Maisons, fermes: l'habitat à Mortagne-sur-Gironde

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De nombreuses constructions antérieures à la Révolution En dehors de l´église et, probablement, des parties souterraines de l´ancien château, aucun bâtiment médiéval ne subsiste à Mortagne. En revanche, on compte plusieurs exemples de constructions des 15e et 16e siècles, période de renouveau après la guerre de Cent Ans et avant les guerres de Religion. Ces bâtiments ont souvent été remaniés par la suite, mais il conservent des traces, discrètes, de leur époque de construction : par exemple une ouverture en accolade, ou bien le positionnement de la façade sur le mur pignon, voire une cave accessible par un escalier en pierre de taille. Les bâtiments construits, en tout ou partie, au 17e et surtout au 18e siècle sont beaucoup plus nombreux ; ils représentent près d´un quart de l'ensemble des bâtiments répertoriés. Leur existence rappelle la période de prospérité que fut le 18e siècle pour Mortagne, dans le sillage de son port. Ces constructions sont repérables par leur style, leur architecture, des éléments de décor (une ouverture à encadrement chanfreiné ou à linteau en arc segmentaire, par exemple), la présence d´un escalier extérieur, ou, plus rarement, par une date inscrite généralement au-dessus d´une ouverture (cette date peut indiquer une construction ou une reconstruction, totale ou partielle ; 18 inscriptions de ce type ont été recensées à Mortagne). Plusieurs bâtiments des 17e ou 18e siècles se trouvent à la Rive, dans le vieux hameau accroché au pied de la falaise et parmi les maisons le long des quais. Par exemple, la maison située 28 quai de l´Estuaire, bien que la façade ait été reprise au 19e siècle, a conservé son agencement général, avec un couloir latéral au rez-de-chaussée, et une cage d´escalier à l´arrière. Un couloir latéral est également visible au 39 rue du Port. D´autres constructions antérieures à la Révolution sont encore présentes dans le bourg. Il peut s´agir de modestes maisons auxquelles sont associées de petites dépendances, comme celle située impasse Gambetta, ou bien de demeures plus importantes, liées à des notables de la paroisse ou de la principauté, comme celles au 50-52 Grande Rue ou au 12 rue Gambetta. Enfin, de nombreuses traces de constructions antérieures à la Révolution sont présentes dans les hameaux qui ponctuent l´arrière-pays et dans les anciennes fermes qui les composent. Tel est le cas, entre autres, à la Salle et à la Garenne où un logis et des dépendances du 18e siècle côtoient un logis, plus grand et plus confortable, ajouté vers le milieu du 19e. Il faut noter toutefois que sous l'Ancien Régime, Mortagne comptait plusieurs hameaux aujourd´hui disparus, et dont le souvenir est tout juste rappelé par des mentions dans les registres d´état civil, liées à leurs habitants. Dans les années 1760-1770, il est ainsi fait mention du village des Ballets, de celui des Renalds, ou encore du hameau des Touron. L'âge d'or portuaire et viticole inscrit dans la pierre Après la période troublée de la Révolution, la première moitié du 19e siècle présente assez peu de constructions nouvelles. En revanche, la nouvelle expansion économique et commerciale de Mortagne à partir du milieu du 19e siècle se traduit par une effervescence dans la pierre. Plus des deux tiers des maisons et anciennes fermes inventoriées à Mortagne datent ainsi, en tout ou partie, de la seconde moitié du 19e siècle, en particulier des années 1850-1880. Ces constructions traduisent la réussite sociale et économique et l´élévation du niveau de vie, qui résultent elles-mêmes de deux phénomènes liés : d´une part la révolution quasi-industrielle du port, d´autre part l´âge d´or de la viticulture dans l´arrière-pays, comme dans toute la Saintonge. La modernisation du port et son développement, presque constants pendant une grande partie du 19e siècle et au début du 20e, enrichissent un certain nombre de marchands et négociants qui se font construire ou reconstruire de belles maisons en pierre de taille sur la rive droite du bassin. Plus modestes, la plupart des maisons des pêcheurs, marins, journaliers, artisans et commerçants sont également (ré) édifiées dans la seconde moitié du 19e siècle. Dans l´arrière-pays, la prospérité viticole des années 1850-1880 entraîne aussi la construction ou reconstruction de nombreuses fermes. Au logis ancien, on en ajoute un nouveau, plus grand, plus confortable, plus conforme au goût du jour. C´est aussi de cette époque que datent la plupart des chais encore visibles de nos jours. Cet enrichissement général est également observé dans le bourg. Il est à l´origine de nombreux bâtiments qui bordent encore actuellement la rue principale notamment, du haut de leurs façades en pierre de taille sobrement décorées. Ce phénomène se poursuit à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, alors que le nombre de constructions chute dans les communes environnantes à cause de la crise économique liée au phylloxéra qui décime les vignes. Le nombre important de bâtiments édifiésà Mortagne entre les années 1880 et 1930 montre que, portée par l´activité portuaire et commerciale, la commune résiste mieux et plus longtemps que ses voisines. Parmi ces nouvelles constructions, très peu présentent les caractéristiques de l´architecture dite de villégiature, très présente plus au nord, autour de Royan : Mortagne est en effet encore une cité portuaire avant d´être un lieu de détente et de loisirs. On observe à proximité du port trois exemples de cette architecture qui mélange une variété de formes, de matériaux et de couleurs. Un quatrième se trouve à l´entrée nord-ouest du bourg, en hauteur, pour bénéficier du panorama sur l´estuaire. À partir des années 1930, le déclin du port rime avec la chute du nombre de nouvelles constructions. Depuis quelques décennies, l´aménagement de lotissements, au nord et au sud du bourg, et la multiplication de pavillons individuels en bordure de falaise, face à l´estuaire, permettent à Mortagne de retrouver une dynamique d´urbanisme, pendant que de nombreuses anciennes maisons et fermes sont converties en résidences secondaires.

Périodes

Principale : 15e siècle

Principale : 16e siècle

Principale : 17e siècle

Principale : 18e siècle

Principale : 19e siècle

Principale : 20e siècle

L´inventaire a porté sur 217 maisons et 59 fermes ou anciennes fermes. Ont été prises en compte les constructions antérieures aux années 1960, à l´exception de celles pour lesquelles de récents remaniements rendent l´état d´origine illisible. Un habitat groupé dans le bourg et à la Rive Le bourg et le quartier de la Rive concentrent les trois quarts des maisons et des fermes ou anciennes fermes de Mortagne-sur-Gironde. Plus de la moitié sont concentrées dans le bourg (y compris le quartier des Moulins). Situé au sud de la commune, en bordure du plateau et des falaises qui surplombent le port et les marais, le bourg s´étire principalement de part et d´autre de la Grande Rue. Les bâtiments y sont accolés, sur un parcellaire resserré, donnant presque à la rue l´aspect d´une voie urbaine. La quasi totalité des constructions du bourg sont des maisons, dont un grand nombre abritaient un atelier d´artisan ou un commerce. Aux 19e et 20e siècles, principales périodes de constructions des bâtiments actuels, un nombre important d´habitants du bourg exerçaient une petite activité agricole (un peu d´élevage et de viticulture). Voilà pourquoi le bourg compte 11 anciennes fermes, modestes par le nombre et la taille des dépendances (étables, écuries, chais) et 10 maisons dites "rurales", c´est-à-dire possédant de petites dépendances (toits à porcs ou à volaille). Le caractère résidentiel et non agricole de la Rive est plus affirmé encore, même si, dans le vieux hameau, les maisons des pêcheurs servaient tout autant à l'activité professionnelle qu'au logement. À l´ouest et à l´est du bourg, l´espace est presque dénué d´habitat, à part de rares constructions isolées. C´est également le cas à l´extrémité nord de la commune, recouverte par la forêt. Entre les deux, sur le plateau agricole et viticole, l´habitat est regroupé en une multitude de petits hameaux. La plupart comprennent moins de dix maisons et anciennes fermes. Seul le hameau Chez-Raynaud, partagé avec la commune de Boutenac-Touvent, dépasse ce chiffre. Les fermes ou anciennes fermes ne représentent qu´un tiers des constructions qui composent ces hameaux. La majorité des bâtiments sont en effet des maisons, avec parfois de petites dépendances, destinées autrefois à loger des artisans, quelques pêcheurs et surtout des ouvriers agricoles employés dans les fermes. Comme le bourg, ces hameaux présentent un habitat relativement dense, constitué de maisons attenantes, c´est-à-dire accolées les unes aux autres, avec au mieux une petite cour. La cour est parfois commune, partagée avec les maisons voisines. Des maisons d'inspiration saintongeaise... ou non La forme et le décor des maisons et des logis de fermes révèlent des caractéristiques régionales et des évolutions du goût architectural et du niveau de vie. À Mortagne, un quart de ces constructions s´apparentent par leur taille et leur agencement à la maison saintongeaise, une forme architecturale à la mode dans le sud de la Charente-Maritime à partir du milieu du 19e siècle. Ce type de bâtiment est constitué d´un rez-de-chaussée et d´un comble, souvent utilisé comme grenier, plus rarement habitable. Le tout est couvert d´un toit à croupes, parfois orné d´épis de faîtage. Un tel agencement est toutefois minoritaire à Mortagne où la prospérité viticole, portuaire et commerciale du 19e siècle a permis d´édifier des logements plus grands. Les deux tiers des maisons sont ainsi plus hautes, comprenant un étage, parfois surmonté d´un grenier. C´est surtout le cas dans le bourg, d´où son aspect presque urbain, mais aussi dans les hameaux où certaines maisons et quelques logis de fermes ont adopté, dans la seconde moitié du 19e siècle, les caractéristiques d´une maison de maître : un haut toit à croupes, une façade presque toujours en pierre de taille et des ouvertures réparties de manière symétrique autour de la porte centrale. Environ la moitié des maisons et des logis de fermes de Mortagne, quelle que soit leur taille et leur agencement, adoptent le même décor sur la façade : un solin à la base de la façade ; un bandeau, souvent mouluré, pour distinguer les niveaux ; enfin, au sommet de la façade, une corniche ou, moins fréquemment, une génoise, c´est-à-dire une frise constituée, le plus souvent à Mortagne, d´une double rangée de tuiles canal juxtaposées (une seule génoise triple est observée, à Beauchêne). Ces éléments de décor s´inspirent pour la plupart, là encore, du type de maison saintongeaise. Cependant, un certain nombre de façades, notamment sur la rive droite du port et dans la rue principale du bourg, présentent une indéniable parenté avec celles des quais de Bordeaux, notamment par la blondeur de leur pierre de taille et leur décor sculpté. Celui-ci, assez sobre, est constitué de corniches, d´encadrements d´ouvertures moulurés, voire de feuillages ou de frises. Demeures des notables, maisons des pêcheurs Parmi l´ensemble des maisons étudiées, deux catégories se distinguent. La première est liée à la position sociale de leurs propriétaires : des notables d´Ancien Régime, exerçant notamment des fonctions seigneuriales, commerciales ou portuaires, puis des négociants enrichis au 19e siècle, actifs à Mortagne, voire à Bordeaux. Avant la Révolution, ces demeures se remarquent par leur taille plus que par leur décor, souvent très limité (à peine une mouluration sur la porte, parfois une date inscrite, souvent des ouvertures en arc segmentaire), voire absent. La taille du bâtiment et le décor, en quantité et en variété, s´amplifient sur les plus grandes demeures construites dans la seconde moitié du 19e siècle. Tel est le cas des maisons situées au 2 rue du Poirier-d´Hiver, au 12 rue de l´Église et au 6 Grande Rue, édifiées dans les années 1860-1870. Les deux premières possèdent un toit en ardoise (à longs pans brisés dans le second exemple) qui se veut une imitation des demeures bourgeoises, urbaines, voire des châteaux. La seconde catégorie spécifique de maisons est non pas architecturale mais fonctionnelle et sociale : il s´agit des maisons du vieux hameau de la Rive occupées aux 19e et 20e siècles par les nombreux pêcheurs du port. Ces maisons sont presque toutes orientées vers le port et le chenal, de manière à surveiller l´entrée des bateaux de pêche. Outre leur orientation, elles se distinguent par leur entretien et leur mise en valeur : peinture des volets et de la porte (souvent la même que celle du bateau), application de "coaltar" (goudron protecteur) sur le soubassement de la façade, apposition de marques et de symboles, comme un cartouche avec le nom de la maison (pour rappeler par exemple le surnom de son occupant), ou encore une ancre de bateau remontée du fond de l´estuaire dans un filet. La maison du pêcheur est à la fois le traditionnel abri familial et aussi un outil de travail. Elle sert de lieu de stockage et de réparation des filets, de préparation des poissons et crevettes et parfois même, de lieu de vente, quand celle-ci ne sait pas en tournée. Elle forme un ensemble avec le bateau amarré au port, la cabane de stockage du matériel de pêche et les remises où est entreposé le produit de la pêche avant sa vente. Quelques fermes, tournées vers la polyculture Essentiellement orientée, par son histoire et son économie, vers l´activité portuaire et commerciale, la commune de Mortagne ne présente qu´un nombre limité de fermes et anciennes fermes (un cinquième seulement du bâti relevé au cours de l´inventaire). Elles-mêmes étaient tournées vers le port qui assurait un débouché pour leurs produits, notamment le vin et l´eau-de-vie. Plus d´un tiers d´entre elles présentent encore un chai ou ancien chai. Certaines possédaient aussi une distillerie. Après la crise du phylloxéra, à la fin du 19e siècle, beaucoup ont diminué, voire abandonné, leur activité viticole et se sont tournées vers l´élevage et la céréaliculture. Ceci explique la présence d´une grange dans la moitié des fermes ou anciennes fermes. Issues de la reconstitution du vignoble au début du 20e siècle, puis de sa modernisation après-guerre, une poignée d´exploitations viticoles tirent aujourd´hui partie de la vigne. Pour plus de la moitié des fermes et anciennes fermes, les dépendances sont reliées au logis, le plus souvent sans ordre particulier. Dans un tiers des cas, les dépendances et le logis sont séparés et répartis autour d´une cour. Rares sont les dépendances positionnées dans le prolongement du logis, que ce soit sous un toit différent ou sous le même toit. Au contraire, plus d´un tiers des dépendances sont placées à l´arrière du logis, en appentis, notamment pour ce qui concerne le chai. Celui-ci est souvent reconnaissable à ses ouvertures, en plein cintre ou en arc surbaissé ou segmentaire, dont une fenêtre de décharge (placée à hauteur de charrette, pour décharger le produit de la vendange). Enfin, 45 puits ont été relevés, avec leur margelle ronde ou carrée, en pierre de taille, maçonnée voire monolithe. Certains puits sont accompagnés de "timbres", des abreuvoirs rectangulaires en pierre de taille.

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