Inventaire du patrimoine roman en Poitou-Charentes
Cahier des clauses scientifiques et techniques
La région Poitou-Charentes conserve un important patrimoine roman, réparti sur l’ensemble du territoire régional. Cette richesse est aussi bien quantitative (40 % des édifices régionaux protégés sont identifiés comme romans ou partiellement romans) que qualitative, comme en témoigne nombre d’édifices majeurs comme l’abbaye de Saint-Savin (fresques inscrites au patrimoine mondial de l’humanité), les églises Saint-Pierre d’Aulnay, Notre-Dame-la-Grande à Poitiers, célèbres pour leur décor sculpté, mais aussi Saint-Hilaire de Melle, Saint-Eutrope de Saintes, inscrits au patrimoine mondial de l’humanité au titre des chemins de Saint-Jacques (avec l’hôpital des pèlerins de Pons et l’abbaye royale de Saint-Jean-d’Angély).
La reconnaissance et la valorisation de ce patrimoine relèvent de différentes actions mises en œuvre, en Poitou-Charentes, depuis plusieurs dizaines d’années.
En 1953, la direction de l’enseignement supérieur crée à Poitiers le Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (CESCM) ; ce choix s’explique en partie par la richesse monumentale de la région. L’installation du CESCM a particulièrement favorisé l’étude, voire la redécouverte, du patrimoine roman régional. Dans le domaine de la restauration, la 2ème loi de programme relative à la restauration des monuments historiques et à la protection des sites (1967) a distingué l’intérêt des édifices romans régionaux ; 30 églises « romanes saintongeaises » ont ainsi bénéficié des crédits alloués à cette opération nationale.
L’Année romane, en 1976, a permis de révéler au public la qualité et la densité de l’art roman sur le territoire régional. L’implication des différentes institutions, tant État que collectivités locales, a connu par la suite un renforcement : protection de 14 églises de l’arrondissement de Cognac et 20 églises de Haute-Saintonge lors de commissions de protection thématiques de 1991 et 2000 ; poursuite de la restauration des édifices romans ; mise en œuvre et/ou soutien aux projets de valorisation culturelle et touristique tels que le CIAM (Centre international d'art mural à Saint- Savin), la route des abbayes romanes, Charente romane…
Cet engagement s’est traduit dans le contrat de plan État-Région 2000-2006 par l’inscription de plusieurs mesures en faveur du patrimoine roman, au titre des ensembles patrimoniaux labellisés (accompagnement et coordination des actions d’éducation et d’animation, programme d’intervention/restauration sur le patrimoine majeur).
En 2005, la Région Poitou-Charentes a engagé un plan d’action portant sur l’art roman. Les objectifs sont d’animer, de donner à voir et de comprendre le patrimoine dans une dynamique de modernité, d’ouverture et de développement. Il se décline en 6 axes :
1 - Partager et construire ensemble un projet régional
2 - Créer un réseau régional de ressources
3 - Donner à voir et à comprendre l’art roman
4 - Soutenir les projets territoriaux
5 - Faire rayonner la Région avec le festival Nuits Romanes
6 - Bâtir autour de l’art roman un vrai projet touristique.
Dans ce contexte, et au titre de sa compétence nouvelle en matière d’inventaire général du patrimoine culturel, la Région Poitou-Charentes engage une opération d’inventaire du patrimoine roman. Cet inventaire est conduit par le service régional d’inventaire. Il porte sur trois aspects :
- un état des lieux de la documentation existante (sources, bibliographie, notices d’inventaires, photographies, plans et dessins) sur le patrimoine roman,
- l’opération d’inventaire elle-même, visant à constituer un corpus documentaire homogène sur les édifices (au moins partiellement) romans de la région,
- la participation à la définition et à la réalisation de restitutions des résultats, qui seront notamment intégrées sur le site internet du Conseil régional.
Les objectifs de l’inventaire du patrimoine roman :
- contribuer à la connaissance du territoire régional
- disposer d’une base de données homogène accessible à tous les publics
- abonder les politiques culturelles et touristiques régionales : plan Art roman, plan Lumière, plan Vallées
- faciliter les projets de mise en valeur culturelle et touristique des territoires
- identifier des sujets de recherche qui pourraient être traités dans un partenariat avec l’Université.
Les collaborations
La Région (service de l’inventaire du patrimoine culturel) conduit l’inventaire du patrimoine roman. Elle s’appuie en particulier sur les compétences suivantes :
- Le Centre d’études supérieures de civilisation médiévale (CESCM), université de Poitiers/CNRS
Les chercheurs du CESCM de Poitiers travaillent depuis de nombreuses années sur les différentes productions artistiques de la période romane. Plusieurs projets collectifs de recherches concernent directement le patrimoine roman en Poitou-Charentes.
- Le Centre régional d’art roman, Région Poitou-Charentes
Installée à Melle, cette structure régionale assure la maîtrise d’ouvrage du plan Art roman.
- Les médiateurs culturels des pays
Ces médiateurs sont les relais naturels auprès des élus et des associations.
- Les animateurs du patrimoine des Villes et Pays d’art et d’histoire
Les villes et pays d’art et d’histoire étudient, animent et mettent en valeur un grand nombre d’édifices romans.
- La Direction régionale des affaires culturelles de Poitou-Charentes, Conservation régionale des monuments historiques (CRMH).
Les édifices romans protégés ont été l’objet de nombreuses campagnes de travaux. Les dossiers de demande de protection, les études préalables et les dossiers de travaux constituent un fonds documentaire important pour la connaissance du patrimoine régional protégé.
- L’association des conservateurs de musée de Poitou-Charentes
Les musées de Poitou-Charentes conservent un certain nombre d’objets provenant des édifices romans régionaux et élaborent actuellement une exposition autour de « l’âge roman », prévue en 2010.
Un comité scientifique réunissant notamment des représentants et des experts de ces structures a été mis en place par la Région (délibération 07CP0483 en date du 19 novembre 2007).
Les quatre départements formant la région Poitou-Charentes composent l’aire géographique de l’étude. L’importance quantitative du patrimoine roman nécessite l’établissement d’un corpus de monuments à étudier pendant la durée de l’opération. Ce corpus est à établir en concertation avec le comité scientifique.
Les objets romans conservés dans les édifices publics non gardés (1) sont concernés par l’inventaire. Les objets provenant d’édifices romans déposés dans les musées ne seront pas étudiés mais ils seront signalés dans le dossier documentaire du monument.
La période chronologique retenue s’étend de la fin du Xe siècle au début du XIIIe siècle. Elle a été définie afin de :
- prendre en compte les débuts de la période romane, la région conservant des témoins majeurs des premières manifestations de l’art roman (par exemple Saint-Généroux, Civaux, Saint-Pierre-les-Eglises).
- prendre en compte la permanence des formes romanes sur l’ensemble du territoire alors que se développe l’architecture gothique.
L’art roman est depuis longtemps un domaine de la recherche en Poitou-Charentes. De récentes thèses, des projets collectifs de recherche associant archéologues, historiens d’art et historiens ont renouvelé le regard sur ce patrimoine, apportant de nouvelles datations et de nouvelles interprétations.
Mené en étroite collaboration avec le monde universitaire, cet inventaire thématique permettra d’étudier l’ensemble du corpus picto-charentais à partir des dernières données de la recherche.
Ce travail constitue une base documentaire multimédia (textes et images) homogène sur le patrimoine roman, accessible aux habitants et aux acteurs des territoires, associée à un recensement des sources et de la documentation régionale intéressant ce domaine.
Cet inventaire thématique induit une approche monographique, prenant en compte le site (implantation, réseau viaire….). Chaque édifice sera étudié dans sa totalité : les parties romanes mais aussi les restaurations postérieures qui ont permis à l’édifice de parvenir jusqu’à nous.
Cette phase a pour objet de faire le point sur l’état de la recherche, monument par monument, afin de déterminer le niveau d’enquête.
Documentation préalable systématique
- dépouillement des principales sources d’archives accessibles
-dépouillement des dossiers documentaires de la conservation régionale des monuments historiques de Poitou-Charentes
- dépouillement de la bibliographie et recensement des documents figurés disponibles.
Lieux ressources :
- la médiathèque du patrimoine (direction de l’architecture et du patrimoine) ;
- la maison du Moyen Âge (CESCM/médiathèque François Mitterrand de Poitiers/ service commun de documentation de l’université de Poitiers/ centre de documentation du patrimoine du Service de l’inventaire) ;
- les bibliothèques municipales de Niort, Angoulême, La Rochelle et Saintes ;
- les bibliothèques des sociétés savantes ;
- les services d’archives diocésaines.
Élaboration d’une grille de recensement
Elle est constituée des champs obligatoires de la base de données nationales :
- numéro de référence de l’édifice
- date de l’enquête et nom de l’enquêteur. dénomination de l’œuvre
- localisation de l’œuvre : commune, lieu-dit, adresse, références cadastrales
- description
- datation
- typologie provisoire à définir en amont de l’enquête.
Choix d’une zone-test
Ce test permettra d’établir les données minimales et maximales qui peuvent être recueillies dans le cadre d’un inventaire thématique, d’affiner la grille d’enquête afin d’élaborer des dossiers d’enquête monographique relativement homogènes pour l’ensemble des édifices à étudier, et proposer ainsi des synthèses régionales (typologique, historique,…).
Information auprès des élus et de la population
- Rencontre préalable avec les médiateurs culturels de pays pour faire connaître l’enquête en cours, les objectifs, les édifices concernés.
- Présentation du projet à l’occasion de réunions de travail avec les associations culturelles dans les Pays.
- Avant l’enquête sur le terrain : information par courrier à faire auprès des maires des communes, des propriétaires des édifices (communes majoritairement propriétaires des édifices étudiés), des préfets, du clergé.
Les données collectées sont saisies de manière systématique et homogène, de façon à obtenir une cohérence dans les résultats et à pouvoir faire des décomptes, des comparaisons, établir des typologies. Les dossiers documentaires de ces monuments seront alors intégrés dans les bases Mérimée et Palissy (pour les objets, notamment le décor sculpté et peint).
Les objets et le décor porté (sculpture, peinture) seront recensés lors de l’enquête. Les peintures murales seront étudiées par le chercheur en charge des objets mobiliers. Le Corpus vitrearum, unité mixte de recherche 86-97 du CNRS, doit étudier les vitraux de Poitou-Charentes : les résultats concernant l’époque romane seront intégrés à l’étude du patrimoine roman.
Les chercheurs réaliseront une couverture photographique des édifices, complétée selon les besoins par une campagne photographique professionnelle.
Les données textuelles, iconographiques et documentaires sont indexées grâce à l’application de production et de diffusion (enquête commec Renabl Lyon 6 ; enquête terminée dans l'application Gertrude). Elles sont liées entre elles et géo-référencées sur les fonds de carte numérisés IGN (éch. : 1/25 000) ou, lorsque les fonds numériques sont disponibles et nécessaires, sur le cadastre numérisé.
Pour chaque édifice, le dossier documentaire contient au minimum :
- les informations de la grille de repérage ;
- un dossier photographique ;
- un point de géo-référencement ;
- la ou les sources documentaires s’y rapportant.
- un plan légendé sera joint si nécessaire.
La base de données est constituée de :pour l’architecture :
- 1 fiche de présentation régionale de l’étude (synthèse régionale),
- 4 fiches de présentation départementale (synthèses départementales),
- les dossiers d’architecture : pour chaque édifice est constitué un dossier consacré à son étude globale. Quand le bâtiment a déjà fait l’objet d’une étude d’inventaire, le dossier reprend l’ensemble des données antérieures ainsi que le numéro de référence. 200 monuments romans (ou partiellement romans) ont été inventoriés lors de campagnes précédentes.
Ces dossiers seront complétés si nécessaire,
- pour les objets (décor majeur sculpté et/ou peint), un dossier intégré dans la base Palissy ;
- d’un ensemble de textes associés, annexes et synthèses selon les besoins, liés aux dossiers d’architecture ou d’objets ;
- de références documentaires liées aux dossiers concernés ;de documents figurés, photographies, cartes et plans, liés aux différents dossiers.
L’exploitation de la base de données permettra notamment de réaliser des synthèses régionales, infra- ou supra-régionales. Par exemple :
- l’établissement de typologies des formes architecturales des édifices : chevet, nef , clocher des églises ; évolution des donjons…
- l’étude des principes constructifs
- l’étude des réseaux et dépendances entre établissements religieux et/ou castraux
- la définition de groupes d’influence stylistique
Les résultats de l’enquête sont validés, sur le plan scientifique, par le comité scientifique mis en place par la Région.
Les dossiers documentaires, regroupés par pays/communautés d’agglomération, seront remis sous forme électronique et papier aux collectivités territoriales concernées.
Les dossiers seront également consultables sur un site Internet. Ce site devra être accessible à tout public, y compris aux personnes en situation de handicap.
L’ensemble de la documentation sera mis à la disposition du public au centre régional de documentation du patrimoine.
Les autres actions de valorisation seront définies par la Région en fonction des besoins et pourront comprendre notamment :
- des conférences ;
- des expositions ;
- des publications.
La démarche d’inventaire sera mise en œuvre par deux chercheurs à temps plein du service de l’inventaire du patrimoine culturel. Seront également mobilisées les compétences dont dispose le service dans le domaine de l’histoire de l’art, de l’étude des objets mobiliers, de la documentation, des bases de données, du dessin et de la cartographie, de la photographie, de la coordination éditoriale, de l’édition multimédia en ligne.
Le comité scientifique se réunit 2 fois par an. Il a pour fonction d’assurer :
- le suivi scientifique de l’enquête ;
- la validation du CCST et des documents d’information qui seront produits au cours et au terme de l’enquête.
Des membres du comité scientifique seront sollicités pour la validation de la grille d’enquête ainsi que pour un suivi particulier de l’enquête et du contenu des documents produits.
(1) Il s’agit principalement des objets présentés dans les églises. Sont ainsi exclus de l’enquête les objets conservés ou déposés dans les musées, les dépôts de fouilles, les trésors des cathédrales.