Port de Niort

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D'un port médiéval à l'autre

Placé au coeur des activités économiques et commerciales de Niort, le port constitue dès le Moyen-Age une zone d'échanges fructueux entre l'arrière-pays poitevin et la côte atlantique, via la Sèvre Niortaise. Au 13e siècle déjà, le commerce du vin sur la Sèvre fait la richesse de la cité, son transport par terre étant difficile et coûteux en raison de l’état des chemins. Un premier port, appelé le Grenier, est établi au pied du château, vers l’actuelle rue Brisson. Il se trouve à l’embouchure d’un petit ruisseau servant d’égout, appelé le Bouillounouse ou le (bien nommé) Merdusson, et qui s'écoule dans une baisse de terrain entre les collines Saint-André et Notre-Dame. Vers 1259, une halle est construite près de ce port. L’opération est permise par l’assainissement de l’embouchure du Merdusson. Les vestiges du premier port de Niort seront mis au jour en 1803 lors de la construction d'abattoirs, précédant celle des halles.

A la fin du 13e siècle et au 14e siècle, le pouvoir royal et les principales autorités de la région décident la création d’un véritable port à Niort, non plus au sein de la vieille ville mais en face sur la rive droite (entre les actuels boulevard Main, rue du Fort-Foucaud et place du Port), de l'autre côté des îlots qui parsèment et entravent le fleuve. En mai 1285, Mathieu, abbé de Saint-Denis, et Simon de Néelle, lieutenant du roi, accordent aux bourgeois de Niort le privilège de bénéficier d'un port libre, à charge de payer certains droits sur les diverses marchandises transportées à Marans. Le 13 novembre 1325, suivant lettres patentes du roi Charles IV du 26 octobre, commission est donnée par le sénéchal du Poitou à l'évêque de Maillezais pour lever une imposition sur les habitants de Niort "et autres intéressés" pour la construction d'un nouveau port à Niort, "attendu que ce port sera d'un grand profit pour Niort, le pays environnant et le roi lui-même".

Mais la guerre de Cent Ans entrave durablement le projet qui ne voit le jour qu’à la fin du 14e siècle. Le 1er juin 1377, profitant d’une trêve, Jean, duc de Berry, de passage à Niort, décide par lettres patentes la levée d’un impôt ou "coutume" pour financer la construction d’un nouveau port. La taxe est imposée sur les marchandises transitant non seulement par Niort mais aussi dans les ports de Sevreau, la Tiffardière, Coulon, Aziré, Maillé, Le Gué-de-Velluire et Le Poiré-sur-Velluire : vin, blés, sel... Les travaux s’étirent jusqu’aux premières années du 15e siècle.

L’imposition de 1377 est renouvelée par de nouvelles lettres patentes du duc de Berry du 10 mai 1402, date à laquelle le port est "très grandement avancé" et "très grandement utile au bien et profit du pays". L’opération, qui s'étire sans doute sur une bonne partie du 15e siècle, s’accompagne de la mise en navigabilité de la Sèvre, avec création de portes-écluses et de nouveaux ports en aval. C'est sans doute aussi à cette époque qu'est creusé le nouveau lit de la Sèvre (parfois appelé le canal Saint-Martin), en aval du port et jusqu'à Comporté et Saint-Martin. Parallèle à la Vieille Sèvre, ce nouveau cours forme avec elle une nouvelle île appelée Belle-Ile.

La création du nouveau port et de la nouvelle Sèvre libère le vieux cours du fleuve et permet la création de nombreux moulins à eau, des moulins à blé et/ou à foulons (Comporté, Bouzon, le Moulin Neuf, futures chamoiseries Boinot, le Moulin du Milieu et le Moulin du Château, au pied du donjon). Dès lors, La fabrication de draps niortais prend rapidement de l’ampleur au 15e siècle.

Cette nouvelle organisation est toutefois rendue fragile par la nécessité d’un entretien constant et par les guerres qui perdurent encore quelques décennies, sans oublier la concurrence de Fontenay-le-Comte qui prélève aussi des tarifs sur les ports du Marais poitevin pour l’aménagement de son propre port. Dès 1468, Louis XI ordonne le rétablissement du port de Niort et de la navigabilité sur la Sèvre, en réinstituant la perception de la coutume sur les ports (dont la Roussille, la Tiffardière, Sevreau…). En 1553 encore, le canal de la Sèvre en aval du port doit être réparé.

Un port malmené par les éléments

Au 17e siècle, au lendemain des guerres de Religions, la Sèvre et le port sont de nouveau en mauvais état, l’activité portuaire est en plein marasme. Il manque de l’eau en été, la rivière s’envase. La taxation pèse sur les villages et ports en aval de Niort, et la Ville de Niort a peu de prises sur eux, se contentant de transmettre les plaintes des bateliers. Les réparations sur les portes de la Roussille sont continuelles et successives. En 1675, les bateaux ne peuvent plus approcher au-delà du prieuré Saint-Martin : les marchandises doivent être transférées sur des chevaux et charrettes. La coutume tombe en désuétude et elle n’est plus perçue que sur le port de Niort. L’Etat se substitue peu à peu à la Ville pour l’entretien de la Sèvre, par exemple lorsqu'en 1698, le canal du port est encore presque comblé en raison des inondations successives. Le 4 septembre, l'intendant du Poitou ordonne son nettoyage en réquisitionnant à titre de corvée les portefaix qui travaillent au port à charger et décharger les marchandises. En 1711, l’intendant du Poitou fait revêtir de pierre de taille le "havre et canal" de Niort.

Les graves inondations de février 1747 portent un nouveau coup au port, dont le bassin est comblé et les cales "culbutées", et à son chenal. Le 21 ami 1748, un devis présenté par l'ingénieur du roi Bonnichon pour la reconstruction des Vieux Ponts, englobe le curement du bassin et du chenal. Les travaux sont autorisés par un arrêt du Conseil du roi du 24 septembre 1748. Le bassin du port est aussitôt vidangé. Les travaux de rétablissement des murs et des pavés des quais, en même temps que la reconstruction des Vieux Ponts, sont adjugés le 7 novembre à Jean Raimbaux, entrepreneur à Poitiers. Dès 1751, une nouvelle grave inondation remet en cause ces efforts. Un nouveau curage est réalisé en septembre 1752, suivant devis établis en mai par Pierre Devois et Jacques Poiré, entrepreneurs de maçonnerie et de charpente.

Malgré ces travaux, les querelles sont incessantes entre les bateliers niortais et les autres usagers de la Sèvre jusqu’à Marans, et entre les édiles de Niort, Marans et La Rochelle. Le commerce du sel est en plein déclin, surtout pour des raisons fiscales. Considérablement ralentie par la perte du Canada, la chamoiserie est relancée dans les années 1770-1780 par l'industriel Thomas-Jean Main, entrainant avec elle l’activité du port qui reprend des couleurs, notamment pour l’exportation des blés poitevins mais aussi des draps niortais.

En 1803, le maire Brisson fait combler le fond du port (vers l'actuelle place du Port), envasé et insalubre. Par décret impérial du 28 mai 1808 sur la police générale de la Sèvre, Napoléon ordonne entre autres la réfection du port (construction d’un mur, aménagement d’une cale de manutention). Un autre décret impérial, le 15 octobre 1810, circonscrivant la zone de chamoiserie aux bords de Sèvre et au port, ne sera appliqué que sous la monarchie de Juillet.

Après 1815, l'amélioration de la navigation sur la Sèvre Niortaise en aval de Niort, avec la création de nouvelles écluses, accroît la nécessité de disposer d'un port plus performant à Niort. La remise en état du vieux port, coûteuse, entre toutefois en concurrence avec les autres projets portés par l'Etat et les Ponts et chaussées dans le bassin de la Sèvre, et prend donc du temps. Cette remise en état est pourtant nécessaire : en 1818, selon une notice sur le port établie par le comte de Sainte-Hermine, le port "fait travailler 16 à 18 maîtres bateliers dont les deux tiers au moins sont commerçants, s’occupant des transports par eau entre Niort et Marans. Ils y emploient plus de 30 bateaux dont 5 du port de 25 tonneaux, 6 de 20 tonneaux, 4 de 15 tonneaux qui font le voyage de Niort à Marans, les autres servant d’allèges dans les courtes eaux, ou sont employés à la navigation entre Niort et Coulon et au communes des marais. Ce service occupe 30 à 40 mariniers ou hommes de bord, de 40 à 50 autres pour la manutention des marchandises."

Réhabiliter le vieux port ou en créer un nouveau ?

Dans l'attente de travaux plus importants, des aménagements ponctuels sont réalisés durant la première moitié du 19e siècle. En 1847, on reconstruit une cale d'abordage située en aval du port, rive droite, vis-à-vis du moulin Neuf. Cette cale (encore en place de nos jours) comprend deux volées et un palier.

En 1854, l'ingénieur Joseph Maire, chef du service spécial de la Sèvre Niortaise, propose un vaste projet de réhabilitation du port et du lit de la Sèvre Niortaise jusqu'à Saint-Martin et au Jaune. Son programme prévoit le curage du lit du fleuve et la construction d'une écluse avec barrage au niveau du moulin à eau de Comporté, de manière à mieux réguler le niveau d'eau dans la Sèvre et le port. Deux ans plus tard, Maire élabore un programme plus ambitieux encore, consistant à améliorer tout le bassin de la Sèvre Niortaise de Niort à la mer. Parmi les nombreux ouvrages proposés, il envisage pour la première fois la création d'un nouveau port en aval de l'ancien, au niveau du moulin Neuf (future chamoiserie Boinot), alors exploité comme féculerie. Le plan qu'il établit à cette occasion comprend un bassin appelé "de la Préfecture", avec quai, écluse et maison d'éclusier, le tout situé sur l'ancien lit médiéval de la Sèvre Niortaise, en contrebas de l'actuelle rue de Ribray et juste en aval des actuels ponts Main. Ce projet, pharaonique, ne verra pas le jour mais annonce déjà le futur port. En attendant, des travaux de dragage de la Sèvre entre le port et Saint-Martin sont réalisés en 1861-1862, parallèlement à la construction de l'écluse de Comporté.

A la même époque, la Ville de Niort bénéficie d'un don effectué par Thomas-Hippolyte Main, membre de la riche famille de chamoiseurs. Ce don permet d'envisager plusieurs projets, dont la construction des ponts Main et la réhabilitation du port. L'Etat se charge du financement de ce second projet jusqu'à hauteur de 55.000 francs, la Ville s'engageant à financer le surplus. Un premier projet est présenté le 10 septembre 1861 par l'ingénieur Godefroy Deglaude, successeur de Maire. Approuvé en 1862, il se contente de proposer un réaménagement du port avec création d'une nouvelle grande cale avançant jusqu'au pied du moulin du Roc, et d'une cale d'abordage juste en aval de celui-ci, sur la rive droite, s'ajoutant à celle créée en 1847 en face du moulin Neuf.

Un nouveau port pour Niort

Ce projet évolue au cours des années suivantes jusqu'à ce que décision soit prise d'abandonner l'ancien port, de couvrir une partie de son cours entre le moulin du Roc et le moulin Neuf, et de déplacer le port juste en aval de ce dernier. Cette décision fait suite à celle prise le 17 juillet 1865 par le conseil municipal de Niort de construire les ponts Main et de tracer dans leur prolongement, vers le nord, une nouvelle voie reliant le quartier Saint-Etienne. A la demande de la Ville, l'Etat confie aux Ponts et chaussées l'étude de la création du nouveau port en aval de cette nouvelle voie.

Le projet en est dès lors présenté le 5 décembre 1865 par le conducteur des Ponts et chaussées Espitallier. Il prévoit le couvrement de l'ancien port par un tunnel voûté, et la création d'un pont au débouché de ce tunnel, à l'entrée du nouveau port. Ce pont aura deux arches : la première servira de débouché au tunnel qui acheminera aussi les eaux du moulin du Roc ; la seconde arche franchira le bief du moulin Neuf, en remplacement d'une ancienne passerelle qui reliait le port à Belle-Ile. Le projet d'Espitallier conserve par ailleurs la cale à deux volées reconstruite en 1847 sur la rive droite, vis-à-vis du moulin Neuf. Au-delà de cette cale s'en trouve aussi déjà une autre, à une seule volée, au pied d'un pilier indiquant la barrière d'octroi. Une troisième cale, bien plus importante, sera aménagée sur la rive gauche du nouveau port, en s'étendant sur les jardins de Belle-Ile. Cette cale servira au dépôt des marchandises. Pour l'ensemble des travaux, la pierre de taille proviendra des carrières de Bégrolles, à Sainte-Pezenne ; les pavés seront extraits des carrières des Maisons Rouges, à Niort.

Approuvés par décision ministérielle du 12 août 1866, les travaux sont adjugés le 7 février 1867 à Prosper Fournier, entrepreneur à Niort. La date 1867 est du reste apposée sur le pont à deux arches qui, comme prévu, délimite désormais le nouveau port. Conformément au projet déposé par ailleurs le 15 janvier 1867 par l'agent-voyer François Giraudeau pour le compte de la Ville, l'ancien port médiéval est recouvert d'une voûte au-dessus de laquelle sont aménagés le boulevard Main et les allées Henri-Dunant. Parallèlement, la Ville procède à la construction des ponts Main et de la voie qui les prolonge vers le quartier Saint-Etienne.

L'établissement d'une des deux arches du nouveau port sur le bief du moulin Neuf, devenu l'usine de chamoiserie Laydet (plus tard Boinot), suscite l'inquiétude de la veuve Laydet, propriétaire du moulin, et oblige à des aménagements de l'arche en 1869. Plus tard, à l'été en 1903, une autre amélioration consistera à faire poser par Joseph Courrée, serrurier-forgeron à Niort, un garde-corps en métal au-dessus du quai de la rive droite (ce garde-corps à croisillons existe toujours).

Une brève période de prospérité

Ainsi créé, le nouveau port de Niort attire bateliers mais aussi négociants, artisans et industriels. Dans les années 1880-1890, l'Etat met en concession le terrain qui surplombe la grande cale du port, sur la rive gauche. En 1888 et 1892 par exemple, les frères Vincent, marchands de tuiles à La Grève-sur-Mignon, et Alexandre Texier, marchand de sable à Coulon, obtiennent l'autorisation d'y établir leurs dépôts de produits destinés à être acheminés sur le port et vendus aux entrepreneurs des environs.

Le nouveau port n'a qu'une courte période de prospérité : à la fin du 19e siècle et au début du 20e, la concurrence du chemin de fer et du transport terrestre a raison du trafic fluvial. Le transport par gabarres ne retrouve que provisoirement une raison d'être et un avantage économique pendant la Première Guerre mondiale : en 1917, une gabarre baptisée Clémence Hortense est affrétée pour assurer un dernier convoi sur la Sèvre et palier la réquisition des trains par l'armée.

Le port et ses abords ont été restaurés au début des années 2020 dans le cadre de la réhabilitation du site de Port Boinot et de la mise en place du projet de tourisme fluvestre sur la Sèvre Niortaise. La grue métallique qui se trouvait sur la grande cale, a disparu à cette occasion.

Périodes

Principale : 3e quart 19e siècle

Dates

1867, porte la date

Auteurs Auteur : Espitallier

Ingénieur des Ponts et Chaussées dans la seconde moitié du 19e siècle.

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Le port est situé en aval du centre historique de Niort, au pied des anciennes chamoiseries Boinot. Il est alimenté par deux bras de la Sèvre : l'un, au sud, s'écoulait sous les chamoiseries Boinot ; l'autre, au nord, coule sous le boulevard Main et les allées Henri-Dunant, en provenant de l'ancien moulin du Roc (actuelle médiathèque). Ces deux bras se jettent dans le port par l'intermédiaire des deux arches du pont qui ferme le port en amont.

C'est ici que commence la partie navigable de la Sèvre Niortaise. De part et d'autre du port, des quais et des cales permettent l'accostage des bateaux. La rive gauche est occupée par une large cale qui occupe tout ce côté-ci du port. Elle est délimitée en aval par un perré qui protège aussi le quai de Belle-Ile. Sur la rive droite, une cale à deux volées, parallèle à la Sèvre, donne accès au fleuve depuis le quai Maurice-Métayer, en se prolongeant par un quai vertical sur quelques dizaines de mètres. Une autre petite cale se trouve à l'extrémité de ce quai.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : pierre de taille

Toits

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Deux-Sèvres , Niort , quai Maurice-Métayer

Milieu d'implantation: en ville

Cadastre: 1809 A, 1846 C, 2016 BH

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