Château Sacchino puis Casino du Pavillon Royal aujourd'hui villa Les Ailes

France > Nouvelle-Aquitaine > Pyrénées-Atlantiques > Bidart

D'après les matrices cadastrales, la parcelle 65 de la section A du plan cadastral de 1831 fut achetée en 1876 par la Société anonyme des Bains de mer de Castel-Biarritz créée à Paris la même année. Les 30 hectares de terrain étaient situés à Ilbarritz, bordés à l'est par le chemin de Biarritz à Bidart et à l'ouest par l'océan. La société projetait d'installer une petite station comprenant un casino, un établissement de bains et plusieurs villas. D'après la presse locale, l’ouverture était prévue à l'automne 1877. Selon le registre des délibérations, la commune de Bidart accueillit favorablement le projet. Elle autorisa la société à construire un chemin d’accès à la plage et loua les terrains mitoyens pour qu’ils puissent être transformés en prairie et en bois. Malgré les encouragements de la commune, le projet ne fut jamais achevé. La Société fut déclarée en faillite et le chantier abandonné. D’après les matrices cadastrales, un pavillon avait été notamment construit et correspond à la maison observant un plan en T dotée d'une tour circulaire dans l'un des angles rentrants. Cette maison, qui existe toujours, fut transformée ensuite en communs.

L'ensemble est acheté en décembre 1883 par un pharmacien de Biarritz, Jules Moussempès. Toutes les conditions sont réunies pour ouvrir un sanatorium et un centre de balnéothérapie associant bains chauds et froids. Le projet échoua toutefois une seconde fois et le projet fit faillite. Le 17 janvier 1891, une vente eut lieu au tribunal avec une mise à prix de 2000 francs correspondant à la valeur des terrassements.

Le Castel-Biarritz fut acquis en 1892 pour la reine Nathalie de Serbie (1859-1941). Elle s'était mariée le 5 octobre 1875 avec Milan Obrénovitch, alors prince de Serbie. Lorsque la Serbie devint indépendante et fut érigée en royaume le 6 mars 1882 (traité de Berlin de 1878), son époux en devint le premier roi et elle la première reine. Milan 1er se distinguait toutefois par sa violence et ses infidélités. En 1889, il abdiqua au profit de son jeune fils Alexandre 1er et installa une régence en attendant sa majorité. Milan 1er répudia finalement Nathalie de Serbie en 1891, l'obligeant à partir en exil et à se réfugier à Paris auprès de sa sœur, la princesse Ghika, épouse du prince Eugène Ghika, ministre de Roumanie. Sur les conseils du prince de Galles, le futur Edouard VII, les deux sœurs se rendirent à Biarritz une première fois au printemps 1891. Elles se mirent en relation avec l’agence immobilière de Victor Benquet qui leur loua la villa Ruiz à la Négresse. C’est également ce dernier qui les informa de la vente du Castel-Biarritz par Jules Moussempès. Les avoirs de Nathalie de Serbie étant bloqués en Serbie, c’est la princesse Ghika qui acquit le domaine en 1892 pour le compte de sa sœur pour la somme de 150 000 francs. Des travaux furent immédiatement engagés et confiés à l'architecte parisien Octave Raquin. Nathalie de Serbie fit construire une remise et une écurie attenantes au pavillon existant et le château de plan massé d'une conception néo-XVIIIe. Elle fit également planter des centaines de pins et aménager un parc. D'après la presse locale, Nathalie de Serbie donna une première réception en octobre 1894 afin de présenter ses nouveaux salons. Très active dans des œuvres de charité, elle était très aimée de la population. Elle nomma la demeure « Sacchino » en l’honneur de son fils Alexandre 1er dont le diminutif était Sacha. Ce dernier fut autorisé finalement à rendre visite à sa mère à Bidart, une première fois en 1895 et une seconde fois pendant l'été 1897. Sa liaison avec la dame d’honneur de sa mère, la baronne Draga Maschine, jeta toutefois un froid dans leur relation. Souffrant de mélancolie profonde, Nathalie de Serbie continuait malgré tout à recevoir quelques proches, dont le roi de Suède Oscar II, le peintre Léon Bonnat et sa sœur, et organisait chaque année une fête parmi les plus courues de Biarritz. Alexandre 1er et Draga, très impopulaires en Serbie, furent renversés et assassinés en 1903. Nathalie de Serbie ne quitta plus alors le deuil et abandonna définitivement le château Sacchino en 1905. Elle se retira au couvent des Dames de Sion à Paris en 1910. Sa sœur géra alors la propriété. Durant la Première guerre mondiale, elle fonda la Fondation Sacchino qui administrait l'hôpital bénévole n°154, installé dans la demeure. Il comportait 45 lits réservés aux officiers. Après la guerre, la propriété fut vendue au marquis de Fuente Hermosa, Felipe Pardo, alors nouvellement propriétaire du Château Caradoc à Bayonne et frère de José Pardo qui, quelques années plus tard, construisit pour sa fille, la villa Pardo à Bidart. Le marquis projetait de créer à Ilbarritz un Country-club de luxe.

Il semblerait que le projet ait été repris par Edmond Hieulle, industriel parisien reconverti dans l’hôtellerie après la guerre et administrateur de la Société Paris-Province à l'origine du lotissement du Domaine d’Ilbarritz. D’après la presse locale, ce dernier entreprit des travaux afin d’installer un premier restaurant au rez-de-chaussée du château. Ce dernier prit le nom de « Pavillon Royal » en mémoire de Nathalie de Serbie et fut inauguré le 25 août 1924. Durant cette saison tardive, des spectacles de danses étaient organisés sur le lac artificiel situé dans le jardin, des thés dansants étaient donnés dans le parc et des soirées à thèmes ou de bienfaisances se déroulaient à l’intérieur de la demeure. En avril 1925, Edmond Hieulle créa la Société Anonyme du Pavillon Royal et décida de développer son activité autour d'un restaurant, d'un dancing et d'un casino. D’après la presse locale, il chargea Charles Siclis d'agrandir la demeure. Une grande aile, plus longue que le château initial, fut ainsi construite contre la façade est. Elle était destinée à accueillir au nord la salle des fêtes et au sud dans une rotonde la salle de jeu, tandis que la demeure existante abritait au rez-de-chaussée l’immense salle de restaurant avec une scène pour les spectacles et au 1er étage les bureaux de l’administration et les loges d’artistes. Le casino, qui prit le nom de « Royal Ilbarritz Club », fut inauguré en août 1926. La grande aile de Charles Siclis est visible sur les plans dessinés par les architectes-paysagistes Gélos qui furent choisis pour l’aménagement du parc. Ces derniers créèrent des gradins en hémicycle autour du lac artificiel et de la scène entourée d'une colonnade qui existaient au temps de la Reine Nathalie. Le carré d’orchestre entouré de bosquets fut installé quant à lui au sud des gradins. L’ensemble était entouré de deux larges allées au nord et au sud qui reliaient la demeure à l’entrée de la propriété. La terrasse donnant sur l'océan fut agrémentée d’un dancing et d’une scène visible depuis la salle de restaurant. La saison de l’année 1925 fut ponctuée de nombreuses fêtes dont la plus importante fut la fête Franco-Espagnole. Organisée autour du thème du traité des Pyrénées signé en 1659 par Louis XIV et Philippe IV, elle prit le nom "Il n'y a plus de Pyrénées". Pour l'occasion, un ouvrage réunissant l'iconographie relative à cet événement historique et destiné à la vente fut réalisé en collaboration avec le musée du Louvre. Les bénéfices furent donnés en faveur de la Croix-Rouge française et espagnole pour les blessés du Maroc. Lors de la soirée, on compta 900 convives réunissant la haute société française mais aussi étrangère. De somptueux galas et spectacles furent organisés chaque année avec des décors conçus par Numa et Chazot et les frères Gélos pour les créations paysagères éphémères. La saison de l'année 1927 fut tout aussi riche en évènements avec des thés dansants organisés tous les jours mais aussi des spectacles de danses, d’acrobaties, de tango et de jazz.

Malgré le succès de l'établissement, les recettes ne suffirent pas à couvrir le coût de l'investissement. En juin 1928, il fut cédé à la société de Chiberta, à l'origine de la création du golf du même nom. Cette société appartenait au financier belge Alfred Loewenstein, classé troisième fortune mondiale grâce notamment à ses investissements dans les tramways et les usines hydroélectriques. Mais en juillet 1928, Alfred Loewenstein tomba de son avion dans des circonstances mystérieuses et se tua. D’après les archives communales, Maurice Bastard, en tant qu’administrateur délégué de la « Foncière Européenne », reprit l’actif de la Société d’Ilbarritz et du Pavillon Royal afin de faire prospérer cet établissement. Cette même année, la société avait également repris le Golf de Chiberta à Anglet. Toutefois la presse locale n’évoqua pas la réouverture du « Pavillon Royal » cette année-là et en 1929 l'établissement était considéré comme abandonné.

Le 7 juillet 1936, la propriété fut achetée par Pierre-Georges Latécoère (1883-1943), propriétaire des usines d’aviation à Toulouse. D’après le répertoire des archives départementales des Pays de la Loire, il envisagea dès son acquisition des travaux d’aménagements intérieurs importants qu'il confia à son architecte résidant à La Baule, Paul-Henri Datessen (1884-1938). Il fit venir du marbre rose des Pyrénées pour en recouvrir le vestibule et l'escalier monumental qui devint la pièce maîtresse du château. La salle à manger fut également réaménagée avec une alternance de plaques de marbre gris pourvues de veines roses et de grandes glaces vénitiennes. Un grand appartement fut créé au rez-de-chaussée dans la partie nord de l'aile Siclis, à l'emplacement de l'ancienne salle des fêtes. Un grand salon oratoire fut aménagé dans la partie sud de cette même aile, tandis qu'une bibliothèque prit place dans la rotonde du casino. Il fit redessiner par ailleurs toutes les pièces de l'étage afin de créer sept chambres. Dès l’installation de la famille, la propriété redevint donc un lieu privé. Passionné par l'aviation, Pierre-Georges Latécoère donna un nouveau nom au château : Les ailes. La propriété fut réquisitionnée en 1940 par les troupes allemandes. Heinrich Himmler y installa son état-major. Les Ailes appartiennent encore aujourd’hui à la famille Latécoère très attachée à ce lieu. Pierre-Jean Latécoère s’y maria en 1962 avec Marie-Vincente Désalbres. D'après une photographie aérienne datant du 1er quart du 21e siècle, le parc dessiné par les Frères Gélos est encore visible tandis qu'une partie du jardin à l'ouest a été réduite par l'érosion de la falaise.

Périodes

Principale : 4e quart 19e siècle

Principale : 1er quart 20e siècle

Dates

1876, daté par source

1892, daté par source

1936, daté par source

Auteurs Auteur : Siclis Charles

Charles Siclis, né en 1889 à Paris, mort en 1942 à New York, est un architecte et décorateur français. Il fit ses études à l'École des beaux-arts de Paris où il a acheva sa formation en 1920 et commença sa carrière dans l'atelier de Jean-Louis Pascal.

, architecte (attribution par source)
Auteur : Datessen Paul-Henri, architecte (attribution par source)
Auteur : Raquin Octave, architecte (attribution par travaux historiques)

La demeure est située entre le camping du Pavillon Royal et le lieu dit Garacoïtz. L'immense propriété est bordée à l'est par la route départementale 260 qui relie Biarritz à Bidart et à l'ouest par la plage du Pavillon Royal et l'océan qu'elle surplombe. Isolée sur sa parcelle, elle est implantée sur un terre-plein. Elle se compose de deux volumes. Le volume principal, correspondant à la villa Sachino de Nathalie de Serbie, se compose d'un étage de soubassement, d'un rez-de-chaussée surélevé, d'un étage carré et d'une toiture en terrasse. De plan massé et symétrique, il rappelle les pavillons construits au XVIIIe siècle. Les façades est et ouest présentent chacune un avant-corps surmonté d'un fronton triangulaire, encadré de chaque côté par trois travées. Le second volume, plus bas et dissymétrique, est accolé à la façade est du premier et forme deux ailes. Il comporte un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé et un toit en terrasse délimité par un garde-corps. Le rez-de-chaussée surélevé est accessible depuis la façade est qui donne sur le parc par un porche comportant deux colonnes. Il est précédé d'une volée de marches. Les baies sont toutes rectangulaires.

L'entrée principale ouvre sur le vestibule du château primitif qui donne accès dans l'axe à une grande pièce centrale appelée "galerie" sur les plans de Paul-Henri Datessen. Cette dernière distribue à droite la salle à manger (nord) et à gauche le salon (sud). Le vestibule donne accès par ailleurs à gauche à un salon oratoire, suivi de la bibliothèque aménagée dans la rotonde de l'ancien casino, et à droite à un grand appartement situé dans la partie nord de l'aile orientale. Il se compose d'une antichambre, d'un salon, d'une grande chambre et d'une petite chambre.

La propriété est fermée par une clôture maçonnée. L'accès à la propriété est aménagé au bord de la route départementale 260. L'entrée est matérialisée par un portail composé de deux piliers surmontés d'un vase ornemental qui encadrent un haut portail en fer. Une seconde entrée de taille plus modeste est percée dans le mur de clôture. Elle dessine un arc en plein cintre. Cette dernière donne accès directement à la conciergerie tandis que l'entrée principale ouvre sur l'allée principale du parc qui mène à la demeure. Le parc se compose de plusieurs allées, dont l'une descend à la plage du Pavillon Royal, d'espaces boisés et d'un lac artificiel entouré de gradins.

Murs
  1. Revêtement : enduit

Toits
Étages

étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré

Couvertures
  1. Type de couverture : terrasse

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Pyrénées-Atlantiques , Bidart , 1127 avenue de Biarritz

Milieu d'implantation: isolé

Lieu-dit/quartier: Ilbarritz

Cadastre: 2017 AV 3-23, 47, 64-69

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