Place et port de la Coutume

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Jusqu'au milieu du 16e siècle, l'endroit est occupé par un verger et un port privé, liés à une demeure située à l'emplacement de la Maison de la Coutume, sur le côté nord de la place. C'est ce qu'indique un dénombrement rendu le 12 juin 1583 à la châtellenie de Benet par Pierre Pellot, seigneur de Coulon, dont le père, Pierre Pellot époux Macé, a acquis l'ensemble de René Dabillon en 1570. Il transforme alors le verger en place, avec aménagement du port. La place de la Coutume devient dès lors l'un des principaux centres d'exercice de l'autorité seigneuriale de Coulon, ainsi que le coeur de l'activité portuaire de Coulon. C'est là où le seigneur perçoit les redevances qui lui sont dues sur le commerce fluvial sur la Sèvre Niortaise entre Niort et Marans, droit appelé "Grande coutume". C'est aussi au port de la Coutume que s'exerce le passage par bac et à péage de Coulon à la Garette, appelé "Petite coutume", et le droit de levage prélevé sur le sel. L'exploitation du péage a pour siège la Maison de la Coutume.

Comme le montre un plan des lieux en 1783 et 1787, la place est bordée à l'ouest par un ancien cours d'eau perpendiculaire à la Sèvre (repère 5 du plan), appelé le port aux Huîtres, et qui est en fait l'ancien abordage du port. Celui-ci a été déporté à l'est (repère 4), "changé pour la comodité", précise la nomenclature du plan, sans doute à l'époque de Pierre Pellot, lorsqu'il a acheté le verger et le port de René Dabillon. L'ancien abordage, abandonné et envasé, ainsi que la place sont longés en 1787 à l'ouest par un jardin, une loge, une grange et des maisons.

En ces années 1780, motivant l'établissement des plans de 1783 et 1787, s'élève un contentieux entre le comte de Montbrun, seigneur de Coulon, et Pierre Grelet (1745-1792), marchand et aubergiste, époux de Marie Jourdain. Celui-ci demeure dans une maison au nord-ouest de la place de la Coutume (18 rue de l'Ecu) (n° 16 sur le plan de 1787) et a acheté en 1774 à Etienne Baudin une des maisons bordant la place à l'ouest (2 place de la Coutume) (n° 12 sur le plan de 1787). Le contentieux entre Grellet et le seigneur de Coulon, lancé en 1781, est double : après avoir acheté la maison Baudin, Grellet d'une part a construit le passage couvert par-dessus la rue de l'Ecu, de manière à relier ladite maison et la sienne (n° 13 sur le plan de 1787) ; d'autre part, il s'est accaparé et a fait curer l'ancien abordage ou port aux Huîtres qui longe la place de la Coutume à l'ouest et qui relie la maison Baudin à la Sèvre. S'y ajoute un dépôt de fumier et un escalier extérieur que Grelet a créés le long de la maison et qui diminuent l'accès à la place depuis la rue de l'Ecu. Montbrun lui contestant ces différents empiétements et accaparements, un procès s'engage, que le seigneur de Coulon remporte en 1788.

Le comte de Montbrun continue à gérer et tirer profit du port de la Coutume jusqu'à la Révolution. Le 25 février 1790, Jean Soullice, charpentier à Coulon, atteste avoir employé 434 pieds de soliveaux ainsi que des planches et des clous, pour le compte du seigneur de Coulon, afin de renforcer les rives de la place et du port, sujettes à des éboulements. Les droits du comte de Montbrun sont cependant contestés quelques semaines plus tard. Le 15 mars, un décret de l'Assemblée Nationale supprime les droits féodaux, dont les péages. La grande et la petite coutume de Coulon ne font pas exception. Les autorités locales vont plus loin en contestant aussi à Montbrun la propriété de la place et du port de la Coutume. En octobre, la commune de Coulon exige de Montbrun et de son fermier de la Maison de la Coutume, Pierre Soulice, qu'ils retirent les dépôts de bois qui encombrent la place et les rues adjacentes. La commune reproche aussi à Montbrun les aménagements réalisés en février sur les rives de la place, estimant qu'ils contreviennent à la navigation et au commerce. Le 25 novembre, une délibération du conseil municipal de Coulon rejette les prétentions du comte de Montbrun sur ce qui est désormais considéré comme la place publique de la Coutume. Il faut dire que le premier maire de Coulon n'est autre que Pierre Grelet, celui-là même contre lequel le comte de Montbrun a eu maille à partir devant les tribunaux quelques années auparavant. Le 12 décembre, Montbrun proteste dans un mémoire contre ce qu'il considère comme une usurpation de la part de la commune et de son maire. Le 7 janvier 1791 toutefois, un arrêté du directoire du district de Niort autorise Montbrun à continuer le service du bac entre Coulon et la Garette, tant qu'aucune nouvelle loi n'est intervenue sur le sujet. Le 8 floréal an 2 (27 avril 1794), Montbrun réafferme pour sept ans à Pierre Soulice, marchand à Coulon, la maison, la place et le port de la Coutume, avec deux petites maisons proches.

En cette même année 1794, deux ans après la mort de Pierre Grelet, Montbrun a affaire cette fois à sa veuve, Marie Jourdain, cabaretière, qui, comme son mari quatorze ans plus tôt, a effectué un dépôt de fumier empiétant sur la place de la Coutume. Les temps sont toutefois moins favorables à l'ancien seigneur de Coulon car, parallèlement, la commune de Coulon lui ordonne ainsi qu'à ses agents, le 26 messidor an II (14 juillet 1794), de nettoyer, sous vingt jours, la place publique de la Coutume, encombrée de bois et autres marchandises. Elle appelle aussi la veuve Grelet à évacuer son fumier, le tout pour "faire restituer au public un emplacement dont la puissance féodale s'était emparée". Un jugement du tribunal de district de Niort, le 17 thermidor (4 août) suivant, renvoie les parties à un arbitrage. Montbrun s'éteint en sa demeure, à Aiffres, près de Niort, le 20 août. L'affaire est se poursuit au nom de ses filles mineures, Marie-Agathe et Cécile, et de sa veuve, née Anne de Bruchard.

L'arbitrage a lieu en février 1795. Il semble qu'il soit en partie favorable aux héritières Montbrun dont l'une, Cécile, épousera en 1802 Philippe-Xavier Brochard, comte de la Rochebrochard, et l'autre, Marie-Agathe, le comte Emmanuel Jean Armand Bénédicte de Sainte-Hermine (elle lui apporte le château de la TIffardière ; il sera maire de Niort de 1818 à 1826, conseiller général des Deux-Sèvres en 1830, député des Deux-Sèvres de 1827 à 1831, préfet de la Vendée en 1830, de l'Allier entre 1832 et 1834, pair de France de 1839 à 1848 ; leur chapelle funéraire se trouve dans le cimetière de Saint-Liguaire). Si la place et le port de la Coutume deviennent bel et bien publics, les héritiers Montbrun continue à gérer le bac de Coulon à la Garette au départ dudit port jusque dans les premières décennies du 19e siècle, d'autant qu'au droit de Coutume seigneurial succède à partir de 1802 un doit de navigation institué pour financer l'entretien de la Sèvre Niortaise. Dès 1800, Pierre Soulice, qui avait pris la Coutume en ferme en 1794, achète aux héritiers Montbrun les bateaux servant au passage, pour 300 francs. En septembre 1809 toutefois, le comte de Sainte-Hermine vend les mêmes bateaux à l'Etat ! Un contentieux s'ensuit entre les héritiers Montbrun et le gendre et successeur de Pierre Soulice, Jean Goimine, marchand à Coulon. Un accord est trouvé le 10 janvier 1811.

La gestion du passage est désormais assurée par l'Etat qui la met régulièrement en adjudication. Signe de son importance et de son caractère stratégique, le passage et son exploitation font l'objet de revendications et de contentieux. En 1812, le comte de Sainte-Hermine (qui continue donc à revendiquer et exercer ses droits) porte plainte contre l'exploitant du passage, Jean Goimine fils, aubergiste : il a en effet déplacé le bac en amont du port de la Coutume, devant sa maison-auberge (62 et 64 quai Louis Tardy), en un lieu jugé plus profitable pour lui mais pourtant plus difficile d'accès. Pour transiger, Goimine propose de placer devant sa maison deux des bateaux utilisés pour le passage, et deux autres au port de la Coutume. Quelques années plus tard, l'exploitation du passage de Coulon à la Garette et de celui de Coulon à la Repentie change de mains : elle est attribuée pour l'année 1823 à Louis Jamois, veuve de l'aubergiste Louis Jourdain, qui vient de décéder, laquelle tient son auberge place de la Coutume ; l'exploitation des passages fait ensuite retour à Goimine en 1824, pour sept ans. A cette occasion, la veuve Jourdain et l'Etat d'un côté, Goimine de l'autre s'opposent de nouveau au sujet de l'emplacement du passage, Goimine persistant à le placer devant son auberge, la veuve Jourdain exigeant qu'il soit maintenu au port de la Coutume, devant sa propre auberge. Goimine propose de placer le départ vers la Repentie devant son auberge, et celui pour la Garette place de la Coutume, ce que rejette l'Etat. Le passage par bac au départ et à l'arrivé du port de la Coutume est finalement supprimé en 1850, avec la construction du grand pont de Coulon.

Le projet d'aménagement du port de Coulon est présenté par l'ingénieur des Ponts et Chaussées Eugène Espitallier le 6 mars 1867, et approuvé par décision ministérielle du 29 avril. L'objectif est en premier lieu, pour l'Etat, de faciliter la navigation et l'évacuation des inondations. Il s'agit aussi de faciliter dans la traversée du port de Coulon l'accès au fleuve depuis les rives ainsi que l'abordage des bateaux. Espitallier propose donc de moderniser les quais de Coulon : jusqu'ici en terre et informes, ils seront maçonnés et alignés. Rive droite, le projet consiste aussi à moderniser les cales placées au droit des rues principales du bourg, sans oublier la grande cale de la place de la Coutume. Pour celle-ci, on prévoit un pan incliné perpendiculaire au quai. Les travaux sont réalisés en 1868. A partir de 1886, la place de la Coutume accueille le marché aux porcs, transféré de la place de la Péchoire.

Périodes

Principale : 2e moitié 16e siècle

La place se situe dans la partie ouest du bourg. Entourée de bâtiments sur ses côtés est, nord et est, elle ouvre au sud sur la Sèvre Niortaise et le quai Louis Tardy qui la longe. Là se trouve une grande cale, héritière de l'ancien port de la Coutume qui se trouvait là.

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Deux-Sèvres , Coulon , place de la Coutume

Milieu d'implantation: en village

Lieu-dit/quartier: Bourg

Cadastre: 1833 D, 2024 AI

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