Patrimoine protestant des communes riveraines de l'estuaire de la Gironde

France > Nouvelle-Aquitaine

Les rives de la Gironde ont constitué dès le milieu du 16e siècle un foyer du protestantisme, et plus particulièrement en Saintonge, l’estuaire semblant former de ce point de vue une véritable frontière. Des toponymes en témoignent parfois encore, comme le lieu-dit Genève, à Saint-Fort-sur-Gironde et Saint-Romain-sur-Gironde. Ce développement a été encouragé par la présence de seigneurs et nobliaux huguenots, tel Jean Ciret, co-seigneur de Saint-Fort avec Denis de Beaulon, resté quant à lui catholique. Une situation à l’origine de bien des troubles pendant les guerres de Religion et jusque dans la première moitié du 17e siècle, autour de Royan notamment.

Cette solide implantation, tant dans la notabilité que dans le peuple, est mise à mal par la révocation de l’édit de Nantes en 1685, qui entraîne l’exil de huguenots et la saisie de leurs biens. Cependant, adoptant une certaine discrétion et bénéficiant, dans la seconde moitié du 18e siècle, de la tolérance des autorités, beaucoup restent et impriment l’histoire de domaines et de fermes disséminées le long de l’estuaire (par exemple le Pible, à Saint-Dizant-du-Gua, et Fief Doré, à Saint-Fort-sur-Gironde). Souvent enrichie par le négoce, la bourgeoisie protestante revient véritablement sur le devant de la scène au 19e siècle. Elle domine alors la vie économique, sociale et politique des communes, à l’image de Saint-Sorlin-de-Cônac où la famille Fourestier possède les riches domaines viticoles de Saint-Sorlin et du Mérin d’Or, ainsi que de vastes marais desséchés. Désormais acceptée et légalisée, la communauté se développe à nouveau, démographiquement et économiquement. Elle est encore aujourd’hui bien présente sur les rives saintongeaises.

 Cette histoire a forgé un patrimoine singulier, représentatif de l’essor du protestantisme dans la région au 19e siècle. Dans beaucoup de communes de Charente-Maritime, le temple marque encore le paysage du bourg, presque autant que l’église catholique. Sept lieux de culte protestant sont ainsi encore présents et actifs le long de l’estuaire, à Meschers, Mortagne-sur-Gironde, Saint-Dizant-du-Gua, Saint-Fort-sur-Gironde, Saint-Georges-de-Didonne et Vaux-sur-Mer, mais aussi – unique exemple en Bordelais – Anglade, tandis que celui des Mathes n’est plus connu que par un pan de mur, après sa démolition en 2006. Le temple de Saint-Dizant-du-Gua présente la particularité d’avoir été établi en 1898, avec son presbytère, non pas dans le bourg mais dans le hameau de Morisset, au plus près de la communauté qui y habitait. Celle-ci était formée par beaucoup d’employés du domaine voisin du Pible, propriété de leur coréligionnaire David Rodier, à l’origine de son édification avec le pasteur Paul Faivre. L’initiative de la construction des temples revient toutefois le plus souvent à la commune, comme pour tout bâtiment public avant la loi de 1905. Aidées et encouragées par les notables protestants, les municipalités font alors appel à leurs architectes habituels, tel Daniel Marion qui intervient en 1843 pour le temple de Vaux-sur-Mer et en 1863 à Meschers pour un presbytère.

Bien en vue, ces édifices cultuels présentent une architecture sobre mais soignée : d’un simple plan rectangulaire, le bâtiment se distingue uniquement par le large fronton qui couronne sa façade, percée d’une large porte centrale. Le décor sculpté est rare : à peine est-il plus développé sur le fronton du temple de Morisset, à Saint-Dizant-du-Gua, orné d’une Bible ouverte sur une nuée rayonnante. L’intérieur est tout aussi sobre. Dans le chœur trônent souvent une chaire à prêcher, une table de communion et un pupitre ou table de lecture. Deux temples se distinguent dans ce panorama : celui d’Anglade, édifié en 1892, repérable par son clocher surmontant l’entrée, et celui de Saint-Georges-de-Didonne, reconstruit après les bombardements de 1945. Résolument moderne, ce dernier, financé par des crédits de dommages de guerre et édifié en 1951 suivant les plans de l’architecte Paul Dremilly, se remarque par son toit en carène et ses élévations en ellipses.

Temples et presbytères ne sont toutefois pas les seuls témoins de l’histoire de ces communautés protestantes. Le patrimoine funéraire est un autre élément essentiel de leur mémoire, tout en étant le plus fragile. Après des siècles de restrictions, l’édit de tolérance de 1787 accorde enfin un "lieu convenable et décent" dans chaque ville, bourg ou village, pour l’inhumation des "sujets non catholiques". La loi du 24 prairial an XII (13 juin 1804) indique que, dans les communes où plusieurs cultes coexistent, un lieu d’inhumation doit être prévu pour chacun, soit dans des cimetières distincts, soit dans un seul mais avec un mur ou fossé de séparation.

Dans les localités concernées, la création de nouveaux cimetières au 19e siècle est bien souvent l’occasion de consacrer un espace plus ou moins grand aux familles protestantes, par exemple à Meschers ou Saint-Fort-sur-Gironde. À Vaux-sur-Mer, qui compte 300 protestants en 1812 sur 355 habitants, et où le conseil municipal est à majorité de cette confession, le cimetière de la communauté à Chauchamp, qui existait déjà sous l’Ancien Régime, devient communal en ce début du 19e siècle ; mais un projet d’y transférer aussi les inhumations catholiques (effectuées jusque-là autour de l’église) avorte. Il faut attendre 1902, à la faveur de l’agrandissement du lieu, pour qu’il accueille également les défunts catholiques. À Saint-Palais-sur-Mer aussi, le cimetière communal de Courlay était à l’origine un cimetière confessionnel, ouvert en 1856, avant son extension, sa laïcisation et donc son ouverture à tous.

 Les communautés protestantes ont toutefois conservé, jusqu’à la fin du 20e siècle, l’usage d’inhumer leurs défunts dans des enclos funéraires établis au sein même des propriétés. Aux contraintes administratives déjà évoquées s’ajoute le refus du décorum, sans signes distinctifs. Le patrimoine estuarien recèle dès lors de nombreux et discrets lieux d’inhumation privés, par exemple dans l’enceinte du domaine du Mérin d’Or, à Saint-Sorlin-de-Cônac. Ce phénomène est particulièrement prégnant à Saint-Palais-sur-Mer où 14 enclos funéraires ont pu être dénombrés, beaucoup ayant déjà disparu sous les coups de l’oubli et de l’urbanisation. Leur état de conservation est variable : l’un clos de murs bien identifié, avec plusieurs tombeaux ou caveaux encore entretenus (par exemple à la Palud), ou un simple emplacement au milieu d’un lotissement, voire une pierre tombale déplacée et remployée.

Périodes

Principale : 2e moitié 16e siècle

Principale : 17e siècle

Principale : 19e siècle

Principale : 3e quart 20e siècle

<body><line/>Des dossiers ont été réalisés sur les temples (10), sur les cimetières (16), des presbytères (5) et une école protestants.<line/>Seuls le temple d'Anglade et celui de Soulac sont situés en Gironde.</body>

Localiser ce document

Chargement des enrichissements...