" Ponts et chaussées
Arrondissement de l'Est
Usine
Demande d'établissement d'un moulin à battre le trèfle sur la Gartempe à Busserais, commune de Busserais [sic], canton de Saint-Savin, arrondissement de Montmorillon.
Rapport
Le sr du Vigier, propriétaire d'un moulin à blé établi en A sur la Gartempe (voir plan ci-joint [reproduit en illustrations] et alimenté par la totalité des eaux du barrage, a fait récemment construire en B un moulin destiné à battre les graines de trèfle et de luzerne. Les sieurs Perrin et Delaroche, propriétaires d'îlots D, E, F situés en aval du barrage ayant manifesté l'intention de se plaindre du dommage soi-disant causé à ces îlots par les eaux motrices de cette nouvelle usine, le sieur du Vigier a été au devant de leur plainte en demandant le 4 octobre dernier l'autorisation d'établir -il aurait dû dire de conserver) un moulin à battre le trèfle sur son barrage de Busserais. Les sieurs Perrin et Delaroche ont formulé leur opposition dans l'enquête ouverte du 19 décembre 1841 au 2 janvier 1842 et l'ont maintenue dans l'enquête subséquente du 8 au 29 mai dernier.
Il est difficile, quoiqu'en disent les opposants, de reconnaître le dommage réel causé par la nouvelle usine à leurs îlots, et la disposition des lieux indique même que ce dommage, s'il existe, doit être peu sensible. Le plus exposé est l'îlot D, du sieur Perrin, mais il ne peut être corrodé que sur une petite longueur, dans la partie joignant à la pointe nord-est du moulin ; l'îlot E semble placé hors de la sphère d'activité directe du courant, et en considérant que l'îlot F est partagé entre trois propriétaires dont le plaignant, le sieur Delaroche, a sa part au milieu, en sorte qu'elle est garantie par les deux autres, on ne peut s'empêcher de se demander si cette plainte est bien consciencieuse. Au reste, un fait dont ressort encore le peu de gravité de ces oppositions, c'est que le conseil municipal, dans sa délibération sur cette affaire, ne manifeste aucune crainte, ne fait aucune réserve pour la conservation d'un gué qui suit la ligne GGG du plan et sur lequel le nouveau courant devra agir plus énergiquement que sur les îlots.
En second lieu, quand bien même il y aurait dommage, l'administration, dispensatrice absolue de l'emploi des eaux d'intérêt général, n'en aurait pas moins le droit d'autoriser une usine dont la conservation est bien plus intéressante pour l'agriculture locale que celle de ces îlots, dont en définitive les propriétaires auront toujours la faculté de se pourvoir devant les tribunaux en règlement d'indemnités, si tant est qu'il y ait lieu à indemnité. Ces îlots ne peuvent être assimilés à une propriété permanente : ils doivent probablement leur formation à la présence du gué ou du barrage : la suppression de ce dernier pourrait avoir pour conséquence leur destruction totale ou partielle, suivant le régime que prendraient les eaux : or le propriétaire du barrage ,ne peut-il pas le supprimer en tout ou partie, sans avoir à répondre des conséquences, à moins que des titres authentiques ne l'obligent à le conserver dans l'intérêt des terrains inférieurs ? Et d'un autre côté, quelle différence y a-t-il entre supprimer une partie du barrage et y ouvrir un pertuis ? Concluons de tout cela que la présence des îlots ne peut faire obstacle à l'autorisation de l'usine.
D'un autre côté, il n'y a pas à craindre que le nouveau moulin, en diminuant la longueur du barrage, exerce une influence fâcheuse sur les propriétés d'amont en temps de crue : car malgré la réduction, cette longueur est encore plus que le triple de la largeur du lit de la rivière.
Enfin, ce barrage ne nuit en rien par sa hauteur à ces propriétés : car son niveau moyen est d'au moins 50 centimètres plus bas que les parties les moins élevées des rives, et d'ailleurs aucune plainte n'est formée à cet égard.
Nous proposerons donc d'autoriser la nouvelle usine du sieur du Vigier dans les termes suivants :
1° Le moulin à battre la graine de trèfle et de luzerne construit par le sieur du Vigier sur la Gartempe, à Busserais, est autorisé ;
2° la largeur de la vanne motrice du dit moulin est et demeurera de 95 centimètres et son seuil sera maintenu à 2 mètres 15 centimètres en contrebas du dessus du socle formé par la 2e assise en pierre de taille de l'angle sud-est du moulin à blé de M. Duvigier, comptée à partir de la pile adjacente ;
3° la longueur du barrage entre le dit moulin et la vanne de décharge joignant à la rive droite de la Gartempe demeurera de 186 mètres ;
4e la crête du dit barrage sur une longueur de 150 mètres est et demeurera à 1 mètre 30 centimètres en contrebas du dit repère ;
5° le dit barrage est et demeurera accompagné de deux déversoirs de fond, l'un de 3 mètres et l'autre de 4m25 de largeur mesurée entre les bajoyers, et le seuil de ces déversoirs sera maintenu à 3 mètres en contrebas du même repère.
Poitiers, le 12 octobre 1842 [signature illisible]
Vu par l'ingénieur en chef des ponts et chaussées pour être soumis à la seconde enquête par lettre de M. le directeur général des ponts et chaussées du 16 9bre 1834
Poitiers le 14 8bre 1842 [signature illisible]
Avis de l'ingénieur en chef
L'ingénieur en chef des ponts et chaussées soussigné considérant
1e que le projet conçu par le sieur Duvigier pour la conservation d'un moulin à battre le trèfle qu'il a construit sans autorisation sur la Gartempe à Busserais n'a donné lieu à aucune opposition pendant la durée de la dernière enquête
2e que le sieur Duvigier était propriétaire d'un moulin à farine sur le même cour d'eau au même lieu et qu'ainsi il ne s'agit que d'un changement de destination d'un volume d'eau déjà concédé ;
3e que les avis de M. le sous-préfet et de M. le maire sont favorables à la réalisation du projet du pétitionnaire
adopte les conclusions prises par l'ingénieur d'arrondissement
Poitiers, le 14 janvier 1843
[signature illisible] "