Maison, dite châtelet d'entrée du pont de La Terrade (rive gauche)

France > Nouvelle-Aquitaine > Creuse > Aubusson

Selon l´abbé Courteau et Maurice Dayras (1922), cette maison aurait été construite durant le dernier quart du 15e siècle ou au début du 16e siècle. Sa datation demeure toutefois incertaine. La modénature d´une grande partie de ses ouvertures (à encadrement chanfreiné et pour certaines, à moulurations croisées et bases prismatiques, avec trace d´arrachement de traverse), ainsi que la tour d´escalier en demi-hors-œuvre de son angle sud-ouest (abritant un escalier en vis), plaideraient effectivement en faveur d´une édification dans le dernier quart du 15e siècle ou au début du 16e siècle. Néanmoins, une observation attentive de la maison fait ressortir son étroite imbrication avec le pont de La Terrade (voir notice IA23000468). Le mur sud de son étage de soubassement, très soigneusement appareillé, fait littéralement corps avec le pont, dont il constitue en fait la culée, tandis que l´encorbellement en pan de bois de l´élévation orientale interrompt le parapet. Selon ces éléments, la maison pourrait donc avoir été bâtie, ou tout au moins partiellement reconstruite, en même temps que le pont de La Terrade, soit entre 1638 et 1641. L´origine de la maison remonterait ainsi au dernier quart du 15e siècle ou au début du 16e siècle (sa partie ouest pouvant être considérée comme la plus ancienne). Elle aurait été largement remaniée et agrandie à l´occasion de la reconstruction en pierre du pont, durant le second quart du 17e siècle. L´encorbellement pourrait dater de cette période ; il serait alors venu s´appuyer sur une construction en pierre préexistante. La présence entre ces deux parties, au niveau du rez-de-chaussée, des vestiges d´une baie murée (avec des piédroits et un linteau moulurés visibles du côté de l´encorbellement), conforterait cette hypothèse. Elle est par contre infirmée par une autre disposition : de l´intérieur des combles de l´encorbellement sont visibles les pieds de fermes, portant chevrons, de la charpente de la partie en pierre. Toutefois, à l´angle nord-est de la maison, de légères différences dans les maçonneries, ainsi que la facture de la fenêtre percée au rez-de-chaussée, tendraient à prouver que la façade nord aurait été rallongée d´une travée au 17e siècle, peut-être pour permettre le raccordement avec un encorbellement contemporain. C´est l´historien Jules Tixier (1901) qui, le premier, qualifia cette maison, ainsi que celle située de l´autre côté du pont, sur la rive droite de la Creuse (voir notice IA23000657), de « châtelet ». Cette appellation, leur conférant un rôle défensif, s´expliquerait par leur position stratégique, commandant le passage du pont de La Terrade. Jusqu´à la seconde moitié du 18e siècle, ce pont eut, en effet, une importance majeure dans la vie commerciale d´Aubusson. Toutes sortes de marchandises transitaient par ce lieu de franchissement, et en particulier le sel, denrée précieuse et convoitée. Pour éviter une forme de contrebande appelée le faux-saunage (circulation du sel sans acquittement de la taxe), le pont de La Terrade était vraisemblablement surveillé par des escouades d´archers, auxquelles les deux « châtelets » auraient servi de postes de garde. Cette fonction défensive paraît bien attestée pour le châtelet de la rive droite, certes détruit, mais dont les cartes postales du début du 20e siècle restituent l´aspect fortifié (présence d´une bretèche sur son élévation ouest). Elle ne peut, en revanche, être certifiée pour la maison de la rive gauche. Les deux corbeaux en pierre toujours visibles sur la façade sud, sous la croisée du premier étage, pourraient avoir été les supports d´une bretèche ou d´un hourd (si l´on admet l´hypothèse de la garnison de gens d´armes). Quoiqu´il en soit, la maison connut de nouvelles modifications dans le dernier quart du 18e siècle - en 1788 précisément, date gravée sur la clef de la porte de l´élévation sud. C´est à cette époque que furent percées, sur cette façade, les deux ouvertures couvertes d´un linteau en arc segmentaire du rez-de-chaussée, peut-être pour donner à ce dernier un usage commercial. En 1812, en effet, la matrice du cadastre napoléonien indique que la maison appartenait à Blaize Bourdier, cabaretier. Son patronyme pourrait être à l´origine des deux B gravés de part et d´autre d´un losange au-dessus de la porte d´entrée. En 1818, les archives départementales mentionnent d´importants travaux au pont de La Terrade. Est-ce à cette date que la chaussée du pont fut rehaussée, rendant ainsi très incommodes les accès antérieurs de la maison ? (et en particulier celui de la tour d´escalier, dont la porte est aujourd’hui plus basse que la voirie). D´autres remaniements intervinrent durant la seconde moitié du 19e siècle (percement de nouvelles ouvertures, dont la porte de la partie en encorbellement, donnant sur le pont, côté sud). Au cours du 19e siècle, la maison fut acquise par Gabriel Bellat, marchand, également propriétaire d´une partie du châtelet de la rive droite. D´après les actes notariés en possession des actuels propriétaires de la maison, elle fut par la suite achetée, en 1875, par Jean-François Etienne Lardillier, auprès des héritiers de Marie Sautérieux, l´épouse de Gabriel Bellat. En 1903, au décès de Lardillier, le châtelet passa à l´une de ses filles, Marie Tricot, née Antoinette Lardillier. C´est à la mort de cette dernière, en 1991, que ses deux fils, Antoine Fayet et André Donnadieu, mirent la maison en vente, qui fut acquise en 1994 par les Chirac. La maison a fait l´objet, depuis cette date, d´un patient travail de restauration, qui a notamment permis le dégagement de la structure en pan de bois de sa partie en encorbellement, qui était masquée par un enduit très couvrant. Cette restauration a également mis à jour les nombreuses restructurations intérieures survenues à la fin des années 1940, surtout au rez-de-chaussée (réfection de l´ancien plancher en bois, remplacé par un plancher en béton et solives acier ; cloisonnements en briques ; dénaturation de la cheminée adossée au mur nord ; adjonction d´une cheminée d´angle dans une chambre ; installation de sanitaires et d´une cuisine dans la partie en encorbellement). Cette maison constitue, depuis le début du 20e siècle, l´une des plus représentées de la ville. Cette célébrité tire son origine de la destruction, en 1903, de sa « rivale », le châtelet de la rive droite. A partir de ce moment, l´iconographie de la maison a été extrêmement fournie (depuis l´affiche composée par Georges Louis Rougier pour le syndicat d´initiative de la ville, dans les années 1920, en passant par les photographies réalisées par Robert Doisneau en 1945, jusqu´aux lithographies récentes de Jacques Cinquin). Dans la maison se trouve également conservée une mosaïque représentant le châtelet, qui a été réalisée par André Donnadieu. Elle a été acquise par les propriétaires actuels de l'édifice, qui l'ont intégrée dans le sol, derrière le seuil du rez-de-chaussée. Le rez-de-chaussée de la maison accueille désormais l´atelier de restauration, achat et vente de cartons de tapisseries de Chantal Chirac. Depuis la fin de l´année 2011, une passerelle couverte a été établie entre le rez-de-chaussée du châtelet et le groupe de maisons sises à l´arrière de ce dernier, qui accueillera le futur Musée du Carton, géré par une association.

Périodes

Principale : limite 15e siècle 16e siècle (incertitude)

Secondaire : 2e quart 17e siècle

Secondaire : 4e quart 18e siècle

Secondaire : 2e moitié 19e siècle

Secondaire : 2e moitié 20e siècle

Dates

1788, porte la date

Cette maison occupe une parcelle entièrement bâtie, située au débouché du pont de La Terrade, sur la rive gauche de la Creuse. Elle se développe sur un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé, un étage carré et un étage de comble, sous un toit à longs pans couvert de tuiles plates. L´étage de soubassement est suffisamment surélevé par rapport au lit de la Creuse pour que son seuil ne soit atteint par la montée des eaux qu´à l´occasion de fortes crues. Du côté de la rivière, à l´est, il est percé d´une porte livrant accès à un escalier descendant vers la berge et encadré par deux quais (l´un maçonné en aval et l´autre, en amont, bétonné à une époque récente). Les murs de cet étage de soubassement sont très soigneusement appareillés ; celui du sud fait corps avec le pont, dont il constitue la culée. La façade est, donnant sur la Creuse, présente, au-dessus de cet étage de soubassement, un rez-de-chaussée et un étage carré en fort encorbellement, traités en pan de bois hourdé de briques. Cet encorbellement repose sur une sablière de chambrée de forte section et sur une rangée de solives supportées par quatre aisseliers. L´ossature de ce pan de bois, redécouvert lors de la restauration récente de la maison, est constituée, par endroits, de décharges en croix de Saint-André. Cette façade est surmontée de deux lucarnes à croupe débordante et jouées bardées d´essentes. L´élévation sud, du côté du pont, est non ordonnancée et totalement enduite, avec des chaînages d´angle en pierre de taille. Elle est percée, au rez-de-chaussée, d´une porte surmontée d´une imposte vitrée légèrement cintrée à deux rangs de quatre carreaux et d´une fenêtre - toutes deux couvertes de linteaux en arcs segmentaires. Sur la clef de la porte sont gravés la date de 1788 et deux lettres B, de part et d´autre d´un losange. L´étage carré s´ouvre d´une belle croisée de style Renaissance, dont le meneau et la traverse d´origine (dont subsistaient des traces d´arrachement) ont été restitués lors de la restauration de la maison. Elle est dotée d´un appui saillant mouluré, sous lequel sont visibles deux corbeaux en pierre parfaitement de niveau, d´un usage non élucidé (voir historique). L´étage de comble est percé d´une remarquable fenêtre de facture 17e siècle, avec un fronton triangulaire à trois acrotères hémisphériques sur socles, une corniche à mutule central débordant et des jambages formant pilastres avec chapiteaux et tailloirs saillants. Contre cette élévation, à l´angle sud-ouest de la maison, se trouve accolée une tour en demi-hors-œuvre de plan circulaire, qui abrite un escalier en vis, en pierre, avec marches délardées portant noyau. Elle est coiffée d´un toit conique couvert de bardeaux de châtaignier taillés en pointe à l´égout, et sommé d´une girouette. Cette tour est éclairée par d´étroits fenestrons à encadrement chanfreiné, non alignés verticalement. Sa porte, en panneaux de bois, montre un linteau qui a été rehaussé et des jambages à feuillures. L´escalier dessert les différents étages de la maison. La charpente est en chêne, à seize pans et deux niveaux d´entraits.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : granite

    Mise en oeuvre : moellon

    Revêtement : enduit

  2. Matériau du gros oeuvre : granite

    Mise en oeuvre : pierre de taille

  3. Matériau du gros oeuvre : bois

    Mise en oeuvre : pan de bois

Toits
  1. tuile plate, bardeau
Étages

étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré, étage de comble

Couvertures
  1. Forme de la couverture : toit à longs pans

  2. Forme de la couverture : toit conique

Escaliers
  1. Emplacement : escalier demi-hors-oeuvre

    Forme : escalier en vis sans jour

    Structure : en maçonnerie

État de conservation
  1. remanié
  2. restauré
Décors/Représentation
  1. Representations : chronogramme

  2. Representations : monogramme


Précision sur la représentation :

Sur la clef de la porte d´entrée de l´élévation sud sont gravés la date 1788 et deux B, de part et d´autre d´un losange.

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Creuse , Aubusson , 4 rue Alfred-Assolant

Milieu d'implantation: en ville

Cadastre: 1812 F 142, 2007 AM 23

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