Patrimoine et inventaire de Nouvelle-Aquitaine

L'apparition du protestantisme à Aubusson ne peut être datée avec exactitude, mais il fut sans doute implanté dans la cité grâce aux relations commerciales étroites qu'elle entretenait avec Lyon et Genève, qui facilitèrent la circulation des idées réformées. En 1561, il existait déjà un groupe de protestants suffisamment organisé à Aubusson pour demander l'envoi d'un pasteur de Genève, afin d'assurer la tenue régulière d'un culte.

Durant toute la seconde moitié du seizième siècle, les deux communautés catholique et protestante de la ville coexistèrent pacifiquement. C'est dans ce contexte de calme que les protestants aubussonnais songèrent à se constituer un patrimoine immobilier, à partir duquel envisager la construction d'un édifice de culte pérenne. Le 13 septembre 1570, un commerçant protestant du nom d'Antoine Cellérier vendit à la communauté réformée une parcelle de terrain située en ville, sur laquelle devait être bâti le futur temple.

Le 17 février 1583, encouragée par les nouveaux édits visant à protéger l'exercice de sa religion, la communauté protestante d'Aubusson acquit une autre parcelle, jouxtant la précédente. L'Edit de Nantes (1598) donna enfin l'occasion aux réformés aubussonnais, qui jusque-là célébraient leurs offices en secret, de sortir de leur vie clandestine. Le 14 février 1600, en application de l'Edit, deux officiers de Guéret se rendirent à Aubusson et y notifièrent à la population la décision d'y fonder un lieu d'exercice officiel de la religion protestante, pour toute la province. Toutefois, ils ne tinrent pas compte d'une décision antérieure, datée de 1562, qui avait désigné la ville de Guéret elle-même, au titre de chef-lieu de la sénéchaussée, pour accueillir ce lieu d'exercice du culte protestant dans toute la Marche. Cette confusion avait son importance, car il en découlait le droit de pratiquer sa religion dans l'enceinte de la cité, ou seulement dans ses faubourgs. Néanmoins, le flottement entre les deux villes subsista, au bénéfice d'Aubusson.

Le 1er février 1603, un arrêt du Parlement de Paris attribua aux protestants le cimetière sis au lieu-dit du Prévigier (actuelle place du Marché), entérinant ainsi leur implantation à Aubusson.

Selon un contrat conservé aux Archives Départementales de la Creuse, les représentants de la communauté réformée d'Aubusson engagèrent le 24 mars 1602 un certain Jean André, originaire de Felletin, pour "faire et parfaire à ses propres coûts et dépens de tous bois et charpenterie la levée d'un bâtiment qu'ils entendent construire en cette dite ville, au lieu qu'ils ont acquis des hoirs de feu Antoine Cellérier pour faire leurs prières et leurs oraisons", pour la somme de 184 livres. Ce terrain portait encore les vestiges d'une ancienne tannerie.

Mais l'établissement du temple d'Aubusson n'était toujours concédé que de manière tacite, puisque rien n'était venu affirmer la préséance d'Aubusson sur Guéret. Les catholiques tirèrent parti de cette négligence pour s'opposer à la construction du temple à l'emplacement de l'ancienne tannerie Cellérier. Les travaux furent donc interrompus, dans l'attente de l'examen de leur plainte par le Parlement de Paris.

Dans un premier temps, le Parlement donna satisfaction aux protestants et leur accorda, le 2 juin 1603, le droit de pratiquer librement leur culte en ville. L'édification du temple reprit.

Toutefois, les escarmouches entre protestants et catholiques se multiplièrent à partir de 1661-1662 - les réclamations de ces derniers étant portées par les pères Récollets, très actifs dans la Contre-Réforme. Au terme de ces conflits, un arrêt du Conseil du Roi, pris le 9 mars 1663, ordonna la fermeture du temple protestant et sa destruction.

A partir de cet arrêt, l'exercice du culte réformé fut donc proscrit dans la ville d'Aubusson et la communauté protestante reçut l'ordre de transporter son temple à 500 toises de la dernière maison des faubourgs. Le 5 avril 1663, l'intendant de Moulins adjugea aux réformés d'Aubusson un terrain situé près de la route de Clermont-Ferrand, au lieu-dit de Combesaude, pour y faire bâtir un nouvel édifice de culte. Le temple y fut reconstruit selon les dimensions du précédent.

Le 1er octobre 1663, le terrain de l'ancien temple de la rue Vieille fut vendu à un membre de la communauté protestante, le marchand tapissier André Bertrand, mais avec une servitude de passage sur la ruelle du Prêche - que les membres de cette religion, et surtout ceux d'entre eux qui étaient commerçants, purent continuer à fréquenter librement.

Quant à l'école qui était attenante au premier temple, le roi permit le 29 novembre 1663 qu'elle soit transférée au faubourg du Bat, proche de son nouvel emplacement.

Le temple de la Combesaude n'eut qu'une brève existence : il ferma ses portes en 1685, avant même que la Révocation de l'Edit de Nantes n'en fasse une obligation. Cette fermeture fut en effet la conséquence d'une infraction : on avait admis aux offices des enfants de nouveaux convertis âgés de moins de 14 ans. Mais elle fut surtout utilisée comme un ultime moyen de pression pour provoquer des abjurations parmi les réformés (il y en eut pas moins de 200 en deux jours, les 19 et 20 octobre 1685, à Aubusson).