Phare de la Coubre

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Une succession de repères jusqu'au milieu du 19e siècle

L'actuel phare de la Coubre est le dernier en date d'une suite de repères, tours et phares qui se sont succédé à la pointe de la Coubre à partir de la fin du 17e siècle. Comme aujourd'hui, le déplacement du rivage, parfois rapide et spectaculaire, tantôt vers le large, tantôt vers l'intérieur des terres, a motivé cette succession, en plus des effets néfastes du vent, du sel et du sable sur les matériaux de construction.

Jusqu'au milieu du 19e siècle, ces effets sont les principaux ennemis des différentes installations édifiées sur la pointe. Celle-ci forme une nette avancée vers l'ouest et le sud-ouest et il n'est pas encore question de reculer les repères construits. Dès 1690, une balise pyramidale en charpente pouvant porter un fanal semble installée à la pointe de la Courbe. Elle n'est toutefois pas mentionnée sur une carte des environs par l'ingénieur du roi Claude Masse vers 1706, sur laquelle la pointe apparaît vierge. Reconstruite vers 1745, une "tour en bois" est citée sur la carte de Cassini au milieu du 18e siècle, ainsi que sur la carte de la Gironde par Desmarais en 1759, puis en 1771 dans le cadre d'un programme d'établissement de nouvelles balises autour de l'embouchure de la Gironde. Ce programme prévoit l'ajout de deux balises ou tours en bois à la baie de Bonne Anse. Fabriquées à Libourne, ces balises sont acheminées en août 1771 et montées le mois suivant.

Renversée par une tempête en 1785, la tour principale en bois est remplacée par une tour en pierre de 26 mètres de haut qui semble porter un feu. Les plans en sont dressés par M. Kearnay, et les travaux sont dirigés par l'ingénieur Borda. Cette tour est indiquée sur la carte de la Gironde par Teulère, établie en 1776 et révisée en 1798. La carte mentionne aussi une des deux balises en bois de 1771, et un projet de tour pyramidale en alignement de la tour en pierre. Suivant les instructions de Teulère, la tour en pierre est repeinte en noir pour mieux se distinguer des dunes de sable qui l'entourent.

La situation de cette tour suscite des avis divergents. Selon certaines sources (Moreau, p. 17), elle se trouvait à près de 2 kilomètres à l'ouest du phare actuel, et était distincte d'une autre tour en pierre ou sémaphore qui se serait trouvée sur le site du phare actuel. Pourtant, la carte de Teulère en 1798 indique la présence d'une seule tour et, à proximité, d'une balise terminée par un losange. En 1812, la carte de la Gironde par Raoul, tout en donnant les contours précis de la pointe, ne mentionne à son tour qu'une seule tour en pierre, appelée "sémaphore de la Coubre", avec la balise en forme de losange à l'est, et une seconde balise au nord. De la même façon, les plans cadastraux des Mathes et de La Tremblade, en 1824 et 1829, ne mentionnent qu'une seule tour en pierre, située à la limite entre les deux communes, surmontée d'un fanal et accompagnée d'une balise en bois, alors que l'extrémité de la pointe de la Coubre reste vierge. Enfin, différents documents établis en 1830 (à l'occasion de la construction d'un nouveau fanal, voir ci-après) attestent que la tour de 1785 et la tour mentionnée sur les cartes, sur le site du phare actuel, ne constituent qu'une seule et même tour.

En 1808-1812, ce même site est investi par les militaires qui y établissent une batterie dans le cadre de la défense des côtes par Napoléon contre l'ennemi anglais. Succédant à un premier dispositif de défense, limité, mis en place dès 1793-1794, elle comprend un corps de garde, un magasin avec logement de gardien, et une poudrière. Cette batterie est démantelée par les Anglais en 1814. Des canons sont longtemps restés abandonnés sur le site de la batterie ou à proximité, faisant un but de promenade pour les visiteurs ; l'un d'eux est aujourd'hui exposé au pied du phare.

La tour de 1785, fragilisée par les vents et le sable, est remplacée en 1830 par un simple fanal en bois, plus facilement déplaçable selon les besoins. Les cartes du 19e siècle montrent avec certitude que le site choisi pour ce fanal se trouve bien à l'ouest du phare actuel et de la batterie de 1812 (donc de la tour de 1785). Dans un premier temps, on projette d'établir le nouveau fanal sur le socle de la tour de 1785, mais il est déjà prévu d'y installer un sémaphore. En mai 1830, on décide donc de construire le nouveau fanal "sur une chaîne de dunes arides, placées tout à fait à la pointe de la Coubre, à environ 1200 mètres de la tour" de 1785. Le nouveau feu est établi au sommet d'une tour en charpente de 8,50 mètres de haut.

Rapidement, le provisoire devient définitif, du moins dans l'esprit des concepteurs du feu, puisqu'en 1835, une maison de gardien est établie à côté de la tour en bois. Celle-ci est même remplacée en 1841 par une tour en pierre de 13 mètres de haut, qui doit être surélevée de 4 mètres dès 1842. Ces différents travaux sont réalisés par l'entrepreneur Marion, suivant les plans de l'ingénieur des Ponts et chaussées Alexandre Potel.

Un phare en bois puis un phare en pierre (1860-1895)

A la même époque, on commence à s'inquiéter d'un nouveau phénomène : le net recul de la pointe de la Coubre. En 1830 encore, son rivage se trouvait suffisamment éloigné pour que l'on ait choisi d'établir la nouvelle tour à plus d'un kilomètre à l'ouest de la batterie de 1812 et du phare actuel. Déjà dans les années 1820, on a commencé à semé des pins dans les dunes pour les fixer. En 1850, la distance entre la tour et la côte ouest s'est considérablement réduite. La progression rapide de la mer pousse à établir une palissade pour retenir, espère-t-on, les sables et la végétation, mais ce fragile rempart est emporté par les vagues en 1854 et 1856. En 1859, de nouvelles palissades et une dune littorale sont aménagées autour de la tour de 1841. Il faut de toute façon envisager la reconstruction de celle-ci, à son tour fragilisée par le vent et le sable. Une nouvelle tour, en bois, est donc édifiée en 1860, suivant les plans de l'ingénieur Botton. De forme pyramidale, elle mesure 28 mètres de haut, sur six niveaux, avec une grosse lanterne au sommet. Malgré l'avancée de la mer, on s'en tient à établir cette nouvelle tour à peine plus en retrait que celle de 1830.

Les assauts du vent et du sable, eux, se poursuivent et la tour en bois de 1860 se retrouve vite pourrie et déstabilisée. La construction d'un phare plus solide est envisagée à partir de 1883, puis actée par décision ministérielle du 14 août 1888. Les plans en sont présentés en 1889 par l'ingénieur des Ponts et chaussées Mallat, plans modifiés en 1890. Le projet d'une tour métallique est abandonné au profit d'une tour haute de 50 mètres, sur pilotis de bois, en granit et calcaire, avec recours au ciment de Portland pour certaines parties du fût et pour le couronnement. Le phare est édifié de 1892 à 1895 à côté de la précédente tour en bois. Le chantier est mené par l'entreprise Guiraudie frères, des Mathes. Le phare est allumé le 16 novembre 1895. Il est équipé d'un appareillage optique électrique suffisamment performant pour être présenté à l'Exposition de Bordeaux de 1895. L'ancienne tour en bois est détruite en 1897 ; peu après, les vestiges de son soubassement se retrouvent sur la plage, englouties par les vagues.

On croit le nouveau phare capable de résister au temps, aux vents et surtout à l'érosion du rivage, car protégé de l'avancée des dunes par une digue en plaques de béton. Les ingénieurs ont pourtant averti la commission nationale des phares de la progression de la mer, mais celle-ci a estimé que "la période de corrosion de la pointe de la Coubre touche à sa fin, si elle n'a pas déjà pris fin". L'avancée des dunes et de la mer est pourtant inexorable et de plus en plus rapide : dès 1900, on constate que la côte a reculé d'un kilomètre en moins d'un siècle ! Lorsqu'il a été construit, le phare se trouvait encore à 300 mètres du rivage : cinq ans plus tard, il n'en est plus qu'à 60 mètres. Les vagues viennent désormais lécher son soubassement, dont les pilotis apparaissent à l'air libre. Avant d'atteindre sa première décennie, le phare est abandonné et ne sert plus que de but de promenade pour de nombreux curieux : il s'écroulera dans la nuit du 20 au 21 mai 1907. Ses derniers vestiges resteront encore quelques temps échoués sur la plage, mais eux-mêmes seront finalement happés à leur tour.

Un phare novateur (1905)

Entre temps, en 1905, un nouveau phare, encore en place de nos jours, est établi à 1600 mètres en arrière de son malheureux prédécesseur. Le site choisi, dès avril 1904, se trouve près d'une fontaine, à quelques dizaines de mètres d'une part du sémaphore construit en 1862, d'autre part de la tour de 1785 et de la batterie de 1812. Le nouveau phare est rapidement construit suivant le projet conçu par l'ingénieur ordinaire des Ponts et chaussées Alexandre. Celui-ci en présente les plans le 30 juillet 1904, ainsi qu'une note sur le procédé de construction : la tour sera construite par anneaux successifs d'un peu plus d'1,3 mètres d'épaisseur, en béton armé, à l'aide de trois jeux de coffrage successifs ; le service et les manœuvres se feront par le vide intérieur de la tour ; une charpente supportera la poulie de l’ascenseur, sous une toiture de protection.

La méthode, novatrice, permet d'édifier une tour en béton armé de 64 mètres de haut, légèrement tronconique, avec une base évasée. Selon les bulletins hebdomadaires du chantier, celui-ci commence le 10 octobre 1904. Le ciment est acheminé par bateau jusqu’à La Tremblade, puis par train. Le gravier est débarqué au port de Royan. La bétonnière et le treuil sont mus par une machine à vapeur. La fabrication du béton débute le 5 décembre, et les fondations commencent à être réalisées. Le 17 février 1905, on entame le bétonnage de la tour. Celle-ci grimpe de 3 à 4 mètres par semaine. On surveille de près les éventuels tassements et fissures. Au 24 juin, le plancher de la chambre de service est achevé. Le parapet au sommet est commencé le 17 juillet. Le bétonnage de la tour est terminé le 25 juillet, on engage la pose de l’escalier le 28. Le 20 août, la nouvelle lanterne est posée, avant montage de l’appareil optique et des raccordements électriques. Les premiers essais ont lieu mi-septembre, ainsi que le blanchissage de la tour. La soudure de la coupole (presque identique à celle du précédent phare) est achevée le 20 septembre.

Parallèlement à la construction du phare, on édifie ses bâtiments annexes, d'après les plans présentés là aussi par l'ingénieur Alexandre le 30 juillet 1904, et suivant une architecture très proche de celle des annexes du phare de 1895 : un bâtiment des machines avec magasin, atelier et parc à charbon ; un bâtiment pour l'administration et pour le logement des conducteurs et ingénieurs des Ponts et chaussées lorsqu'ils viennent en tournée d'inspection ; six logements de gardiens réunis par paires (dont deux de part et d'autre du logement des conducteurs et ingénieurs, de manière à l'isoler) ; enfin, des communs et dépendances (écurie, buanderie...). Les bâtiments sont regroupés autour de la tour de manière à s’adapter au terrain "tout en présentant une symétrie convenable". Les matériaux des anciens bâtiments seront remployés autant que possible. Seul le bâtiment des machines sera, comme la tour, en matériaux neufs (sauf la toiture), de manière à ne pas interrompre le service d’éclairage, et dans le même but, il sera construit le premier. Le bâtiment destiné à l'administration et au logement des conducteurs et ingénieurs doit être construit dès que possible car il abritera le personnel chargé de surveiller le chantier. Les travaux débutent en janvier 1905, parallèlement à la construction du phare. On commence par le bâtiment des machines, suivi en mars par celui de l’administration. Fin juin, le bâtiment des machines est quasiment achevé. Celui de l’administration est terminé début août, avec retard. Durant l’été aussi, on démolit l’ancien logement de gardiens du phare de 1895 pour construire les nouveaux logements avec ses matériaux. Le tout est achevé le 28 octobre.

L'année suivante, on peaufine le soin esthétique apporté au phare. Un revêtement en opaline est commandé à la manufacture des glaces et produits chimiques Saint-Gobain, à Paris, pour recouvrir l'intérieur du fût, tout autour de l'escalier métallique sans noyau. Ce parement est expédié par train en juillet 1906, et la pose des plaques commence le 8 août. La partie haute du phare sera peinte en noir en 1920, puis en rouge en 1952.

Pendant ce temps, le trait de côte continue à reculer. Le site des tours de 1830, 1841 et 1860 est définitivement englouti, comme le phare de 1895 qui s'écroule en 1907. Au milieu du 20e siècle, le phare de 1905, entouré à l'origine par la forêt, apparaît désormais environné par de la végétation basse et des dunes. La distance qui le sépare du rivage à l'ouest est de plus en plus réduite, tandis qu'au sud, la formation de la flèche de Bonne-Anse l'isole de l'embouchure de la Gironde. Le phare est automatisé en 2000. Un écomusée ouvre en 2005 dans l'ancien bâtiment des machines. En 2015, le phare n'est plus qu'à 150 mètres environ de la plage, où gisent les vestiges du sémaphore de 1862 et ceux de blockhaus allemands.

Périodes

Principale : 1er quart 20e siècle

Dates

1905, daté par source

Auteurs Auteur : Alexandre Paul Edouard

Ingénieur des Ponts et chaussées.

, ingénieur des Ponts et Chaussées (attribution par source)

Extrait de la notice Mérimée établie par la Conservation régionale des monuments historiques de Poitou-Charentes (culture.gouv.fr) :

"Le phare en béton, haut de 64m, est de plan cylindrique et reprend le type " trompette ". Son couronnement imite celui de son prédécesseur construit en 1895 : entablement simplifié porté par des consoles en arc-de-cercle, garde-corps plein à montants en bâtière. Le béton, posé par branches, n'est armé que partiellement (encorbellements et peau extérieure). La cage cylindrique est entièrement recouverte de carreaux d'opaline blanche et bleue et contient un escalier métallique en vis, suspendu, de 300 marches. A 35 mètres de haut, une petite chambre en encorbellement sur des consoles en fonte contient un feu de direction à secteurs rouge et vert, qui permet de s'engager dans la passe de l'Ouest en évitant les hauts fonds.

Entre deux voûtes plates en béton, la chambre de veille est entièrement recouverte de lambris de chêne. Au-dessus, la chambre de la lanterne, également lambrissée, renferme le baldaquin de quatre colonnes en fonte qui soutient l'ancienne cuve à mercure autrefois mue par un système de contrepoids, disparu. La lanterne cylindrique, à châssis en bronze et fer, est couverte d'un dôme en cuivre surmonté d'une grosse sphère de décompression des gaz. La base du dôme est ornée de têtes de lion et d'une couronne en cuivre ajouré. A l'intérieur, deux bancs d'origine en chêne sont encore en place et épousent la forme courbe de la lanterne. Au centre, une colonne en fonte munie d'un pas de vis, porte la nouvelle cuve à mercure, actionnée par un moteur électrique.

Autour du phare sont construits dès l'origine plusieurs bâtiments (logements des ingénieurs et des gardiens, salle des machines et magasins)."

NB : Il existe en France deux autres phares dont l'intérieur est couvert d'opaline : le phare d'Eckmül et celui de l'île Vierge, dans le Finistère. Le phare de la Coubre, le plus haut et un des plus puissants de Poitou-Charentes, est un des rares grands phares en béton répertoriés en France, avec celui de Berck (Pas-de-Calais).

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : béton

    Revêtement : enduit

  2. Revêtement : parement

Toits
Couvrements
  1. coupole
Couvertures

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente-Maritime , La Tremblade

Milieu d'implantation: isolé

Lieu-dit/quartier: Pointe de la Coubre

Cadastre: 2009 BZ 27

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