Chai, actuellement entrepôt commercial, dit comptoir agricole

France > Nouvelle-Aquitaine > Pyrénées-Atlantiques > Bayonne

En 1702, un ingénieur Normand du nom de Denis de Lavoye, connu à Bayonne pour avoir assuré la surveillance des travaux de la citadelle, achète au roi des terrains sur lesquels il s’engage à construire quais, cales et chais. Charles de Lavoie, également ingénieur du roi, succède à son père à la tête du projet le 13 août 1711 suite à la mort de ce dernier. Il s’associe alors avec les marchands Jacques et David Lafretté avant de s’engager à construire dix chais ou maisons avec des quais devant. Le chantier est alors confié au maître d'œuvre Aubert. Les travaux débutent en 1712. Selon les registres de locations, le premier chai est loué en 1713, le second en 1714 et quatre autres en 1715. Trois ans plus tard, les dix chais et leurs quatre quais figurent sur un plan daté de 1718, attestant ainsi de leur construction et d’une fonction commerciale nouvelle dans ce secteur de la rive droite de l’Adour. 

Un dessin du projet de 1711 montre la coupe d’un chai doté d’un seul niveau sous charpente. Ces chais figurent également sur deux tableaux peints par l’artiste Claude-Joseph Vernet en 1760 et en 1761 : côté quai, les façades sur pignon sont dotées d’un niveau unique et prennent place dans un mur continu parallèle au fleuve, créant ainsi un effet d’unité. Les portes ouvertes sur l’Adour sont alors protégées par un appentis porté par des poteaux en bois. Côté rue, l’élévation des chais est composée d’une large porte en plein cintre à impostes saillantes et clef pendante, encadrée par deux fenêtres barrées par des grilles. La façade est dotée d’un seul niveau et prend place sous un toit à deux versants et pignon libre.

L’édifice étudié est situé à l’emplacement d’un de ces chais. Il servait alors au stockage de vin ou d’eaux-de-vie transitant par le port de Bayonne et appartenant vraisemblablement à un négociant. Le bâtiment a été par la suite surélevé, passant d’un simple rez-de-chaussée à un rez-de-chaussée surmonté par un comble à surcroît. Il offre désormais deux vastes niveaux dédiés au stockage des marchandises transitant par le port, l’un sec et bien ventilé dans le comble et l’autre, plus humide, au rez-de-chaussée. Ce fait est confirmé par la double numérotation observée en charpente, les anciennes fermes étant certainement réutilisées lors de l'exhaussement. Par ailleurs, une rupture dans l’alignement figuré sur un plan de 1826, notamment suite à la construction de la manutention militaire, laisse à penser que l’édifice et ceux qui l’avoisinent ont été augmentés d’une travée sur le quai. L’entrée sur la rue Sainte-Ursule a été également modifiée, passant d’un arc en plein cintre à un arc surbaissé.

Les états de section du cadastre de 1833 identifient l’édifice comme un "magasin", c'est-à-dire un bâtiment où sont stockées des marchandises destinées à la vente. Il est alors possédé par Armand Lahirigoyen, vraisemblablement négociant, possédant également le magasin contigu.

L'extension de la façade de l'ensemble des chais au-delà de l'ancien mur commun semble aboutie au moment du levé du plan de 1847 (cf. séquençage). Autre indice amenant à la même conclusion, le redoublement du mur pignon sur le quai a également été identifié sur le relevé préalable à la reconstruction du chai de M. Champarnaud, situé au n°9 bis. L'ensemble de ces modifications s'est déroulé entre 1761 et la fin du 19e siècle, les photographies du début du 20e siècle figurant le bâtiment dans sa physionomie actuelle.

Les dernières modifications apportées à l’édifice, à l’image de la porte sur le quai et du cloisonnement des travées en matériaux industriels (parpaing de béton, plaque de plâtre, briques creuses), ont vraisemblablement été réalisées durant la seconde moitié du 20e siècle, voir au début du 21e siècle. Comme son nom l’indique, la dernière activité de l’édifice est celle d’un comptoir agricole. Dédié au commerce de gros, notamment d’engrais, et appartenant à la société "COMPTOIR HORTICOLE BASCO-LANDAIS - BARATZEZAINEN ETXEA", l’édifice a définitivement fermé ses portes le 31 juillet 2014.

Périodes

Principale : 1er quart 18e siècle (daté par source)

Secondaire : Epoque contemporaine (incertitude)

Auteurs Auteur : Aubert, architecte (attribution par source)
Auteur : Lavoye Charles de, entrepreneur (attribution par source)

L’édifice occupe une parcelle en lanière traversante implantée entre le quai, bordé par l’Adour, et la rue Sainte-Ursule, accolée aux voies ferrées. Le bâtiment mesure approximativement 37,5 m de long sur 11,5 m de large, soit une surface au sol d’environ 430 m² selon le cadastre.

Le comptoir agricole est doté d’un rez-de-chaussée et d’un comble à surcroît. Ses façades sont aménagées sur les murs pignons. Côté quai, l'entrée dans la première travée s'effectue par une large porte fermée par un rideau de fer. Deux pièces éclairées par des fenêtres prenant jour sur le quai sont disposées de part et d’autre d’un passage implanté dans l’axe de la porte. Le premier espace, également accessible depuis le quai par une porte piétonne, accueille l’escalier du comble tandis que le second est dévolu à un bureau. Au-delà vers le nord, une vaste salle longue de sept travées est divisée en deux vaisseaux par six piliers carrés portant des sablières de plancher. Le sol est composé de dalles de béton, son niveau décroît de près d’1 m depuis la rue vers le quai. En moyenne, l’espace sous plancher dépasse les 3 m de hauteur. Dans les travées 2 et 7, l’espace est compartimenté par des cloisons afin d’accueillir des sanitaires, une salle de repos et une réserve. Enfin, la dernière travée est éclairée par deux fenêtres prenant jour sur la rue Sainte-Ursule. Côté rue, le comptoir est accessible par une porte ménagée sous un arc surbaissé.

Le comble est éclairé par quatre fenêtres disposées sur les murs pignons, et par une lucarne à l’est. La dernière travée accueille une pièce cloisonnée de planches. Outre l’escalier mentionné précédemment, deux portes à surcroît permettent de charger le grenier depuis le quai et la rue.

Les fermes de charpentes sont composées par des arbalétriers conjointement liés à des blochets insérés dans les murs gouttereaux et des jambes de force liées aux sablières de plancher. Ils sont assemblés à des poinçons posés sur les piliers du rez-de-chaussée. Les sept fermes et leurs pannes portent une toiture à deux versants formants des croupes portées par des demi-fermes. Au-delà de l’appui fourni par les pignons, la charpente est contreventée par des décharges assemblées aux pannes faîtières et aux poinçons, la seconde travée étant la seule à disposer d’une sous-faîtière. La toiture à croupes est couverte de tuiles creuses.

Côté quai, la façade est presque entièrement enduite, ne laissant paraître que l’inscription peinte "COMPTOIR AGRICOLE DU PAYS BASQUE". Les piédroits des ouvertures sont en pierre de taille calcaire. Ils supportent des linteaux taillés dans le même matériau, à l’exception des portes dont les maçonneries sont invisibles. Par ailleurs, le seuil de la fenêtre est du surcroît a été démonté afin de permettre le percement d’une porte haute ouverte sur la rue. La façade de la rue Sainte-Ursule présente une composition similaire, à la différence de la porte ménagée ici sous un arc surbaissé, et des ouvertures du comble, formées de deux fenêtres et d'une porte haute à l’ouest. Le calcaire utilisé, bouchardé et plus foncé, est différent de celui observé côté quai.

A l’intérieur, les maçonneries sont recouvertes par un enduit. Les piliers qui partagent l’espace sont en pierre de taille bouchardée, dont la mise en œuvre est similaire à celle observée sur la façade côté rue. Les sablières de planchers, notamment au niveau de leurs entures et leurs aisseliers, sont numérotés de 1 à 3 depuis la rue Sainte-Ursule ; aucune marque n’a été observée au-delà de la troisième travée. Le rez-de-chaussée étant très humide et peu éclairé, il n’est pas exclu qu’un nouvel examen mette au jour les marques manquantes des travées 4 à 7. L’ensemble des supports intermédiaires ne portant pas de marque d’assemblage, ils sont certainement postérieurs à la mise en œuvre des piliers et de leurs sablières.

Par ailleurs, le mur pignon sud est redoublé par un second mur séparant les deux premières travées, ce qui semble indiquer une augmentation de la construction du côté quai. Les autres travées sont en effet séparées par un pilier, ce qui n’est pas le cas ici. L’hypothèse est confirmée au regard de la fenêtre condamnée visible sur ce même mur. De plus, son orientation est parallèle aux murs pignons, à la rue et au quai tandis que les poutres qui séparent les autres travées sont toutes perpendiculaires aux murs gouttereaux. Le pignon sud aurait donc été reconstruit afin d’augmenter la capacité du comptoir, ce qui expliquerait notamment l’usage d’un calcaire clair non bouchardé en façade. Ainsi, le chevêtre visible dans le plancher de la deuxième travée pourrait être alors identifié comme une trappe dédiée à charger le comble.

À l’étage, les marques relevées sur les fermes révèlent l’existence d’au moins deux campagnes de construction. Aucun des supports en bois destiné à étayer la charpente ne possède ni marque, ni trace d’assemblage avec la charpente. Ils lui sont ainsi vraisemblablement postérieurs.

Enfin, le cloisonnement de la première travée, les portes qui s’y trouvent, l’absence de solive et l’exhaussement des murs du comble, faits de parpaings de béton et de briques, indiquent au minimum une phase de construction supplémentaire. Tout comme les matériaux industriels des pièces recoupant les travées 2 et 7, ou la transformation des fenêtres du comble en portes hautes au détriment de leurs seuils d’origine.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : moellon

    Revêtement : enduit

Toits
  1. tuile creuse
Plans

plan rectangulaire régulier

Étages

comble à surcroît

État de conservation
  1. menacé

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Pyrénées-Atlantiques , Bayonne , 15 quai de Lesseps

Milieu d'implantation: en ville

Cadastre: 2023 BI 245

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