Patrimoine et inventaire de Nouvelle-Aquitaine

Sur la place de la Libération (jadis place du Corps de Ville) s'élevait autrefois une halle aux grains, qui apparaît sur la vue cavalière d'Aubusson prise depuis le sommet de La Terrade, conservée aux Archives départementales de la Creuse et datée d'avant 1685. Sur ce document, la halle est représentée sous la forme d'un simple auvent, ouvert sur tous ses côtés et supporté par quatre forts piliers de bois. Peut-être cette construction de fortune reçut-elle une forme plus définitive en 1688, comme semble l'indiquer une mention relevée par Cyprien Pérathon, selon laquelle, à cette date, Jean et Gabriel Tierre, maîtres-charpentiers et couvreurs, s'engagèrent auprès des consuls de la ville à recouvrir l'édifice "tout à neuf", moyennant la somme de 124 livres. Toujours selon Pérathon, une nouvelle réparation de la halle aux grains eut lieu en 1718, lorsque, "après divers rabais, Michel Charrière et Joseph Florat, maîtres-maçons couvreurs, habitants d'Aubusson, mirent les réparations de la halle à 128 livres ». A l'aube de la Révolution, en 1788, la halle, décidément fragilisée, s'effondra dans un mémorable incident : malencontreusement bousculée par un charroi, elle tomba sur un maître-perruquier, Antoine de Neufville, qu'elle tua sur le coup. Jean-François Meaulme, auteur d'une Notice historique sur Aubusson restée à l'état de manuscrit, raconta l'événement en ces termes : "la halle aux grains d´Aubusson était à l´époque où nous en sommes au milieu de la place dite de l´avoine, par conséquent les cavaliers et les rouliers étaient obligés de passer dessous. Un voiturier venant de Clermont et se rendant à Limoges, conduisant une voiture pesamment et hautement chargée, en enleva et renversa la voiture. Plusieurs personnes qui se trouvaient dessous en cet instant furent plus ou moins dangereusement blessées. Le sieur Deneufville, maître-perruquier, y fut tué, tenant dans ses bras son enfant qui n´eut aucun mal". Après ce fâcheux épisode, le couvent des Récollets fut choisi comme lieu provisoire du marché aux grains d'Aubusson, mais cette décision se révéla vite incommode et peu judicieuse. Dès lors, naquit le projet de bâtir une nouvelle halle sur la place du Corps de Ville et une partie de la population signa une pétition pour en faire la demande. Le 10 décembre 1789, le conseil municipal statua sur le fait que la halle serait reconstruite "à l'économie" et il chargea Jean Parot et Pierre Froussadier de débuter le travail dans les plus brefs délais. Mais la disette qui marqua très profondément les années 1788-1789 fut sans doute à l'origine de l'interruption de la construction car les circuits traditionnels d'approvisionnement en denrées furent modifiés. Un grenier provisoire, prêté par un particulier d'Aubusson, fut institué par les autorités de la ville pour y entreposer les grains. C'est donc après l'année 1789, sans que les sources ne permettent d'en déterminer la date avec précision, que la halle fut rebâtie sur son emplacement, mais avec une nouvelle orientation parallèle à la Grande Rue. Des cartes postales anciennes la montrent située à la fourche entre la rue Vieille et la Grande Rue, désormais en bois et en pierre, avec une toiture en bardeaux et un poids public. Cette halle fut démolie en 1901-1902, lorsque la ville fit construire un nouveau marché couvert : la vaste halle à structure métallique de la rue Franche (actuelle rue des Déportés).