842-1843, ce sont les portes elles-mêmes (posées en 1825) qui sont remplacées. L'entrepreneur, Lamblin dit Lorain, de Niort, procède aux étapes habituelles : remplacement des bois par des pièces en bois de chêne neuves, réutilisation de certaines pièces métalliques, calfatage et goudronnage des nouvelles portes, peintes en vert.

En 1856, la reconstruction totale de l'écluse est comprise dans le programme d'aménagement de la Sèvre Niortaise conçu par l'ingénieur Maire, mais elle n'est pas réalisée. On se contente, en 1865, de remplacer de nouveau les portes (celles de 1843). Mené par René Chauveau, entrepreneur à Niort, le chantier nécessite l'interruption de la navigation entre le 25 septembre et le 10 octobre 1865. Un serrurier de Niort est employé pour remettre en état les crics ou en fournir de nouveaux ; des poutrelles en bois de sapin sont acheminées par bateau depuis Bazouin (Damvix) ; les pierres de taille sont apportées depuis les carrières de Bégrolle, à Niort. Les plans et procédés techniques se perpétuent d'une opération à l'autre, par exemple lors de la reconstruction de la porte amont de l'écluse en 1903. Une évolution majeure interviendra au 20e siècle avec le remplacement du bois par le métal comme matériau de construction des vantaux des portes.

Des passerelles en amont et en aval de l'écluse.

Au 19e siècle, l'écluse n'est pas la seule à faire l'objet de toutes les attentions. Ses abords et ses accès aussi sont aménagés, notamment pour assurer la continuité du chemin de halage et la liaison avec le bourg de Saint-Liguaire. Le chemin de halage se trouvant sur la rive droite de la Sèvre et l'écluse sur sa rive gauche, la construction d'une passerelle en amont de l'écluse est décidée en 1857. Les plans en sont établis par l'ingénieur des Ponts et chaussées Maire qui avait intégré la création de la passerelle dans son programme pour la Sèvre en 1856. Il prévoit un ouvrage en bois avec tablier à trois pans, d'un mètre cinquante de large, soutenu par sept pieux. Le marché de construction est passé le 15 mai 1857 avec François Bourdin, charpentier à Niort.

Cette première passerelle, pourrie et hors d'usage, est fragilisée par la crue de 1872. Elle est alors reconstruite en 1879, suivant les plans de l'ingénieur ordinaire des Ponts et chaussées Modelski. Celui-ci a cette fois prévu un ouvrage avec tablier métallique de vingt et un mètres de long, soutenu par deux piles en maçonnerie formant trois arches de sept mètres. Ce système de construction, "coûteux mais beaucoup plus pérenne" que le bois, est mis en oeuvre depuis quelques années par les Ponts et chaussées. Le chantier de construction est adjugé le 27 septembre 1879 à Joseph Martin, entrepreneur à Niort. Menés par six ouvriers, les travaux commencent fin octobre. Le cours de la Sèvre est barré par deux batardeaux entre lesquels l'eau est retirée à l'aide d'une pompe à vapeur. L'ouvrage est réceptionné le 29 décembre 1880. Son tablier et ses arches seront reconstruits en pierre et béton au 20e siècle.

Une autre passerelle est construite vers 1876 en aval de l'écluse, sur le bief du moulin Neuf (future chamoiserie Rousseau), afin de relier le bourg de Saint-Liguaire. Cette passerelle, d'abord en bois, est réservée au passage des piétons, avec une tolérance pour les bestiaux. Venant de Saint-Liguaire, ils empruntent cette passerelle puis celle établie sur les portes amont de l'écluse, et enfin la passerelle en amont de l'écluse, pour rejoindre les prés de la rive droite de la Sèvre. Reconstruite en 1900, la passerelle en aval de l'écluse est fragilisée par ces passages incessants et par la crue de décembre 1911. L'Etat décide alors d'en interdire l'accès aux bestiaux et de le réserver aux seuls piétons, ce qui suscite l'hostilité des habitants de Saint-Liguaire. La passerelle sera reconstruite en 1929, puis à la fin du 20e siècle, cette fois en béton.

Périodes

Principale : 17e siècle, 18e siècle, 19e siècle

Dates

1808, porte la date

1825, daté par source

Auteurs Auteur : Mesnager François-Philippe

Ingénieur en chef du service ordinaire de la Sèvre Niortaise des Ponts aux chaussées de 1811 à 1837.

, ingénieur des Ponts et Chaussées (attribution par source)

Le site s'organise autour de l'écluse qui permet de passer dans un bras de la Sèvre Niortaise reliant la Roussille à la Tiffardière, au sud d'un autre bras qui dessert les moulins à eaux de la Roussille et de la Tiffardière. Le bassin de l'écluse, fermé par des portes busquées en amont et en aval, pointées vers l'amont, s'élargit sur la rive droite de manière à accueillir plusieurs bateaux à la fois. La forme ovale du bassin, au moins sur une de ses rives, une forme utilisée depuis le 16e siècle, permet de faire entrer davantage de bateaux et de mieux résister à la poussée du terrain. Les bajoyers (murs de soutènement latéraux) du bassin sont en pierre de taille et les portes, surmontées de passerelles, sont en métal. Chaque vantail de porte est équipé d'une vantelle, panneau coulissant verticalement à l'aide d'une crémaillère pour remplir ou vider le bassin. Un poste de commande se trouve sur la rive gauche, tout à côté de l'ancienne maison éclusière.

Celle-ci est un bâtiment à un étage, couvert d'un toit à croupes. Il présente trois travées d'ouvertures en façade. Au-dessus de la porte figurent un cartouche portant le nom "La Roussille", et un autre portant la date de construction de la maison (1808).

La rive droite de l'écluse est largement occupée par une auberge-restaurant. Le corps principal de bâtiment est établi à l'emplacement peut-être et dans les murs-mêmes (reconstruits au 18e siècle) de l'ancien cabaret-bureau mentionné par Claude Masse en 1720, et devenu logement d'éclusier au 18e siècle. Ce bâtiment à façade en pignon présente deux travées d'ouvertures en façade, avec à l'étage des linteaux en arc segmentaire. A droite de ce corps principal se trouve une ancienne dépendance, reconstruite au 19e siècle (à la place de la maison d'éclusier mentionnée par Claude Masse au début du 18e siècle).

Le bras de Sèvre qui continue vers le nord est évitant l'écluse, en direction du moulin à eau de la Roussille, est franchi par une passerelle à trois arches surbaissées, construite en pierre de taille, avec garde-corps en métal. Une autre passerelle se trouve en aval de l'écluse. Elle relie cette dernière au sud et au bourg de Saint-Liguaire, en enjambant le bras de Sèvre qui alimentait par ailleurs la chamoiserie Rousseau, au sud.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : pierre de taille

Toits

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Deux-Sèvres , Niort , rue du Moulin

Milieu d'implantation: en écart

Lieu-dit/quartier: Roussille (la)

Cadastre: 1832 C 8 et 10 (Cadastre de Saint-Liguaire), 2016 DY 121 et 122, 2016 OX 1034, 1036, 1039

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