Présentation de la commune de Jouhet

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Une histoire ancienne

Des traces archéologiques

Au nord de la commune, les abris-sous-roche colmatés pourraient avoir été occupés par l'un des groupes de Magdaléniens qui fréquentaient les rives de la Gartempe à proximité (le Taillis-de-Coteaux à Antigny, La Piscine à Montmorillon), mais aucun vestige n'a été signalé à ce jour. Plusieurs ateliers de taille de silex néolithiques ont été repérés entre le Chambon et la Gartempe.

Les prospections aériennes et pédestres ont permis de répertorier des enclos non datés et plusieurs sites gallo-romains, près de Peugilard, du Terrier et du Chambon et au sud de Mortioux. Dans les argiles ferrugineuses des terres de brandes ont été retrouvés des restes de scories indiquant la présence d'un atelier de réduction du fer, d'âge indéterminé.

Deux buttes isolées, repérées par Christian Richard en prospection aérienne, ont été répertoriées en tant que mottes castrales dans la carte archéologiques et retenues avec des réserves (tumuli ?) par M.-P. Baudry parmi les mottes castrales. La toponymie et le cadastre de 1840 donnent un indice supplémentaire pour la première, proche de la Grande Motte ; cependant, le plan carré de la parcelle sur le cadastre de 1840 pose question. La seconde est située près des Brandes de Font-Blanche. Il pourrait aussi bien s’agir de tumuli que de chaos rocheux naturels. Sur le cadastre de 1840, d'autres toponymes mériteraient d'être vérifiés par prospections archéologiques : la Motte du Pradeau (feuille G2), la Pièce de la Motte (feuille G3).

L'église est citée en 1093 parmi les biens de l'abbaye de Saint-Savin sous le vocable ecclesia sanctae Mariae de Johec. Sa construction s'échelonne principalement de la fin du 11e siècle au 14e siècle. De la première construction, il ne reste probablement que peu d'éléments, essentiellement les murs des deux travées de la nef et leur voûte, ainsi que l'escalier qui desservait en façade un clocher mur aujourd'hui disparu.Le château de la Ferrandière est cité vers 1250 parmi les biens donnés par Alphonse de Poitiers à l'abbaye de Saint-Savin. Ce site privé, partiellement restauré par son dernier propriétaire, conserve des vestiges de son enceinte, des tours, une partie du donjon remonté et de la chapelle. En l'absence d'étude de bâti et d'archives, il n'est pas possible de préciser l'historique de ce site médiéval fortifié. Plusieurs fermes dépendaient de ce château à la veille de la Révolution.

Les de Moussy, une famille très présente du Moyen Âge aux années 1930

Jean de Moussy (vers 1433-1510), seigneur de Boismorand aujourd'hui sur la commune d'Antigny, dirige le ban et l'arrière-ban de la noblesse du Poitou pendant presque toutes les campagnes du roi Charles VII. Louis XI l'autorise, en 1471 ou en 1472, à fortifier son château de la Contour à Jouhet, reçu lors de son premier mariage en 1448 avec Antoinette Gavarret. Ce château médiéval implanté en bord de Gartempe, à quelques centaines de mètres au sud de l'église, sera déclaré inhabitable en 1864 et détruit ; seul le plan cadastral de 1840 permet de reconstituer son emprise.

Veuf, Jean de Moussy épouse en secondes noces, vers 1475, Pernelle Ébrard. Construite en bordure de la propriété du château de la Contour et à l'extrémité de l'ancien cimetière, la chapelle Sainte-Catherine, à vocation funéraire, est fondée le 10 juillet 1476 par Pierre du Boschage, curé de la paroisse de Jouhet. Selon Claudine Landry-Delcroix, ce dernier serait le commanditaire du cycle de peintures murales (plutôt que Jean de Moussy, à qui on l'attribue). En 1510, le fils de Jean de Moussy, Pierre de Moussy, aurait été enterré dans l'église de Jouhet.

Le moulin de la Roche est cité parmi les propriétés de la Maison-Dieu de Montmorillon au 15e siècle, puis parmi les biens de l'abbaye de Saint-Savin au 16e siècle. Au 17e siècle, il est signalé comme dépendant du château de Boismorand, situé un peu en aval, sur la commune d'Antigny.

Les hameaux de Rillé et Mortioux ont probablement une fondation médiévale. Il n'a pas été retrouvé de trace d'un prieuré à Rillé, bien qu'il soit mentionné dans des archives. Un mur de grange de la ferme d'Isse conserve une canonnière en remploi, ainsi qu'une porte couverte en arc brisé qui pourrait dater du 14e ou du 15e siècle. Une fenêtre à traverse, appuis saillant mouluré et linteau en accolade, du manoir de Roche porte un graffiti ancien : « VIVE JEHAN : / PINEAU : ET / TOUS CEULX A LA / MAISON HIS M / M PINEAU CLER DEMEU / RANT [...] ». D'autres manoirs, fortement remaniés au 19e siècle, conservent quelques éléments anciens comme le pigeonnier de la Cadrie qui porte un graffiti « F. PEROT 1607 ».

Le bourg se développe probablement autour de l'église, sur la rive droite de la Gartempe, à partir du Moyen Âge. Mais, à part l'église et la chapelle, il ne reste aucun édifice antérieur au 16e / 17e siècle, période à laquelle on peut rattacher les maisons qui conservent des arcs en accolade, notamment une maison remaniée en 1732, comme l'indiquent deux dates portées.

Avant 1790, la paroisse de Jouhet relevait de l'archiprêtré, de la châtellenie et de la sénéchaussée de Montmorillon, ainsi que de l'élection de Poitiers. Le prieuré et la cure de Notre-Dame dépendaient de l'abbaye de Saint-Savin. La haute, moyenne et basse justice de Jouhet constituait un fief relevant de la baronnie de Montmorillon. Des conflits opposent, au 18e siècle, Charles de Moussy, seigneur de la Contour, au seigneur de Pruniers à Pindray, au sujet de droits seigneuriaux de haute justice. À la veille de la Révolution française, le comte de Moussy de la Contour possède cinq seigneuries, la Contour qui relève du seigneur de Pindray, la Maingouère qui relève en 1681 de Fortin de la Hoguette, évêque de Poitiers et seigneur de Savigny, et trois seigneuries royales, les seigneuries de Pruniers (depuis 1717), Coupé (aujourd'hui commune de Pindray) et Sauzelles (aujourd'hui commune de Leignes-sur-Fontaine). Outre les terres de La Contour (qui comprennent les bâtiments, jardins, chènevières, garennes, prés, grange, cuvier, moulin, étangs, vignes) et de Pruniers, il possède à Jouhet les terres d'Isse, Fontblanche, la Roche, du pré des Cosses, de Pouilloux, de la Cadrie, la tuilerie de la Chauvetterie, le moulin de Jouhet.

Le cahier de doléances établi pour les États généraux de 1789, par le tiers état de la paroisse de Jouhet, est l'un des seuls de la sénéchaussée de Montmorillon à avoir été conservé, grâce à une copie faite par M. de Moussy.

Avant de vanter les actions du comte de Moussy en faveur des habitants de Jouhet, ce cahier donne une vision sombre de l'état de la paroisse : « l'une […] des plus pauvres du Poitou […]. Des bruyères ou landes immenses couvrent les deux tiers et plus de la superficie […] : des champs mal sillonnés, des prairies stériles, et souvent dévastées, des vignes mal cultivées et qui ne produisent que des vins fort au-dessous de la médiocrité, des vergers qui ne portent que quelques fruits précoces, ou d'une mauvaise espèce, sont les seuls, et douloureuses images de l'agriculture locale. La plupart des habitants de cette paroisse ne sont ni nourris ni vêtus, et logent dans des espèces de tombeaux auxquels on a, fort mal à propos, imposé le nom de maisons ».

L'hiver précédent la Révolution a été très rude ; le mercure du thermomètre de M. de Moussy a gelé à -17° pendant la nuit du 30 au 31 octobre 1788. Le gel de la Gartempe a été constant du 30 octobre 1788 au 8 janvier 1789, sur une épaisseur qui a atteint jusqu'à 20 à 25 pouces (soit 50 à 70 cm) et une débâcle impressionnante le 14 janvier, qui a nécessité des interventions pour sauver le château de la Contour et ses ouvrages hydrauliques (moulin, prise d'eau, barrage...). En 1791-1795, des biens dépendant de l'abbaye de Saint-Savin (domaine de la Ferrandière, étangs) et du prieuré (anciens bâtiments conventuels), ainsi que de la cure de Jouhet (presbytère, grange, pièces de terre, vignes) sont cédés comme biens nationaux ; le château de la Contour n'est en revanche pas concerné par ces ventes. D'abord orthographiée Jouhé en 1793 et rattachée au canton de Montmorillon, la commune devient Jouhet en 1801.

Traverser la Gartempe

Deux barrages liés à des moulins situés sur la rive gauche de la Gartempe encadrent le cours d'eau au sud (moulin de Pruniers à Pindray) et au nord (moulin de la Roche, principalement sur la commune de Leignes-sur-Fontaine).

Sur le plan cadastral de 1840 et sur les plans de reconstruction du moulin de Pruniers en 1855, une levée de terre dans le cours de la Gartempe, au nord d'un îlot, correspond aux aménagements d'accès au gué, qui s'est déplacé de quelques dizaines de mètres par rapport au " gué de Preugné " et au " gué ", termes employés sur les plans cadastraux de Montmorillon et de Jouhet.

Le moulin de Roche est situé sur une bande de terre, la Pointe-de-Roche, insérée entre les communes de Pindray au sud et Antigny au nord, où se trouvent les prises et les évacuations d'eau. Le logis du moulin est situé sur la commune de Leignes-sur-Fontaine, un des bâtiments d'eau sur celle d'Antigny et le barrage est quant à lui en partie sur celle de Jouhet. L'actuelle île sur la Gartempe était partagée en deux îlots sur les anciens cadastres des quatre communes concernées ; le moulin comprenait, outre les bâtiments sur la rive gauche, quatre bâtiments sur le cours d'eau, qui ont disparu. Sur la rive droite (commune de Jouhet), le cadastre de 1840 mentionne un « chemin du port de Roche », ce qui suggère l'existence d'un passage d'eau probablement assuré par le meunier.

Après la mise en place des passages d'eau publics sur la Gartempe au début du 19e siècle, les meuniers ne pouvaient faire traverser que les personnes livrant le moulin. Il semble néanmoins que les meuniers de Pruniers et de Roche continuaient à assurer la traversée contre rémunération, ce dont se plaint notamment M. Suire, fermier du bac de Jouhet en 1861-1865, qui obtient un rappel à l'ordre des meuniers par le préfet.

Un bac est mentionné sur la carte de Cassini au 18e siècle. Il est alors probablement placé sous le contrôle du meunier du moulin de Jouhet, qui appartenait au seigneur de la Contour. Après la Révolution, l'administration des bacs, et notamment celle des passages d'eau sur la Gartempe, est organisée par l’État qui aménage les accès, achète les bateaux et les confie à un fermier du bac, sur adjudication et selon des tarifs imposés. Le fermier, qui obtient un monopole sur la traversée, doit pour sa part entretenir le matériel. Le passage d'eau de Jouhet n'est pas très fréquenté, peu rentable et mal entretenu. Un rapport de visite de 1840 fait état d'un bac et un bateau en mauvais état.

En 1842, le registre municipal de Pindray indique que « le service des Postes aux lettres étant assuré par un seul piéton pour les communes de Jouhet et Pindray, il est arrivé que faute de bateau pour traverser la rivière, ce piéton ait été plusieurs fois 4 jours sans se rendre à Pindray ».

Dans les années 1850, le fermier du bac et le conseil municipal de Jouhet réclament à plusieurs reprise des travaux d'aménagement des rampes d'accès. Le bac est doté d'un matériel neuf remis au fermier du bac, Félix Vallée, le 18 juillet 1857 « un bateau dit batard de huit mètres trente centimètres de longueur d'un chevet à l'autre, d'une largeur de fond à l'intérieur et au milieu de deux mètres trente centimètres et d'une hauteur [de] bordage mesurée au milieu et à l'extérieur de soixante-cinq centimètres [...] ; un batelet de six mètres de longueur d'un chevet à l'autre, d'une largeur de fond au milieu et à l'extérieur de un mètre vingt centimètres et de quarante cinq centimètres de bordage, y compris les ferrures ». Suite à ces travaux, le chemin de grande communication n° 80 est retracé et entraîne une série d'expropriations en 1867 ; une nouvelle voie d'accès à la rivière se dessine : la rue de la Gartempe.

Le pont est mis en service le 1er janvier 1876, ce qui entraîne une indemnisation en 1877-1878 des anciens fermiers du bac, dont le service est supprimé par arrêté du 15 juin 1878.Lors de la suppression du bac, le matériel est très restreint et la vente du matériel ne comprend plus, comme matériel navigable, qu'un bateau passe-cheval.

Sur les deux rives de la Gartempe, les abords de l'ancien port (Jouhet) et du débarcadère (Pindray), aménagés en pente douce, sont utilisées par les lavandières et pour abreuver les animaux.

Une vocation agricole, un artisanat qui se développe

Dans la seconde moitié du 18e siècle, de nombreux défrichements sont signalés sur le territoire communal : Gabriel Debien mentionne dans son article sur les défrichements en Haut-Poitou la mise en culture d'une trentaine d'hectares de brandes à Jouhet entre 1762 et 1789 (voir annexe). Le cahier de doléances des habitants de la paroisse montre en 1789 une population rurale qui vit plutôt mal d'une terre peu valorisée. Les brandes, bruyères, chènevières (terres pour la culture du chanvre) et étangs couvrent toujours 677 ha en 1840 et ne régressent vraiment au profit des labours qu'à la veille de la Première Guerre mondiale (118,8 ha en 1912).

En 1837, des habitants de Rillé saisissent le tribunal de Montmorillon pour se partager 270 ha de brandes qui dépendaient « de l'abbaye de Rissé [sic], qui elle-même faisait partie de celle de Saint-Savin ». L’État en revendique la propriété auprès des Domaines en précisant que leur propriété n'avait pas été transférée lors des ventes de l'abbaye de Saint-Savin et de ses dépendances comme biens nationaux au lendemain de la Révolution. Après de longues enquêtes et de nombreux échanges de courriers, le préfet abandonne définitivement cette revendication en 1847. Cependant, en 1938, apparaît toujours parmi les biens de la commune de Jouhet, une petite parcelle, d'un peu moins d'un hectare appelée sur le registre « les communaux de Rillé » et incluse dans les brandes de Rillé.

Dans la première moitié du 19e siècle, la vigne occupe une cinquantaine d'hectares et quelques cabanes de vigneron aujourd'hui disparues figurent sur le plan cadastral de 1840. La vigne est décimée par la crise du phylloxéra à partir des années 1865 et ne figure plus comme type de cultures dans les impositions de 1912. Certains rez-de-chaussée des maisons à escalier extérieur pourraient correspondre à des chais.

Une huilerie dans le bourg et trois tuileries entre la Ferrandière et Peufavard sont mentionnées dans les matrices cadastrales entre 1840 et 1912. Visible jusqu'au début des années 1990, la tuilerie située au nord de Peufavard a été détruite ; le paysage garde les traces de l'exploitation des carrières d'argile. Ce site produisait également de la chaux.

Au 19e siècle, le moulin du bourg, sur la Gartempe, est en ruine et son projet de reconstruction vers 1870 échoue. Le seul moulin en activité se situe sur le Chambon. Il n'est pas figuré sur la carte de Cassini au 18e siècle, mais existe avec un plan différent sur le plan cadastral de 1840. Les matrices cadastrales permettent de suivre sa reconstruction, d'abord entre 1848 et 1853 par Charles Babert de Juillé (de cette époque subsistent des bâtiments au nord du chemin d'accès), puis le moulin est démoli par Alexandre Magnon autour de 1875 et équipé d'une nouvelle roue de 3 m de diamètre alimentant deux paires de meules situées à l'étage du bâtiment d'exploitation ; les soubassements en pierre de taille du bâtiment d'eau pourraient correspondre à cet état et le bâtiment avec des ouvertures alternant briques et pierre pourrait être un peu plus récent. Un autre moulin existait probablement un peu en amont sur le Chambon, le moulin de Forbandin documenté par le seul toponyme « l'ancien chemin du moulin de Forbandin ».

Jouhet au 19e siècle

L'ancien cimetière, situé dans le bourg au sud de l'église, est déplacé, avant 1840, à son emplacement actuel, au nord-est du bourg, le long de la route de Saint-Germain. Le cimetière est agrandi en 1874-1875 selon les plans de A. Joyaux, géomètre et son mur de clôture est reconstruit en 1877. La partie ancienne est constituée de tombeaux alignés en treize allées serrées, comprenant chacune une dizaine de tombes réparties de chaque côté de l'allée centrale. La croix de cimetière se trouve au centre de cette allée.

Le tombeau de Narcisse Maréchal, propriétaire du manoir de la Cadrie, décédé en 1877, comprend une colonne brisée en marbre, signée du sculpteur poitevin J. Cartier. Quelques tombes qui se distinguent par leur décor ainsi qu'un ensemble de tombeaux portant des croix en fonte de fer dont certaines portent les marques de fabrique (Alfred Corneau, fondeur à Charleville-Mézières ; fonderie de Kérino à Vannes ; fonderie Rosières dans le Cher). Quelques tombeaux ont conservé des supports en fer pour accrocher les fleurs funéraires. Plusieurs sépultures conservent des emplacements en creux pour accueillir des plaques en porcelaine, mais seule une plaque est conservée, ornée de pensée et dédiée à Hippolyte Demazeau, décédé en 1936.

Au sud du bourg, en bord de Gartempe, le château de la Contour est signalé comme inhabitable en 1864 et un nouveau château est construit dans les années 1875 par M. de Moussy. En 1869, il projette de restaurer le barrage et le moulin, signalés en ruine sur le plan cadastral de 1840, au nord de sa propriété. En dépit d'une autorisation délivrée en 1870, il abandonne le projet en 1872, en raison du projet de construction du pont qui remplace le bac quelques dizaines de mètres en aval en 1876.

Le 7 mai 1874, la commune demande un secours au préfet pour acquérir un terrain afin d'agrandir le cimetière en faisant ce constat : « notre ancien, digne et regretté maire, dont les fonctions n'ont pas duré moins de cinquante ans, a bien dignement rempli sa mission mais n'a donné aucun travaux soit neufs, soit d'entretien ; aussi tout est maintenant à faire. La commune qui a 710 habitants ne possède point encore de maison d'école ni pour les garçons, ni pour les filles, ni de mairie ». Après avoir hésité sur le lieu d'implantation de cette mairie-école puis un changement de municipalité, la commune acquiert un terrain près de l'église, sur les terres de l'ancien prieuré et appartenant au nouveau maire, M. de Moussy. Les travaux sont réalisés par l'entrepreneur Hippolyte Multeau, sur les plans (non retrouvés) de l'architecte Alcide Boutaud. Après quelques péripéties dues à la non conformité des travaux par rapport aux plans, les travaux sont réceptionnés en janvier 1884. En 1912, des préaux et des sanitaires sont ajoutés, réalisés par Baptiste Tabuteau selon les plans de l'architecte Plat.

De nouveaux équipements publics au 20e siècle

En 1909, les biens de la fabrique de l'église de Jouhet sont remis à la commune de Jouhet. Les sommes sont alors gérées par un bureau de bienfaisance installé par le préfet en 1911, dont les comptes montrent l'achat et la distribution de pains et de viande jusqu'en 1938.

Au cours du 20e siècle, de nouveaux équipements communaux sont réalisés.

Un lavoir est aménagé en amont du pont de Rillé, sans instruction du service hydraulique. Le terrain est acheté en 1911 et les travaux sont confiés à Édouard Artaud, entrepreneur à Pindray. Un conflit s'ensuit avec l'un des riverains, qui se plaint d'une inondation de son jardin, réclamation faite en 1913 et réitérée en novembre 1915. Le sous-ingénieur Tingaud, du service hydraulique des Ponts et Chaussées, se déplace plusieurs fois et conclut que le barrage n'a pas aggravé la situation antérieure.

Le 10 décembre 1921, la commission d'examen des projets d'érection de monuments aux morts de la guerre émet un avis réservé sur le projet de monument aux morts : « commune de Jouhet, dessin inachevé. Faire établir par un homme de l'art un projet sur lequel les propositions seront mieux étudiées ». Un dessin du projet modifié est conservé parmi les archives municipales. Les deux projets sont signés Mazereau Léon, entrepreneur à Jouhet, avec qui la commune a passé un marché de gré à gré dès le 2 juin 1921 pour un engagement d'achèvement des travaux au plus tard le 1er novembre 1921. Le 30 janvier 1922, le sous-préfet de Montmorillon signale au préfet de la Vienne que le monument a été érigé sans présenter de nouveau projet, qu'il n'est pas fidèle au dessin et qu'il a été inauguré avant d'avoir obtenu l'autorisation. Le préfet bloque la subvention et ne validera le marché que le 18 novembre 1922. Un tableau des morts de la paroisse est apposé dans l'église et plusieurs tombes du cimetière portent des plaques commémorant des Poilus de la commune.

En 1926, des habitants se regroupent pour fonder une boulangerie coopérative, qui s'installe à l'angle de la rue de la chapelle et de la rue de l'Ancien-Charron. Les statuts précisent que « la Société a pour but de procurer à ses membres le pain, les sons et remoulages dont ils auront besoin, au meilleur marché possible ; elle renonce donc à toute idée de gain et s'interdit toute spéculation commerciale, n'ayant d'autre but que d'abaisser, soit immédiatement, soit ultérieurement, le prix du pain ».

Un poids public (bascule) est installé près du pont sur la Gartempe, par décision du conseil municipal en 1931. Le mécanisme est commandé aux usines de la Mulatière du Rhône et les travaux sont réalisés par Édouard Artaud. La charge de la bascule est adjugée par fermage. Le fermier, peseur public assermenté, reçoit la moitié du prix des pesées. Le mécanisme a été démonté vers 1985 et le matériel de pesage se trouve désormais dans une ferme.

En 1940, le conseil municipal délibère pour louer un terrain de sport destiné notamment aux écoliers, pour 18 années, à Alexis Vaillant, au lieu-dit le Bois-du-Pêcher. En 1945, le nouveau conseil municipal considère que la cour de l'école est assez vaste pour accueillir les activités sportives des enfants. Le bail du terrain de sport est annulé en 1946. Ce n'est qu'en juin 1969 que la commune décide la construction d'un « stade municipal à destination sportive et socio-éducative ».

Le château de la Contour est resté propriété de la famille de Moussy jusque dans les années 1930. La préfecture de Paris y a installé une colonie de vacances sous le nom de « Les Cèdres » dans les années 1950, utilisant à la fois le château et des bâtiments neufs construits au nord. Le château est remis en état et les toitures sont modifiées en 1955/1956, avec notamment la création des lucarnes. Le château a ensuite été revendu à un propriétaire privé en 1999.

Le plan d'adduction en eau potable de Jouhet, en 1972, prévoit le forage de 15 puits, 1 borne-fontaine, 4 bouches à incendie, 55 branchements, un réservoir surélevé de 60 m3 et un lavoir de 12 places.

Les derniers équipements publics comme la salle des fêtes ou la station d'épuration sont construits dans la deuxième moitié du 20e siècle.

Un environnement protégé, entre vallées et brandes

La vallée de la Gartempe constitue la limite occidentale de la commune de Jouhet sur un peu plus de 7,2 km. Elle est protégée par un site classé de près de 2 900 hectares qui s'étend sur les communes de Jouhet et Pindray.

La rive droite de la Gartempe est en pente douce au sud de la commune jusqu'au niveau du bourg. La rivière contourne alors une colline qui domine le hameau de Mortioux et l'ancien manoir de Roche. Elle est ensuite bordée de falaises avec des abris-sous-roche colmatés de sédiments au nord-ouest de la commune, falaises qui se poursuivent sur la commune limitrophe d'Antigny. Dans ce secteur, la prairie humide installée sur la haute terrasse, dite la Pièce-aux-Noyers, est protégée par une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de classe 1, en raison de la présence d'une plante que l'on trouve habituellement en zone montagneuse, le Narcisse des poètes.

Plusieurs affluents se jettent dans la Gartempe :

- le ruisseau du Rimorin prend sa source au sud-est de la commune de Jouhet, puis traverse la partie nord de Montmorillon pour se jeter dans la Gartempe, en face du château de Pruniers (commune de Pindray) ;

- le ruisseau du Chambon est constitué de la confluence de plusieurs rus. Il passe au sud du hameau de Rillé puis constitue la limite communale entre Jouhet et Montmorillon. Il se jette dans la Gartempe une centaine de mètres en aval du château de Pruniers ;

- des rus qui se rejoignent dans le bourg où ils sont canalisés et se jettent dans la Gartempe en amont du pont.

Les forêts couvrent aujourd'hui environ 10 % du territoire communal, une superficie assez stable depuis le 19e siècle.

Les terres de brandes représentent près de la moitié de la superficie de la commune, sur un plateau qui culmine à une altitude moyenne de 110 m. Ces terres pauvres ont été partiellement mises en culture mais conservent quelques espaces naturels et des prairies dédiées à l'élevage ovin. Elles sont parsemées d'étangs dont une partie étaient, au Moyen Âge, sous la dépendance de l'abbaye de Saint-Savin. À l'est de la commune, les brandes sont protégées dans une ZNIEFF de classe 2, dite des Brandes-d'Haims, et par une zone de protection spéciale dite des Brandes-de-la-Pierre-Là, qui s'étendent toutes deux sur les communes d'Haims, Jouhet et Journet, et concentrent 16 espèces de plantes rares et/ou menacées, comme le flûteau nageant, et 15 espèces d'oiseau (courlis cendré, fauvette pitchou, busard gris, etc.).

Architecture et habitat

L'inventaire du patrimoine de la commune de Jouhet a repris les éléments étudiés de l'inventaire préliminaire réalisé en 1976, soit 35 éléments, dont 20 maisons ou fermes. Il a par ailleurs permis l'étude de 156 maisons, fermes et anciennes fermes, dont 136 ont fait l'objet d'un dossier documentaire et 29 d'un dossier plus détaillé.

Ont été prises en compte les constructions antérieures aux années 1950, à l'exclusion de celles qui sont trop remaniées pour comprendre l'état d'origine et des lotissements.

Le bourg et les hameaux de Rillé, Mortioux, Peufavard, la Cadrie, le Pouilloux et la Grange ont fait l'objet d'une synthèse sur l'organisation des constructions.

Le patrimoine religieux

L'église

L'église Notre-Dame est construite de la fin du 11e siècle au 14e siècle. Le chœur est voûté d'une croisée d'ogives de style angevin. La construction de cette voûte a entraîné la reprise des contreforts à la jonction de la nef et du chœur et des contreforts du chevet. Les deux colonnes séparant la nef du chœur présentent chacune un départ d'ogives qui suggère un projet non réalisé d'une nouvelle couverture de la nef. La nef semble avoir été surélevée après la guerre de Cent Ans, avec une reprise partielle des contreforts nord et sud entre la première et la deuxième travée. Le clocher pourrait dater du 17e siècle.

En 1805, la famille de Moussy offre à l'église un ensemble d'objets liturgiques (ostensoir, calice et patène), réalisés entre 1798 et 1805 par Antoine-Henry Dubois, orfèvre à Paris.

La sacristie est reconstruite en 1885/1886 selon les plans de Alexandre Jouillat, entrepreneur : les plans, projets et devis sont approuvés par délibération municipale le 22 juin 1885. Le mobilier religieux est renouvelé par l'achat de trois nouveaux autels probablement réalisés par l'un des ateliers de sculpture de Poitiers, l'atelier Saint-Hilaire ou celui de Saint-Savin.

Les deux cloches et le tocsin sont refondus en 1948 par les ateliers Louis Bollée & fils. L'une d'elle est dédiée « à la mémoire des enfants de Jouhet / morts pour la France en 1914-1918 et 1940-1945 ».

La chapelle Sainte-Catherine

Aujourd'hui située à l’extrémité du pont de la Gartempe, cette petite chapelle dédiée à la Vierge et à Sainte-Catherine conserve des peintures murales exceptionnelles. Datant de la fin du 15e siècle, elles sont classées au titre des monuments historiques depuis 1906.

Cette chapelle, à vocation funéraire et aux dimensions modestes (environ 6 m sur 4,50 m à l'intérieur), est implantée dans l'emprise de l'ancien cimetière qui entourait l'église. Elle a été fondée le 10 juillet 1476 par Pierre du Boschage, curé de la paroisse de Jouhet, pour Jean de Moussy, dont le château de La Contour se trouve à proximité.

L'artiste s'est attaché à peindre de nombreux détails, même si certains traits sont malhabiles, comme on peut le voir par exemple sur l'oreille d’Ève ou les pieds d'Adam et Ève.

Les fonds et les bases de certaines scènes, comme le Dit des trois vifs et des trois morts ou l'Adoration des mages, sont animés avec des animaux sur fond de prairie fleurie. Des phylactères (banderoles) portant des textes en latin expliquent la signification de nombreuses scènes.

Sur la retombée nord de la voûte, le registre inférieur est consacré au Dit des trois vifs et des trois morts. Sur le registre supérieur sont peintes deux scènes tirées de la Genèse : la Création d’Ève et la Tentation d'Adam et Ève.

La Création d’Ève est une scène assez peu représentée, mais les artistes du 15e siècle connaissaient la peinture qui en a été proposée quelques siècles plus tôt, une dizaine de kilomètres plus au nord, sur la voûte de l'abbaye de Saint-Savin. Alors que Dieu tient encore dans les mains la Terre qu'il vient de créer (figurée sous la forme d'un nimbe orné d'une croix), Ève jaillit du corps endormi d'Adam sous le regard de deux anges.

Sur la scène suivante, sur un fond de prairie fleurie, Adam et Ève, cachant leur sexe derrière une feuille dentelée (figuier ?), encadrent, de manière assez classique, l'arbre autour duquel s'enroule le serpent.

Le cycle de l'Enfance du Christ commence à droite du mur oriental et se poursuit sur le registre inférieur de la retombée sud de la voûte de la chapelle. De gauche à droite, les scènes représentées sont les suivantes : l'Annonciation, la Nativité, l'Annonce aux bergers, l'Adoration des mages.

Le message porté pour le visiteur de la chapelle funéraire - même si Jean de Moussy n'a finalement pas été inhumé ici - insiste sur la vie dans l'au-delà. Le Christ en Majesté, encadré du symbole des quatre Évangélistes (Tétramorphe), a été peint sur un espace privilégié, que l'on voit immédiatement en entrant dans la chapelle, à l'extrémité orientale de la voûte. Sous ses pieds se trouve une représentation mal conservée de l'Enfer. Avant d'être précipité en Enfer, le Chrétien doit faire attention tout au long de sa vie, morale de la légende des Trois vifs et des trois morts peinte sur la voûte du côté nord, en face d'une représentation très détaillée du Jugement dernier : un ange soufflant dans un cor réveille les âmes, sous le regard du Christ, de la Vierge et d'un ange portant une grande croix ; les Élus sont accueillis par saint Pierre, à la porte d'un château à deux tours crénelées symbolisant le Paradis.

Sur le mur est de la chapelle et dans l'ébrasement de la fenêtre, plusieurs saints sont représentés, dont probablement saint Nicolas accompagné de deux enfants et saint André portant une croix. À l'entrée de la chapelle, sur les retombées nord et sud de la chapelle, deux personnages se font face. Pour Joseph Salvini, il s'agirait de Jean de Moussy face à sa femme, Pernelle Ébrard, qui lui a apporté le château de la Contour. Mais Claudine Landry-Delcroix identifie le personnage du côté nord plutôt à saint Antoine, grâce à la présence, à la jonction avec la scène voisine, d'un cochon, attribut de ce saint, et celui du côté sud, à Pierre de Boschage, donateur de la chapelle, présenté par sainte Catherine.

Par ailleurs, la chapelle conserve son autel avec un élément de retable en pierre marbrière doté d'une bordure moulurée en relief, de la fin du 15e siècle, ainsi qu'un Christ en croix retrouvé récemment dans l'ancien presbytère. Il devrait être restauré prochainement.

Deux dalles funéraires anonymes, de la même période, sont insérées dans le dallage de la chapelle. Une troisième date du milieu du 19e siècle ; elle est dédiée à Jérôme Victor d'Auboutet de la Puiserie (1768-1852).

Château et manoirs

Le château et les manoirs médiévaux de Jouhet ont été reconstruits au 19e siècle, dans leur ensemble (château de la Contour) ou en grande partie (logis et manoirs de la Cadrie, de Roche ou d'Isse). Le manoir de la Ferrandière est quant à lui en ruine.

Le château de la Contour

Sur le plan cadastral de 1840, l'ancien château se composait de corps de bâtiments organisés autour d'une cour, avec une tour au nord-est et le pigeonnier à l'est. Des communs se trouvaient au sud, les bords de Gartempe, la partie nord vers l'église et l'ancienne chapelle funéraire ainsi qu'un grand parc au sud étaient organisés avec de grandes allées. La glacière était située à l'est, en bordure nord de la grande allée qui partait de l'ancienne route de Montmorillon vers le bourg et le bac de Jouhet.

Le château est reconstruit à partir de 1863 en moellons enduits et en pierre de taille pour les chaînages d'angle, le soubassement et les pleins de travée. L'une de ses façades est tournée vers une terrasse donnant sur la Gartempe à l'ouest et l'autre s'offre à la vue des visiteurs depuis la grille et l'allée cavalière à l'est. Le château, couvert de toitures en ardoises à longs pans et croupes, est composé d'un corps central flanqué de deux ailes formant un U vers l'est. Il comprend un sous-sol, un rez-de-chaussée surélevé précédé d'un perron et un étage.

Propriété de la famille de Moussy jusque dans les années 1930, il abrite ensuite une colonie de vacances de la préfecture de Paris avant d'être vendu à nouveau en 1999. C'est aujourd'hui une propriété privée qui ne se visite pas.

De grosses fermes, propriétés du comte de Moussy et figurées sur la carte de Cassini, ont pu être le siège de métairies ou de petits manoirs. Ainsi, la métairie de Roche contrôle le moulin situé sur l'autre rive (communes d'Antigny et Leignes-sur-Fontaine), à l'amorce d'une inflexion de la Gartempe.

Le manoir de la Cadrie

Une première construction à la Cadrie est attestée au 15e ou 16e siècle. Un linteau orné d'une accolade, les jours à encadrement chanfreiné sur le pignon ouest du logement et les cheminées témoignent de cette première phase de construction, ainsi probablement que le pigeonnier, qui porte un graffiti avec la date 1607 et compte 1 420 boulins répartis sur 29 étages et desservis par une échelle tournante en bois. Le logement principal du manoir est remanié en 1826, date portée sur le linteau de la porte.

La Canne

Une partie du corps de logis du domaine de la Canne date du 17e ou du 18e siècle, ainsi qu'en attestent les baies à appui saillant mouluré et encadrement chanfreiné du second logement et la porte à encadrement chanfreiné et linteau en accolade surmonté d'une croix de la remise. Jacques Bernaud, commerçant à Montmorillon, fait construire un nouveau logement dans les années 1850. La chapelle est consacrée en 1863 par monseigneur Pie, évêque de Poitiers, à la demande de l'un des trois fils de Jacques Bernaud, le chanoine Benjamin Bernaud (21 avril 1825 - 2 décembre 1907), vicaire général de Poitiers.

Les maisons et les fermes

Voir la synthèse maisons et fermes à Jouhet (IA00045060).

Croix de chemin

Huit croix de chemins ont été repérées sur le territoire communal. Une seule, aujourd'hui disparue, est figurée sur le plan cadastral de 1840, à l'angle de la rue de l'Ancien-Charron et de la rue de la chapelle, qui était alors l'accès principal au bac. Rue du Petit-Ruisseau, une croix ne conserve que son socle. En 1976, une croix près de Sigiée ne conservait que son fût, elle a depuis été remontée par les propriétaires de la ferme voisine. L'abbé Reix avait proposé de dater cette croix du 18e siècle. Le fût de la croix de la Roche a quant à lui disparu, il n'en subsiste aujourd'hui que le socle envahi par la végétation. Parmi les autres croix, certaines sont très simples, en bois sur un socle maçonné, témoignages le plus souvent de missions au 19e et au début du 20e siècle.

NB : Les photographies sont classées dans l'ordre du dossier et non dans l'ordre habituel (documents graphiques, documents anciens, photographies actuelles).

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