Marais de Rochefort, canaux, barrages, écluses, vannes et ponts

France > Nouvelle-Aquitaine

Les marais de Rochefort résultent du comblement progressif depuis l'Antiquité de l'ancien golfe maritime des Santons, par des dépôts de sédiments d'origine marine et fluvio-marine, graviers, sables, argiles et vases. Ils sont constitués par un ensemble de petits marais portant généralement le nom de leur commune, situés au nord de Rochefort, à cheval sur l'Aunis et la Saintonge, mais aussi sur la rive gauche de la Charente, dont les eaux s'écoulent dans le fleuve. Du côté nord, une petite partie des eaux cependant s'évacue dans l'océan par le baie d'Yves.

Dès le Moyen-Age, la topographie naturelle de l'ancien golfe est modifiée par l'homme. Les chenaux d'écoulement naturels, réaménagés et complétés par des fossés, permettent la transformation de vasières en salines ou en prairies de pâturage et de culture. Des salines, possessions de diverses abbayes, sont ainsi attestées à Voutron au 10e siècle. Pour l'embouchure de la Charente, une saline près de Soubise est mentionnée dans la deuxième moitié du 11e siècle (entre 1047 et 1066) dans un acte de donation à l’abbaye Notre-Dame de Saintes. Par ailleurs, des levées sont faites en vue de protéger les terres de l'écoulement des eaux.

Les dessèchements du 17e siècle

Certains des marais de la rive droite font l'objet de travaux méthodiques de dessèchement au début du 17e siècle. Ce sont ceux de Saint-Louis la Petite Flandre, situés au nord de Rochefort. L'ingénieur flamand Humphrey Bradley, qui est nommé par Henri IV, en 1599, maître des digues et canaux du royaume, est chargé, avec ses associés, du dessèchement du marais de Saint-Louis et des marais voisins. De nombreuse familles flamandes, dont les frères Comans à partir de 1607, viennent alors s'installer pour la réalisation de ces travaux, d'où l'appellation Petite-Flandre donnée à une partie du territoire. Les marais de Voutron sont drainés à partir de 1634 grâce à une association de propriétaires. A partir de 1641, des travaux sont entrepris pour le dessèchement des marais de Ciré, de Loire et d'Ardillières par le successeur d'Humphrey Bradley, Pierre Siette, ingénieur géographe du roi. Il fait notamment creuser le canal de Genouillé. En 1660, l'ensemble de ces travaux de dessèchement concerne une superficie de 3262 journaux (environ 1041 hectares). La révocation de l'édit de Nantes en 1685 entraîne le départ des Hollandais et arrête les travaux ; une grande partie des marais, non drainés, restent inhospitaliers. L'implantation de l'arsenal à Rochefort ne s'accompagne pas d'un nouvel effort d'aménagement des marais.

La carte de l'embouchure de la Charente relevée en 1704 par Claude Masse montre précisément l'avancée des travaux du 17e siècle et l'état des marais au tout début du 18e siècle : marais salants au sud de Fouras, au Saumart et à la Pointe ; marais desséchés de Liron, de Loire, d'Ardilliers (sud), de l'Ile-d'Albe, de la Petite-Flandre et autour des fosses de Saint-Nazaire ; marais seulement partiellement desséchés de Fouras, d'Ardillières (nord) et de Ciré ; marais inondés du Roi et, en bordure de Charente, à Saint-Laurent-de-la Prée, au sud de la ville de Rochefort, à Saint-Hippolyte (Rosne) et à Saint-Nazaire. Dans un mémoire de 1715, Claude Masse note que les marais desséchés sont abondants en pâturage et en blé.

Une volonté d'assainissement au 18e siècle

Si les marais du Roi et de Loire-les-Marais sont desséchés respectivement à partir de 1710 et 1718 par les propriétaires regroupés en un syndicat, il faut attendre les années 1780 pour que s'impose la nécessité de dessécher les autres marais des environs de Rochefort dont l'insalubrité est la cause de nombreuses maladies, notamment le typhus. La ville de Rochefort est alors tristement réputée pour sa très forte mortalité due aux miasmes des marais. Pour y remédier, un arrêt du Conseil d'Etat du roi, du 30 octobre 1782, porte règlement pour le dessèchements des marais de Rochefort, sur la rive gauche (Rosne, Soubise, Saint-Nazaire), mais aussi de la rive droite (Saint-Laurent-de-la-Prée, Vergeroux). Ces travaux sont entrepris sous la direction de l'intendant Réverseaux.

Au regard de l'ampleur et des enjeux de cette entreprise, cinq régiments sont mis sous les ordres du comte de la Tour du Pin, nommé directeur des travaux. Le projet principal concerne le creusement du canal de Brouage, dit aussi de la Bridoire. La première année, les travaux sont rendus difficiles par une très mauvaise organisation, le manque d'outils adéquats et les équipements inappropriés fournis aux soldats. De plus, aucun détournement des eaux n'est prévu pour prévenir les inondations provoquées par le creusement des différents canaux. Les travaux se poursuivent dans de meilleures conditions les années suivantes.

Des digues sont construites de part et d'autre du fleuve - du fort la Pointe (Vasou) à la batterie de Vergeroux sur la rive droite et, de l'autre côté, au nord-ouest de Soubise - afin d'éviter que les hautes eaux des marées n'envahissent les terres basses des marais.

Des éclusiers sont chargés d'ouvrir et fermer les vannes pour que les eaux de pluie en surplus s'écoulent mais que l'eau de mer ne s'engouffre pas à marée haute. Les exploitations implantées dans les marais sont dénommées cabanes. La production de céréales y est très risquée en raison des fréquentes inondations, et l'on y développe plutôt les prairies naturelles.

En 1789, les aménagements ne sont pas achevés et, non entretenus, ils se dégradent pendant la période révolutionnaire.

L'achèvement des grands projets au 19e siècle

Dans un mémoire de 1800, Teulère, chef des travaux maritimes, constate que, faute d'entretien, les digues, les écluse et les fossés ne remplissent plus leur fonction et que les marais sont retournés dans l'état où ils étaient avant les travaux. Il déplore notamment, pour le canal de Bridoire, les usages des particuliers qui font paître leur bétail sur les levées, font rouir leur chanvre dans le lit du canal en le chargeant de pierres et dégradent les contre-fossés par des aménagements de lavoirs et abreuvoirs... Parmi les consignes données pour assainir le territoire, la plantation d'arbres, frênes ou ormeaux, est préconisée partout où cela est possible. Les travaux de drainage sont destinés à assainir la contrée, mais aussi à augmenter considérablement la valeur marchande des marais qui deviennent alors cultivables ; le prix des marais est plus que doublé lorsqu'ils sont assainis.

En 1803, le gouvernement décide de consacrer, l'année suivante, la somme d'un million de francs au dessèchement des marais de Rochefort. La poursuite des travaux entrepris et interrompus à la fin du 18e siècle n'est finalement engagée que quelques années plus tard. Elle se fait sous la direction des ingénieurs Champion de la Bretonnière et Masquelez. Des digues sont établies de façon à protéger les basses terres des marées, depuis Rochefort jusqu'au Fort Vasou sur la rive droite, et depuis le canal de la Bridoire jusqu'au-delà du fort Lupin sur la rive gauche. Puis, une digue plus forte est édifiée entre le fort Vasou et Fouras. Les digues sont complétées par un large fossé intérieur, destiné à recevoir l'eau de marais, et par des chenaux à vannes qui déversent dans la Charente.

Entre l'embouchure du canal de Bridoire jusqu'au fort Lupin, quinze ponceaux, de 2,30 mètres de hauteur et 4 mètres de largeur, sont construits de manière à empêcher l'invasion des eaux de la mer dans les canaux de dégorgement. En pierre de taille, ils sont voûtés en plein cintre et fermés par une vanne. Cette dernière, en bois, est composée de deux poteaux encastrés dans le radier et d'un chapeau servant de collier à la vis. Pour sa finition, elle est calfatée et passée à une double couche de brai et de goudron

Les travaux se déroulent sur plusieurs années, par campagnes de six mois environ. En 1804, 200 hommes sont employés ; il sont répartis dans les différents villages qui bordent le fleuve qu'ils traversent au moyen des bacs à Soubise, au Martrou ou à Tonnay-Charente. L'ingénieur La Bretonnière estime, dans un rapport au préfet, que l'année suivante ce nombre devrait passer à plus de 600. Deux paires de sabots sont fournis à chaque ouvrier par campagne. Le caractère malsain des marais provoque de nombreuses maladies et l'entrepreneur est engagé à créer des maisons destinées à recevoir les ouvriers malades, qui redoutent, en général, d'être hospitalisés.

En 1834, seul le marais communal de Lupin, sur la rive gauche, d'une superficie de 232 hectares, ne semble pas encore desséché. Mais le problème de l'entretien reste patent : en 1846, Joseph-Emile Cornay constate que si le fauchage des herbes se fait annuellement pour les ceintures et les canaux, les fossés, rarement curés, sont remplis de boue. Les vannes sont entretenues, à la fin du 19e siècle, par des éclusiers rémunérés par les propriétaires de marais, réunis en syndicat. Ces éclusiers sont également chargés de l'entretien des digues.

Une gestion maîtrisée aux 20-21e siècles

En 1954 est créée l'Union des marais de Charente-Maritime (UNIMA) pour gérer les marais. Sur la rive droite de du fleuve, le faible débit des rivières et les eaux de pluie en période estivale est insuffisant pour maintenir un niveau d'eau constant permettant d'abreuver les animaux et d'irriguer les cultures. L'apport d'eau douce est dès lors nécessaire ; depuis 1962, cette eau est pompée dans la Charente en amont du barrage de Saint-Savinien pour être acheminée, par un canal, dit de l'UNIMA, bordant le fleuve sur la rive gauche, jusqu'aux marais de Brouage et de Rochefort ; via un siphon sous la Charente et la station de refoulement de Pont-Rouge à Tonnay-Charente, elle alimente le marais nord.

La plus grande partie des marais de Rochefort sont valorisés par l'agriculture ; l'enjeu de leur gestion est de maintenir une activité économique tout en préservant l'intérêt environnemental. En 2015, le Conservatoire régional d'espaces naturels de Poitou-Charentes constate que lorsque sa surface en prairies dépassent 80 %, le marais joue pleinement son rôle d'épurateur naturel des éléments chimiques et physiques grâce à l'important réseau de fossés (200 mètres linéraires à l'hectare) et aux submersions hivernales. En revanche, dans les secteurs cultivés intensément, le marais est doté d'une eau de moins bonne qualité à cause des entrants utilisés par les cultures et, en raison d'un réseau moins dense de fossés (50 mètres linéaires à l'hectare), il ne joue plus son rôle régulateur et épurateur, ce qui a un fort impact sur la qualité de l'eau de la Charente.

Cet écosystème est inventorié comme zone d'importance communautaire pour les oiseaux (ZICO) et en zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) en raison de sa très grande richesse sur les plans botanique et ornithologique. Y ont été notamment repérées 17 espèces de plantes protégées, dont 11 menacées en France, 13 espèces d'oiseaux nicheurs considérés comme menacés en Europe. Pour cette raison, la partie nord des marais historiques de Rochefort sont désignés sous l'appellation "site Natura 2000 marais de Rochefort" par l'arrêté du 27 mai 2009 du ministère de l'écologie. Une partie des marais est propriété du conservatoire du littoral.

Périodes

Principale : 17e siècle, 18e siècle, 19e siècle, 20e siècle

<body><line/>Les marais, qui entourent la ville de Rochefort, sont encadrés au nord par le marais de Marennes et, au sud, par celui de Brouage. De faible altitude, entre 2 et 4 mètres, ils sont constitués de prairies inondables. D'anciennes îles, occupées par des bourgs, constituent ici et là de petits promontoires.<line/><line/>Le paysage se caractérise par de vastes étendues planes, dénuées d'arbres, découpées en formes géométriques par des fossés, des canaux et des levées. Ces dernières sont parfois arborées, ainsi que les limites entre les terres basses et hautes. Dans l'estuaire, le fleuve serpente au niveau de ces vastes étendues plates, particulièrement riches par la diversité de leur flore et de leur faune, et dépourvues de constructions. L'habitat s'est naturellement fixé sur les terres hautes du pourtour des marais, non inondées. Peu de routes permettent d'accéder à ces marais et les très nombreux fossés constituent une forte entrave à leur découverte pédestre. <line/><line/>Le réseau dense de canaux et de fossés, qui délimite les parcelles, fonctionne à la fois pour l'alimentation et l'évacuation de l'eau douce des marais. Les prairies sont séparées les unes des autres par des fossés d'environ deux mètres de largeur pour un mètre et demi de profondeur. Ces fossés en rejoignent d'autres plus larges, d'environ trois mètres, dénommés ceintures qui s'évacuent sur des canaux principaux joignant la Charente. Les canaux sont bordés de bourrelets de terre constitués du dépôt des boues de curage, ce qui retient l'eau à l'intérieur des parcelles. En raison de la nature argileuse des terrains, les eaux de pluie en période hivernale sont rapidement excédentaires. Elles sont évacuées à la mer par les fossés et des canaux. Des vannes et des écluses régulent le niveau d'eau de façon à irriguer les cultures l'été et évacuer l'eau en surabondance. Depuis leur dessèchement, les marais sont gérés par les propriétaires regroupés en syndicats.<line/><line/>Les marais de la Petite-Flandre sont drainés par cinq importants canaux qui trouvent leurs débouchés à Fichemore, dans l'ancienne embouchure de la Gères, et par deux autres qui évacuent leurs eaux à Charras. <line/><line/>Il ne reste que fort peu de traces des anciens marais salants qui existaient sans doute un peu partout sur le territoire considéré. Seuls se distinguent encore ceux situés auprès du fort Vasou, à Fouras. <line/><line/>Les pratiques de chasse contribuent à la bonne gestion des marais. La chasse la plus souvent pratiquée est celle du gibier à plumes (perdrix, bécasses, faisans, canards...) à tir au chien d'arrêt ou à la passée. La chasse à la tonne s'est beaucoup développée depuis une quarantaine d'année ; cette chasse se pratique la nuit, entre la fin de l'été et le milieu de l'hiver, surtout en bord de mares - d'une superficie d'un hectare en moyenne et profondes d'une trentaines de centimètres, remplies pour cet usage -, mais aussi de vasières sur la rive droite de l'embouchure du fleuve à Fouras et Saint-Laurent-de-la-Prée.<line/><line/>La pêche se pratique essentiellement autour des principaux canaux (Charras, Daurade) et concerne des poissons inféodés aux marais (friture, carnassier, anguille, carpe...), des crustacés (écrevisse, crevette... ) et des batraciens (grenouille verte). Elle se fait à la ligne ou à l'aide d'engins (nasses, cordeaux de fond, balances, filets, carrelets à main). <line/><line/>Le marais contribue grandement à l'attrait du territoire, mais l'activité touristique y est assez faible est diffuse : l'ensemble des itinéraires pédestres (plus de 200 kilomètres) et cyclables constituent la principale offre touristique, tandis que deux pôles Nature, la Cabane de Moins à Breuil-Magné et la Réserve naturelle des marais d'Yves, accueillent des visiteurs. Par ailleurs, les circuits de randonnée équestre et la pratique du canoë-Kayak sur les grands canaux sont assez peu développés. </body>

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