Présentation de la commune de Niort (les bords de Sèvre et Saint-Liguaire)

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1. Un site stratégique en bord de Sèvre

Il y a plusieurs millénaires, le Marais poitevin était encore un golfe marin. La mer arrivait probablement aux portes de la ville actuelle, et la Sèvre commençait à serpenter à travers les vases découvertes à marée basse. Sur ses bords et les hauteurs qui l’environnaient se sont installés les premiers occupants du site de la future ville de Niort. Outre des vestiges paléolithiques découverts au 19e siècle vers Saint-Martin, Saint-Étienne et Bessac, et des haches du néolithique à l’emplacement des halles et à Saint-Liguaire, de nombreux témoignages archéologiques des époques celte et romaine ont été mis à jour et étudiés au 20e siècle dans le quartier de Bessac, au Jaune et à Saint-Martin. Ils montrent que Niort était alors déjà un relais commercial important entre l’arrière-pays et le golfe des Pictons.

Ce rôle stratégique s’intensifie au 10e siècle, avec la formation des pouvoirs ecclésiastiques et féodaux qui cherchent à imposer leur autorité sur le Poitou. Une viguerie (siège d’une petite administration carolingienne) est mentionnée à Bessac vers 936, et l’abbaye de Saint-Liguaire, d’abord dépendant de celle de Saint-Maixent, est fondée vers 961. La forteresse de Niort apparaît dans l’histoire pour la première fois vers 946, servant de point d’appui au comte de Poitiers pour l’accès à l’Aunis, à la mer et aux marais salants alors nombreux sur la côte. D’abord constituée de deux bourgades installées sur les deux collines qui surplombent la Sèvre (Saint-André et Notre-Dame), la cité de Niort va rapidement se développer à l’ombre de la forteresse comtale, sans oublier, sur l’autre rive, le prieuré Saint-Étienne, dépendant de l’abbaye de Maillezais, la paroisse Sainte-Pezenne et le prieuré Saint-Martin, dépendant de l’abbaye de La Couronne (près d'Angoulême).

À la fin du 12e siècle, Richard, duc d’Aquitaine (le futur roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion) fait élever des fortifications (tours et remparts) sur près de trois kilomètres pour protéger et unifier les deux collines-paroisses de la rive gauche autour d’un donjon. Le versant ouest de cette enceinte suit la Sèvre entre les actuels jardin des Plantes et rue de l’Espingole. Il est interrompu par une porte, la porte du Pont, au débouché de l’actuelle rue du Pont. Cette porte ouvre sur un pont (les futurs Vieux ponts) sur lequel se trouve un poste de défense avancé et qui relie le faubourg de Bessac et le chemin de Fontenay-le-Comte. Un autre poste avancé, le fort Foucault, est établi sur un des nombreux îlots qui entravent le cours du fleuve au pied du donjon. Sans cesse plus développée, la cité est reconnue au début du 13e siècle par les rois d’Angleterre, puis par Aliénor d’Aquitaine, et enfin, par le roi de France (maître du Poitou en 1224), qui lui octroient, puis lui confirment l’autorisation de se constituer en commune.

2. D’un port à l’autre (13e-16e siècles)

Au 13e siècle, Niort commence à sortir de son seul rôle militaire pour acquérir un rôle commercial de premier plan, grâce, là encore, à la Sèvre, dont le cours s’allonge vers l’ouest à mesure que le Marais poitevin se forme en se comblant. Le commerce du vin sur le fleuve fait la richesse de la cité, son transport par terre étant difficile et coûteux en raison de l’état des chemins. Un premier port, appelé le Grenier, est établi au pied du château, vers l’actuelle rue Brisson. Il prend place à l’embouchure d’un petit ruisseau servant d’égout, appelé le Bouillounouse ou le (bien nommé) Merdusson, qui s’écoule entre les deux collines. Vers 1259, une halle est construite au même endroit par ordre du comte Alphonse de Poitiers, une fois le site assaini. Cinquante ans plus tôt, déjà, le roi d’Angleterre Jean Sans Terre avait institué deux foires annuelles à Saint-Liguaire. Tandis que les premiers travaux de dessèchement du Marais poitevin conduits par les grandes abbayes de la région battent leur plein à l’ouest, les moines de Saint-Liguaire, de plus en plus puissants, aménagent la Sèvre et ses marais (en particulier ceux de Bessines) pour faciliter toujours plus la navigation et le commerce. Deux seigneuries se constituent par ailleurs entre Niort et Saint-Liguaire, à Telouze et à la Tiffardière, pour contrôler des points de passage sur la Sèvre.

En 1285 puis en 1325, le pouvoir royal décide la création d’un véritable port à Niort, mais la guerre de Cent Ans entrave durablement le projet, qui ne verra le jour qu’à la fin du 14e siècle. En 1377, profitant d’une trêve, Jean, duc de Berry, de passage à Niort, décide la levée d’un impôt ou « coutume » pour financer la construction du nouveau port. La taxe est imposée sur les marchandises (vin, blé, sel…) transitant non seulement par Niort, mais aussi dans les ports qui se développent le long de la Sèvre, à Sevreau, la Tiffardière, Coulon, Aziré, Maillé, Le Gué-de-Velluire et Le Poiré-sur-Velluire. Le nouveau port est alors installé sur la rive droite de la Sèvre, face au château, vers les actuels boulevard Main et place du Port. L’opération, qui s’étire jusqu’aux premières années du 15e siècle, s’accompagne de la création de portes-écluses destinées à réguler le niveau d’eau, par exemple à la Roussille (l’écluse encore en place de nos jours est sans doute le dernier témoin de ce dispositif).

Cette mise en navigabilité de la Sèvre entre Niort et Marans est toutefois fragilisée par la nécessité d’un entretien constant et par les guerres qui perdurent encore quelques décennies, sans oublier la concurrence de Fontenay-le-Comte qui prélève aussi des tarifs sur les ports maraîchins pour l’aménagement de son propre port. En 1468, le roi Louis XI ordonne le rétablissement du port et de la navigabilité de la Sèvre, en ré-instituant la perception de la coutume sur les ports. C’est probablement aussi à cette époque qu’est créée une nouvelle voie canalisée pour la Sèvre, parfois appelée canal Saint-Martin, entre le port et le prieuré Saint-Martin. En 1494, Robert Maynart, chargé de la perception de cette coutume, est chargé de refaire à neuf les portes de la Roussille et de nettoyer la Sèvre à la Tiffardière, aux Chizelles et à Telouze.

Malgré ces difficultés, et surtout une fois la paix revenue, Niort est désormais une place économique et commerciale qui compte. Cette prospérité repose dès lors, outre le commerce fluvial, sur la fabrication de draps dans les moulins à eau, qui se sont multipliés sur les îlots au pied du donjon. Déjà en 1271, Niort comptait sept moulins à blé et à draps. À la fin 15e siècle, leur nombre augmente notamment après le déplacement du port sur la rive droite et le creusement du canal Saint-Martin : ces aménagements ont libéré certains bras de la Sèvre des contraintes de la navigation, et ainsi permis l’établissement de moulins. Ceux de Bouzon et de Comporté, par exemple, sont mentionnés dès la fin du 15e siècle. La ville s’enrichit et, surplombant la Sèvre, l’église Notre-Dame est reconstruite à partir de 1491. En bord de Sèvre se trouvent aussi les halles, reconstruites après avoir été emportées par une tempête, et l’hôtel de ville.

Au 16e siècle et jusqu’au début du 17e, les guerres de Religion mettent à bas les efforts réalisés jusqu'alors. Les seigneurs riverains de la Sèvre, notamment ceux de Magné et de Coulon, ou encore le chef de guerre protestant Agrippa d’Aubigné, siégeant à Maillé, détournent à leur profit la perception de la coutume. L’abbaye de Saint-Liguaire, qui brillait par sa nouvelle architecture Renaissance, est en grande partie détruite en 1575 et ne s’en relèvera pas. En 1585 et 1588, les troupes royales, catholiques ou protestantes empruntent le passage de la Tiffardière pour marcher sur Niort.

3. La Sèvre, poumon économique de Niort (17e-18e siècles)

La Sèvre et le port de Niort sortent de ces événements tragiques très affaiblis. L’activité portuaire est en plein marasme, les travaux d’entretien de la Sèvre ne sont réalisés que ponctuellement, la municipalité de Niort n’a que peu de prise sur les villages et les ports en aval pour les contraindre à payer la coutume. En 1675, les bateaux venant de Marans ne peuvent plus approcher au-delà du prieuré Saint-Martin. La coutume tombe en désuétude et, au 18e siècle, elle n’est plus perçue que sur le port de Niort. L'État, représenté par l’intendant du Poitou, se substitue peu à peu à la Ville pour l’entretien de la Sèvre. Mais en 1697, le domaine royal (dont l’écluse de la Roussille) est aliéné au profit de créanciers ou « engagistes » qui s’avèrent peu soucieux de dépenser pour l’entretien du fleuve. Les querelles sont incessantes entre les bateliers niortais et les autres usagers de la Sèvre jusqu’à Marans, et entre les édiles de Niort, Marans et La Rochelle.

Ce marasme est compensé au 18e siècle par le niveau élevé des exportations des blés poitevins et des draps niortais via le port de Niort. Plus encore, Niort devient la capitale de la chamoiserie française, profitant de sa position géographique et commerciale, de l’importation des peaux du Canada, et de sa proximité immédiate avec les eaux de la Sèvre, utiles pour le traitement des peaux. Dès le 13e siècle, des tanneurs s’étaient établis au Pelet (actuel quai de la Préfecture), et de nombreux ateliers sont installés depuis les 16e et 17e siècles dans le quartier du port et rue de la Regratterie. Depuis cette rue, et à travers les poternes et les brèches pratiquées dans les remparts en mauvais état, ils ont un accès direct à la Sèvre le long du futur quai de la Regratterie. Définitivement, les moulins à eau et à blé répartis sur la Sèvre se dotent de foulons nécessaires pour le battage des peaux (tout en conservant leurs meules à blé). Dans la première moitié du 18e siècle, Niort compte 47 maîtres-chamoiseurs et entre 300 et 400 ouvriers chamoiseurs.

L’activité est considérablement ralentie par la perte du Canada en 1763, puis relancée par l’industriel Thomas-Jean Main qui importe d’Angleterre une nouvelle technique de traitement des peaux. En 1783, la chamoiserie niortaise emploie au total plus de 1 500 personnes et surpasse ses concurrents. La ville s’enrichit et profite de la déperdition, puis de la suppression des remparts médiévaux, pour s’agrandir et commencer à aménager les bords de Sèvre (création du quai de Cronstadt et de la promenade Saint-Gelais, surplombant l’actuel jardin des Plantes).

La proximité des eaux de la Sèvre, aussi bénéfique soit-elle, est aussi un inconvénient majeur lorsque l’inondation survient. À plusieurs reprises, notamment en 1657 et en 1747, la Sèvre gonfle et emporte tout sur son passage ; ponts et moulins doivent être reconstruits à grands frais. Au contraire, en été, l’eau vient à manquer, ralentissant l’activité des moulins et de leurs foulons. La régulation du débit de la Sèvre et l’entretien de son cours sont donc des sujets de préoccupation constante, à défaut de recevoir une réponse efficace.

D'autre part, la prospérité niortaise ne profite pas à tous. À Saint-Liguaire, où l’abbaye finit par être supprimée en tant que bénéfice en 1762, le nombre d’habitants n’augmente que très peu au cours du 18e siècle, et la population doit se contenter de céréaliculture, d’élevage et de pêche.

4. Un fleuve, objet de toutes les attentions (19e siècle)

La Révolution et ses soubresauts passés, Niort et ses bords de Sèvre connaissent de nouvelles mutations, dès le début du 19e siècle. Les efforts des municipalités successives portent d’abord sur l’amélioration de l’accès au fleuve. Elles sont soutenues en cela par l’empereur Napoléon 1er lui-même qui, de passage à Niort en 1808, prend plusieurs décisions importantes pour la ville et pour tout le bassin de la Sèvre Niortaise. Outre l’aménagement de celui-ci (la plupart des travaux menés dans le Marais poitevin au 19e siècle vont découler de ces décisions), il ordonne la construction du quai de la Regratterie et donne à la Ville les terrains qui environnent le donjon. L’enceinte médiévale est définitivement démolie, des halles sont édifiées au pied du donjon dès 1803, le quai de la Regratterie est construit en 1809. Cet effort urbain se prolonge sous la Restauration et la monarchie de Juillet par la construction de la préfecture et l’aménagement du jardin des plantes. Le quai de Cronstadt se pare de belles demeures aux façades bien alignées.

Les efforts des autorités publiques au 19e siècle sont aussi tournées vers le port et la navigation sur la Sèvre, moteurs de l’activité commerciale de Niort, en tout cas pour encore quelques décennies, jusqu’à l’arrivée du chemin de fer. Le sujet est délicat car l’opération, en plus d’être coûteuse, nécessite l’entente et la synchronisation entre la municipalité et l’administration des Ponts et chaussées, chargée par Napoléon de l’amélioration et de l’entretien de la Sèvre entre Niort et Marans. En attendant, le port est en très mauvais état, au point que dès 1803, il a fallu en combler l’extrémité (actuelle place du Port). De leur côté, les ingénieurs des Ponts et chaussées, notamment Joseph Maire dans les années 1850, imaginent des projets de remise en état de la Sèvre juste en aval du port. En résulte la construction de l’écluse de Comporté en 1862, destinée à retenir davantage d’eau en amont.

La situation du port évolue lorsque Thomas-Hippolyte Main (neveu du chamoiseur Thomas-Jean Main), décédé en 1860, fait don d‘une partie de sa fortune à la Ville de Niort, à charge pour elle de réaliser un vaste programme urbain qui va radicalement transformer les bords de Sèvre au-delà du moulin du Roc et du quai de la Préfecture. En 1867, la Ville et l’État conjuguent leurs efforts pour, tout d’abord et conformément aux vœux du donateur, créer une nouvelle liaison entre les deux rives de la Sèvre : les ponts Main viennent ainsi relier la rive droite, plus populaire, où débouche la route de Fontenay-le-Comte, au centre historique, où le chemin de fer est arrivé en 1856 et où aboutissent les routes de Poitiers et de La Rochelle. La même année, le vieux port médiéval est comblé, son chenal recouvert d’une voûte (sous l’actuel boulevard Main), et le port est déplacé juste en aval du Moulin-Neuf (futures chamoiseries Boinot). La donation Main permet par ailleurs la construction, dès 1862, d’un pont routier à la place du passage par bac de la Tiffardière.

Outre la question du port, la gestion de l’eau est un enjeu majeur à Niort tout au long du 19e siècle. Il s’agit d’abord d’assurer l’approvisionnement de la ville, projet émis dès la fin du 18e siècle et qui se concrétise en 1822 avec la construction de l’usine hydraulique du Pissot. Dotée d’équipements novateurs, elle est agrandie en 1857. L’objectif est ensuite de mieux réguler et contrôler le débit de la Sèvre, chacun ayant en mémoire les inondations catastrophiques des siècles passés, événements qui se répètent notamment en 1872 et 1876. Sur ce sujet, l’approche est de deux ordres : local et plus global.

Localement, la Ville comme les Ponts et chaussées surveillent de près les nombreux moulins à eau répartis sur la Sèvre entre les Vieux ponts et Comporté. Ceci d'autant plus qu’à l’époque, plusieurs passent d’une activité artisanale à une véritable production industrielle. Les autorités niortaises sont particulièrement attentives au nœud formé par les moulins du Château, du Milieu et du Petit Moulin qui gênent l'écoulement de la Sèvre juste en aval des Vieux ponts, au pied du château. Des règlements d’eau sont adoptés (parfois imposés) dans les années 1840 et 1860, fixant les conditions et le calendrier d’utilisation des roues des moulins. Des litiges entre les propriétaires et l’administration s’ensuivent fréquemment (l’arrêt des moulins est parfois décidée d’autorité), et l’application des règlements se heurte souvent au coût des travaux à effectuer.

Plus globalement, la question de la gestion des niveaux d’eau dans la Sèvre Niortaise s’intègre dans les vastes programmes élaborés par les Ponts et chaussées pour tout le bassin du fleuve. Élaboré à la fin du 18e siècle, le projet de canal de Niort à La Rochelle est finalement abandonné au profit d’une amélioration ambitieuse du cours de la Sèvre depuis Niort jusqu’à Marans et à la mer. Dès 1818, le projet de l’ingénieur en chef Mesnager prévoit, entre autres, la reconstruction de l’écluse de la Roussille (c’est chose faite en 1825) et l’établissement d’un barrage à Sevreau. L’ingénieur Laffore en 1847, puis l’ingénieur Maire à partir de 1851, proposent le creusement de canaux de redressement des vieux méandres de la Sèvre, imposantes tranchées qui transperceraient les coteaux calcaires de Saint-Liguaire, la Tiffardière et la Moucherie notamment. Finalement, seuls quelques petits méandres sont redressés, formant de nouveaux îlots, et des écluses sont construites de manière à créer des biefs et étager le cours de la Sèvre : outre l’écluse de Comporté en 1862, l’écluse de la Tiffardière et le pont-barrage de Sevreau voient ainsi le jour en 1860.

5. Un fleuve au cœur de la cité (19e-20e siècles)

Forte de tous ces aménagements, l’économie niortaise dans les années 1860-1880 est florissante. La chamoiserie et la mégisserie (traitement des peaux d’ovins et de caprins) en reste le pilier. Les ateliers sont nombreux dans la ville, notamment au rez-de-chaussée des maisons du nouveau quai de la Regratterie. La chamoiserie Laydet (au Moulin-Neuf, sur le nouveau port) et la chamoiserie Main-Noirot (à Bessac) sont les plus importantes, employant plusieurs centaines d’ouvriers et produisant des dizaines de milliers de peaux et de gants chaque année, exportés au bout du monde. Les autres moulins se développent aussi, convertis en tout ou partie en fonderie (moulin du Milieu), en scierie (Bouzon) ou en minoterie (Comporté). La Sèvre continue à jouer son rôle pour l’importation de peaux et l’exportation des chamoiseries finies, grâce à la trentaine de gabares qui assurent le trafic fluvial avec Marans. Un autre établissement industriel investit ses rives pour utiliser ses eaux : l’abattoir est construit à Belle-Île à partir de 1868. Trois ans plus tard, toujours en bord de Sèvre, les halles sont reconstruites selon les techniques les plus modernes.

À la fin du 19e siècle, deux chamoiseries s'industrialisent plus que les autres, tout en conservant la proximité nécessaire avec les eaux de la Sèvre. En 1881, Théophile Boinot reprend la chamoiserie Laydet. Quelques années plus tard, il investit les moulins de Bessac, du Roc, e Comporté et de Bouzon pour étendre son activité. L’entreprise, perpétuée par les fils Boinot et rebaptisée « les fils de T. Boinot », est une des plus importantes de Niort pendant une grande partie du 20e siècle. Elle emploie 1 500 personnes, en usine ou à domicile, en 1930, 3 000 en 1960. Quant à la chamoiserie Rousseau, fondée par Aristide Rousseau au moulin du Roc en 1882, elle est transférée par sa veuve et son fils Léon au Moulin-Neuf de la Roussille en 1909. 270 personnes y travaillent dans les années 1960.

À la fin du 19e siècle et au début du 20e, la Sèvre et ses rives ne sont pas seulement investies par les industries et les ingénieurs, mais aussi par un public de plus en plus désireux de profiter du site et de ses attraits. La multiplication des habitations le long des quais de Belle-Île et Maurice-Métayer, et la construction de belles demeures sur les coteaux de Ribray, de Saint-Martin et de Telouze en sont une première illustration. En 1908, des jardins ouvriers sont créés sur les bords de Sèvre par la Société des jardins ouvriers de Niort, annexée à l’Association catholique de Niort, sur initiative du curé de Saint-Hilaire. Le principe de jardins familiaux est aujourd’hui perpétué à Belle-Île. La recherche de moments de détente et de loisirs s’illustre, dès le début du 19e siècle, par la création d’établissements de bains sur les Vieux ponts (par exemple les bains Juin) ou au pied de l’actuel parc de la préfecture. En 1836 déjà, M. Tondut, notaire à Niort, est autorisé à installer des « bains de rivière » au Bas Sablonnier, avec une structure abritée sous une charpente recouverte d’une toile. « La couverture sera disposée de manière à ce que les baigneurs ne puissent être aperçus », précise l’autorisation municipale. Dans les années 1890, la société l’Aviron niortais établit son siège à l’écluse de Comporté. Entre celle-ci, Saint-Martin et la Roussille, elle organise en été des courses d’aviron qui rassemblent souvent un large public. C’est aussi en bord de Sèvre que viennent en nombre, chaque dimanche, les membres de la Gaule Niortaise, association de pêche fondée en 1898.

Pourtant, au 20e siècle, et mise à part l’activité de chamoiserie, Niort se met à tourner le dos à la Sèvre Niortaise. Ouvert en 1867, le nouveau port périclite avant 1914, face à la concurrence du chemin de fer et de la route. En 1917, un dernier convoi fluvial est affrété sur la Sèvre pour pallier le manque de trains, avec les gabares Clémence-Hortense et Paul-et-Berthe. L’essor urbain et économique de l’Entre-deux-guerres puis des Trente-Glorieuses, qui passe par l’absorption de la commune de Saint-Liguaire en 1972, est déconnecté de la Sèvre. Celle-ci est souvent perçue comme répulsive, en raison de la qualité de ses eaux qui se dégrade à cause des activités industrielles, et des inondations qui continuent à marquer les esprits, notamment en 1904 et 1912. L’industrie elle-même finit par se détourner de la Sèvre, avec la fermeture des chamoiseries Rousseau, en 1981, et Boinot, en 2005. Au pied du donjon, le moulin du Milieu est démoli et remplacé par un parking en 1968. Il est même un temps envisagé de combler le bras de Sèvre qui coule au pied du quai de Cronstadt pour y faire circuler et stationner les voitures. Dans les années 1970, on ne craint pas de faire franchir la pourtant verdoyante vallée de la Sèvre par deux viaducs de la nouvelle rocade ou boulevard de l’Atlantique.

La Sèvre devient exclusivement un lieu de promenade et de loisirs : les hors-bords remplacent l’aviron après 1945 et jusque dans les années 1960, de nouveaux « bains de rivière » sont aménagés, vers Bessac et le Pissot, dans les années 1940-1950. Pour les remplacer, la prairie du Pré Leroy est choisie pour la construction de la nouvelle piscine municipale, en 1965. À partir des années 1990, l’aménagement de la « Coulée verte » sonne comme un début de reconquête des bords de Sèvre, mais toujours à des fins de détente et de loisirs. De nos jours, de Belle-Île à la Roussille, de Saint-Martin à la Tiffardière, cette longue promenade d’une boucle à l’autre de la Sèvre fait figure de porte ouverte sur le Marais poitevin. Les regards se tournent aussi vers le port et l’ancienne chamoiserie Boinot, un site en cours de réhabilitation en 2016.

Prenant sa source à Sepvret, bien en amont de Niort, la Sèvre Niortaise ne devient navigable qu’à partir du port de la capitale des Deux-Sèvres. C’est aussi à partir des faubourgs ouest de Niort et des environs de l’ancienne commune de Saint-Liguaire qu’elle commence à irriguer le Marais poitevin. 6,5 kilomètres séparent en ligne droite les deux extrémités du territoire concerné par l'étude, depuis la station hydraulique du Pissot jusqu’aux ponts de Magné et de Sevreau. Cependant, entre ces mêmes points, la Sèvre serpente à travers la ville, puis les prairies et les marais en formant cinq boucles ; elle parcourt alors au total 12 kilomètres.

Située un kilomètre en amont du port de Niort, la station du Pissot est le point de départ du parcours, avec l’ancien moulin de Bessac qui lui fait face. La Sèvre s’écoule en direction du sud, puis de l’ouest, au pied du centre historique de Niort qui s’étend sur sa rive gauche, tandis que sur sa rive droite se trouvent la prairie du Pré Leroy et l’ancien faubourg du Port, ou quartier Saint-Étienne. Le fleuve passe sous les Vieux ponts, puis les ponts Main et, entre les deux, le long des quais de la Regratterie et de Cronstadt et de leurs habitations, au pied des halles, du donjon et de la préfecture. L’un de ses bras secondaires passe sous l’ancien moulin du Roc, puis suit le boulevard Main (qui couvre l’ancien port médiéval), pour déboucher dans le port où il rejoint un autre bras venu des ponts Main et qui alimentait les anciennes chamoiseries Boinot.

À partir du port et des ponts Main, en direction de l’ouest puis du nord, la Sèvre se partage en deux bras qui forment une île appelée Belle-Île. Sur les quais et les rives, le paysage urbain se fait beaucoup moins dense : les immeubles font place aux maisons et aux jardins. Le bras nord de la Sèvre prend naissance au port ; parfois appelé canal Saint-Martin, il est bordé de maisons alignées le long des quais de Belle-Île et Maurice-Métayer. Le cœur de Belle-Île est occupé par les anciens abattoirs, puis par des jardins, parfois collectifs. De petites maisons ou de simples belvédères sont établis de l’autre côté de l’île, le long du bras sud de la Sèvre. Non navigable, ce bras est entravé par l’ancien moulin de Bouzon. Sa rive gauche est surplombé par une corniche calcaire qui forme par endroits de véritables falaises, auxquelles sont accrochées de belles demeures. Les deux bras de la Sèvre se rejoignent à l’extrémité nord de Belle-Île, à l’écluse de Comporté, près de l’ancien moulin du même nom.

Au-delà de Comporté, la Sèvre réunifiée poursuit son cours vers le nord entre les quartiers du Jaune, de Genève et de Saint-Martin, urbanisés au 20e siècle. Franchie par le pont de la rocade, elle forme ensuite une nouvelle courbe vers l’ouest en passant au pied du coteau escarpé de Castelparc, de Telouze et des Chizelles, lui aussi récemment urbanisé. Sur l’autre rive, au sud, les terrains bas de Noron sont désormais occupés par le parc des expositions. Plus loin, un simple chemin de halage, des prés et des jardins escortent maintenant le fleuve qui forme une nouvelle boucle en se dirigeant vers le sud, puis l’ouest. Au creux de ce méandre, rive droite, le coteau calcaire est occupé par l’ancienne ferme de Chey et par de vastes parcelles agricoles. Traversé par une nouvelle rocade, il s’élève jusqu’à 35 mètres d’altitude, là où la presqu’île se resserre, entre les Chizelles et la Roussille.

C’est ici (à l’est de Chey et de la Roussille) que se situe la limite est de l’ancienne commune de Saint-Liguaire. Filant de nouveau vers le nord, la Sèvre forme une nouvelle presqu’île escarpée à l’est, inclinée vers l’ouest. Le bourg s’est développé sur sa rive orientale de cette hauteur, à partir de l’ancienne abbaye. Au sud, l’ancienne voie ferrée Niort-Bressuire-Cholet traverse de récents lotissements. Au nord, la Sèvre, à nouveau bordée de jardins et de prés, forme un premier îlot, puis arrive à l’écluse de la Roussille et aux moulin et hameau du même nom. Elle s’y divise en deux bras qui se tournent vers l’ouest, puis vers le sud. Le bras nord alimente le moulin à eau et passe le long d’un coteau escarpé, limite du vaste plateau agricole de Pigemolle, qui culmine à 41 mètres d’altitude. Le bras sud (à son tour subdivisé en deux depuis le 19e siècle) franchit l’écluse et le barrage de la Tiffardière et rejoint le bras nord à l’ancien moulin de la Tiffardière. De nouveau réunifiée, la Sèvre s’écoule au pied du coteau de la Tiffardière sur le flanc duquel s’est étendu le hameau du même nom, à l’ombre du château. Franchi par un pont routier et un pont ferroviaire, le fleuve contourne un nouvel îlot (lui aussi formé au 19e siècle par le creusement d’un bras de redressement) ; cet îlot est accessible par un gué. À l’ouest, les terres hautes de la Moucherie surplombent les marais de Saint-Rémy.

Au-delà de la Moucherie, la Sèvre achève, en direction du sud puis de l’ouest, sa traversée de la commune de Niort et de l’ancienne commune de Saint-Liguaire. Avant d’arriver au pont de Magné, elle se divise en deux cours qui contournent la vaste île de Magné. Le cours ouest constitue le lit principal et navigable de la Sèvre. Le cours sud, appelé Vieille Sèvre ou Bras de Sevreau, file vers Bessines et la Garette. Il franchit le pont-barrage de Sevreau auprès duquel s’est développé le hameau du même nom. Par ce pont, la route D9 qui vient de Niort et de Saint-Liguaire poursuit son itinéraire vers Magné et le Marais poitevin.

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