Non daté. Courrier des "éprouvés de la guerre" au préfet de la Charente afin de lui faire part de plusieurs protestations. "Le conseil municipal [...] avait décidé que l'emplacement pour l'érection d'un monument aux morts de la commune serait choisi par voix de référendum ce qui à notre point de vue est irrégulier (mais nous passons) ensuite que la volonté de chacun des souscripteurs seraient laissée libre.
Or, il n'en a pas été tout à fait ainsi, certains conseillers municipaux auraient engagé certains souscripteurs a opté (sic) pour la place de l'Église (car le référendum portait pour trois emplacements : place de l'Église, place Publique et le cimetière), d'autres auraient dit aux souscripteurs que ce n'était pas la peine de signé (sic) pour tel ou tel emplacement, que c'était le conseil municipal qui devait décidé (sic) et que la signature n'avait aucune importance. En plus de cela le déservant de la commune qui avait souligné de deux traits sa signature en disant "si le monument n'est pas sur la place de l'Église, je ne ferait (sic) aucune cérémonie" (ce qui nous importe peu) mais voulant probablement ainsi s'attiré (sic) tout le mérite de l'inauguration."
Ainsi les protestataires s'élèvent contre ce choix bafouant, selon eux, la liberté de penser. Ils soulignent que la place de l'Église est un endroit isolé et peu passant, contrairement à la place Publique qui est à un carrefour et qui permettrait un hommage plus visible aux morts de la commune. Si l'emplacement reste la place de l'Église, ils souhaitent avoir le droit de ne pas faire apparaître le nom de leurs proches morts pour la France sur le monument.
Non daté. Courrier des "éprouvés de la guerre" qui "protestent énergiquement contre l'emplacement choisi pour l'érection du monument aux morts de la commune" et contre le fait "que le référendum est irrégulier et [...] n'a pas été respecté comme il avait été convenu par le conseil municipal." Ils souhaitent ainsi "faire une réunion où seraient convoqués tous les éprouvés afin de tâcher de trouver un terrain d'entente où les consciences libres ne seraient pas froissées."
Non daté. Article de journal relatant les faits. "Deux emplacements furent discutés : la place Publique et le cimetière. Mais le curé de la paroisse intervient et il exigea que le monument fut érigé devant l'Église qui se trouve dans un endroit écarté de la commune et il menaça le conseil qu'il sait être composé de gens qui le craignent, de ne faire aucune cérémonie si ledit monument était élevé ailleurs. Pour trancher le différend, le conseil décida alors de faire procéder à un référendum, mais celui-ci fut truqué. [...] La majorité de ceux qui exprimèrent leur opinion, mais qui représentait pas la majorité de la population, se prononça en faveur de la place de l'Église. C'est alors que les principaux intéressés, c'est-à-dire les parents des morts firent entendre leurs voix. Comprenant que le desservant de leur paroisse voulait faire de l'érection du monument, une question politique, ils s'élevèrent contre cette prétention et avisèrent le maire qu'ils lui interdiraient de faire inscrire les noms de leurs chers disparus sur le monument, si celui-ci était érigé sur la place choisie par le curé. [...] [Ils] ont spontanément signé une pétition qu'ils vont adresser à M. le préfet et dans laquelle ils l'avisent qu'ils protestent énergiquement par avance contre l'emploi qui pourrait être fait, malgré eux, du nom de ceux qu'ils pleurent et qui se sont fait tuer pour défendre la liberté et non pour que les cléricaux de leur village viennent élever des tréteaux sur leurs cadavres et y jouer une odieuse comédie. [...] Mais quelle que soit la décision qui sera prise, ce qu'il est bon de retenir, c'est l'état d'âme de ceux qui ont provoqué ce pénible incident. Ils nous donnent un aperçu du large (?) esprit de tolérance dont ils sont animés et ils nous font apercevoir toutes les beautés (?) du régime sous lequel il nous faudrait vivre, si les républicains, par malheur, donnaient au Bloc national, le temps de laisser les curés s'emparer du pouvoir".
1920, 4 avril. Courrier du maire au préfet. Dans la séance du 29 mars, le conseil municipal a décidé qu'il était temps de s'occuper de l'érection du monument. Une souscription doit être lancée avant que les fonds soient votés lors de la session du conseil municipal de mai. Les conseillers se demandent si l’État peut venir en aide à la commune et en quelles proportions. Ils s’interrogent sur les moyens d’obtenir un modèle de monument.
1920, 9 avril. Courrier du préfet au maire. La participation financière de l'État n'est pas encore fixée, la loi n'étant pas encore promulguée. Il sera tenu compte dans le calcul des sacrifices faits, du chiffre de la dépense, de la taille du monument et de son caractère artistique. Le préfet encourage le maire à s'adresser à un artiste local pour le monument (architecte, entrepreneur ou agent-voyer), ou d'entrer en contact avec les Marbreries générales de Paris. Il n'a pas de dessin à communiquer car ceux qui ont été étudiés ont déjà été retournés aux maires correspondants.
1921, 13 avril. Courrier du maire au préfet qui demande comment clore la souscription publique. Doit-il avertir les habitants de son montant ? À qui doit-il verser l'argent recueilli ?
1921, 19 avril. Courrier du préfet au maire. Réponse au courrier du 13 avril. Le préfet demande la liste des souscriptions recueillies.
1921, 6 juin. "Extrait du registre des délibérations du conseil municipal". Pour commémorer les soldats morts pour la France durant la Grande Guerre, un monument va être élevé. Une souscription publique a permis de réunir 2063,52 francs. M. David propose avec devis et plans de réaliser le monument pour 2800 francs. Le conseil municipal propose de l’ériger sur la place de l’église. Le crédit de 2800 francs est voté. Un délai de trois mois est accordé pour la réalisation.
1921, 17 juin. Courrier du maire au préfet. Suite à la séance du conseil municipal du 6 juin 1921, envoi des pièces suivantes : deux délibérations du conseil municipal, le bilan du monument, le devis estimatif, le marché de gré à gré et une protestation.
1921, 23 juin. Courrier du maire au préfet qui l'informe qu'il a déposé le jour précédant, 22 juin 1921, le dossier du monument aux morts dans son bureau. Il souhaite un examen rapide des pièces car l'entrepreneur a l'intention de commencer les travaux dès l'approbation obtenue. Cette empressement aurait pour but de faire taire rapidement les dissensions provoquées par le choix de l'emplacement du monument aux morts.
1921, 25 juin. Courrier du préfet au maire. Accusé de réception des pièces du projet de construction du monument.
1921, 29 juin. Courrier de la préfecture à M. Galon, propriétaire à Saint-Saturnin. Accusé de réception de sa pétition protestant contre l'emplacement choisi par le conseil municipal pour l'érection du monument aux morts. Le choix de l'emplacement étant la prérogative du conseil municipal, le préfet n'a pas qualité pour contester cette décision régulièrement prise.
1921, 1er juillet. Courrier du maire au préfet dans lequel il exprime que la commission des Travaux publics a choisi à l'unanimité la place de l'Église comme lieu d'implantation du monument aux morts. Dans sa séance du 6 juin, le conseil municipal a approuvé ce choix à l'unanimité. Les protestations formulées n'ont pour but que de retarder l'exécution du monument et de montrer que le conseil municipal ne saurait faire une œuvre utile. Le maire, dans son courrier, remet en doute les signatures apposées au bas de la protestation. La place de l'Église choisie est un ancien cimetière où reposaient des catholiques, protestants et libre penseurs. Si l'administration supérieure est contre des décisions prises à l'unanimité parle conseil municipal, la place de M. le Maire n'est plus à la tête de sa municipalité.
1921, 5 juillet. Courrier du préfet au ministère de l'Intérieur. Envoi du dossier du monument aux morts de la commune ainsi que d'une copie de l'avis favorable exprimé par le conseil municipal. Il envoi également des protestations ayant émanées contre l'emplacement choisi par le conseil municipal pour ledit monument aux morts.
1921, 9 juillet. Courrier du préfet au ministère de l'Intérieur qui fait suite à sa communication du 5 juillet. Il envoie une copie d'un courrier du maire, expliquant les conditions d'attribution de l'emplacement du monument.
1921, 20 juillet. Du préfet au maire. Copie du décret du 12 juillet approuvant le projet du monument. La somme totale de 4730,20 francs étant intégralement couverte par une souscription (de 2063,50 francs) et par un crédit de 2800 francs, le projet est approuvé et confié à M. David Lucien.
1921, 3 août. Courrier du maire au ministre de l'Intérieur. Il expose la situation : l'emplacement choisi pour ériger le monument déplaît à certaines personnes parce qu"elle s'appelle "place de l'Église" et que certains soldats morts pour la France seraient protestants ou libre penseurs. Les protestataires s'opposent à l'inscription des noms de leurs proches disparus sur le monument aux morts. Le maire souhaite alors savoir si ces protestataires sont dans leur bon droit.
1921, 8 août. Courrier du maire au préfet qui lui demande de lui faire parvenir les protestations reçues afin de ne pas avoir de problèmes par la suite avec ceux qui s'opposent à l'inscription des noms de leurs proches sur la plaque du monument.
1921, 17 août. Courrier du préfet au maire. Le préfet répond au courrier du 8 août. Les protestations sont confidentielles et le préfet est dans l'impossibilité de les communiquer au maire.
1921, 25 août. Courrier de la préfecture à la municipalité. Le préfet demande des renseignements à propos des noms des protestataires qui refuseraient de voir les noms de leurs proches morts durant la guerre de 1914-1918 figurer sur le monument aux morts de la commune.
1921, 31 août. Courrier du maire au préfet, en réponse à son courrier du 25 août. Le maire est dans l'incapacité de fournir les noms des personnes concernées car les protestations ont été envoyées directement à la préfecture. Il souhaite pouvoir réceptionner ces protestations afin de pouvoir donner les renseignements voulus.
1921, 15 septembre. Du préfet au ministère de l'Intérieur. Courrier envoyé en réponse à la communication du maire du 3 août dernier faisant suite à des réclamations collectives quant à l'emplacement choisi pour ériger le monument aux morts. Le préfet a donné son approbation pour l'élévation du monument, jugeant que le vote du conseil municipal a été régulier. Les protestations portent sur la volonté des protestataires de ne pas inscrire le nom de leurs proches sur le monument.
1921, 29 septembre. Du ministère de l'Intérieur au préfet. Réponse au courrier du 15 septembre. Il est demandé au préfet d'informer le maire de Saint-Saturnin que "le nom patronymique constitue une propriété sui generis qui comporte pour toute personne le droit d'interdire aux tiers d'en disposer sans son consentement". Tout conflit entre des particuliers et la municipalité devra se résoudre devant un tribunal.
1922, 10 janvier. "Extrait du registre des délibérations du conseil municipal". La commission constate que le monument a bien été réalisé selon plans et devis approuvés lors de la séance du 6 juin 1921. L'ensemble des travaux est accepté.
1922, 13 janvier. "Bordereau des pièces adressées à M. le Maire" par la préfecture. Est mentionnée une copie visée d'une délibération du conseil municipal du 10 janvier 1922, acceptant sans réserve le monument aux morts.
1922, 30 mars. "Extrait du registre des délibérations du conseil municipal". Projet d'inauguration du monument aux morts. À sept voix contre quatre, le conseil municipal vote un crédit supplémentaire de 300 francs pour l'inauguration. La date est fixée au 14 mai.